C'est mon affaire. Prostituée, client, quel est l'état du droit ?
La loi d'avril 2016 destinée à renforcer la lutte contre la prostitution a cinq ans cette semaine. On compte 40 000 prostituées en France, dont 85% de femmes. Que risquent-elles et que risque le client ?
Emmanuel Daoud est avocat pénaliste, spécialiste des droits de l'homme notamment, au sein du cabinet Vigo, il a notamment été l'avocat du Mouvement du Nid, qui se charge d'accompagner des personnes prostituées vers une reconversion professionnelle.
franceinfo : Quelle est la définition légale de la prostitution ?
Emmanuel Daoud : C'est d'offrir tout type de contact sexuel pour en retirer une rémunération, qui d'ailleurs ne prend pas forcément la forme d'un versement d'argent. On peut se prostituer contre un emploi ou un logement. La prostitution n'impose pas que celle-ci soit régulière, elle peut être occasionnelle. Des personnes en situation de vulnérabilité, de précarité peuvent être tentées, dans des conditions dramatiques pour elles, d'offrir leur corps.
Est-ce que le fait de se prostituer est réprimé en France ?
Cela a été réprimé par le passé. Une loi de 2004 punissait le délit de racolage, actif ou passif, ce qui veut dire se jeter au cou, et c'était sur l'espace public, et la loi de 2016 a aboli toute pénalisation de la prostitution. Donc le fait de se prostituer n'est pas sanctionnable par la loi pénale.
Il n'y a donc que le client qui puisse être condamné ?
Le client, mais évidemment le proxénétisme est poursuivi, la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle est poursuivie. Le fait d'inciter des mineurs à se prostituer est poursuivi, le fait de mettre en ligne des photos d'adultes dénudés sans leur consentement, ou de mineurs avec ou sans leur consentement, est poursuivable, et souvent ça va de pair avec une offre de nature sexuelle qui est organisée par des proxénètes occasionnels ou pas.
Donc, dans le cadre d'une relation tarifée, la prostituée peut-elle être condamnée ?
La réponse est non.
Quelle est la peine pour le client ?
C'est une contravention de 1 500 euros et le double s'il est pris en état de récidive.
Que faut-il avoir fait pour cela ?
C'est l'article 611-1 du code pénal qui prévoit une contravention de la cinquième classe et le texte est tout à fait explicite : c'est le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations d'une nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage.
Voilà ce qui doit être caractérisé par le services de police et pour donner un exemple concret, demander une fellation peut être passible de cette contravention et être poursuivi devant les juridictions pénales.
Vous parlez du simple fait de demander cet acte sexuel et non pas de le consommer ?
Tout à fait, il n'y a pas de nécessité de le consommer et il y a des jurisprudences où l'on voit qu'un client a été verbalisé alors qu'il se trouvait dans une voiture avec une prostituée en train de négocier la prestation et le prix. Rien ne s'était passé encore, il a été verbalisé.
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