C'est mon affaire. Est-ce qu'on a toujours le droit de faire appel d'une décision de justice ?
L'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, a été condamné lundi 1er mars 2021, à trois ans de prison dont un ferme par la chambre correctionnelle de Paris dans l'affaire dite des "écoutes". Peut-on faire appel de toutes les décisions de justice ?
Quelles conséquences a un appel après une condamnation d'un tribunal ? Peut-on faire appel de toutes les décisions de justice ? Les précisions de Vincent Vigneau, professeur associé à l'université de Saint-Quentin-en-Yvelines.
franceinfo : Est-ce que, en faisant appel, Nicolas Sarkozy, malgré sa condamnation, redevient innocent ?
Vincent Vigneau : En fait, il ne devient pas innocent, il reste présumé innocent. La présomption d'innocence est une fiction juridique. Il est supposé que tant qu'une personne n'a pas été définitivement condamnée elle est présumée innocente, et donc on ne peut pas la considérer comme coupable. Cela ne veut pas dire que les gens ne sont pas coupables. Ça veut dire qu'ils n'ont pas été déclarés coupables par la justice, et que c'est à l'accusation de rapporter la preuve de leur culpabilité. Et non l'inverse.
Est-ce que l'appel a systématiquement le pouvoir de suspendre la condamnation qui a été prononcée ?
En matière pénale, oui. Le principe c'est que l'appel est suspensif. Donc il suspend l'exécution de la décision de première instance. Il y a quelques exceptions : lorsque la personne est déjà détenue ou lorsque la personne a été condamnée en comparution immédiate ou qu'elle a été condamnée à une peine supérieure à un an d'emprisonnement ferme, ou bien qu'elle était en état de récidive légale.
Dans ce cas, le tribunal peut, par une décision spéciale et motivée, compte tenu des circonstances de l'espèce, qui peut être le risque de fuite par exemple, décider du maintien en détention ou bien du placement en détention du prévenu qui comparaissait libre. Et ce, malgré l'appel. Mais dans ce cas, la cour d'appel doit se prononcer dans un délai bref de quatre mois.
Est-ce qu'on peut faire appel de toutes les décisions de justice en France ?
En principe oui, à l'exception de cas prévus par la loi. En matière pénale, on peut faire appel des jugements correctionnels, pour des tribunaux qui jugent les délits. Depuis la loi du 15 juin 2000, on peut faire appel des décisions des cours d'assises.
En matière de contravention, on ne peut faire appel que des contraventions de la cinquième classe ; celles d'une peine supérieure à 1.500 euros et lorsque le tribunal de police, qui statue sur les contraventions, prononce une suspension de droits, comme par exemple la suspension du permis de conduire. En matière civile, toutes les décisions sont susceptibles d'appel sauf lorsque l'enjeu du litige est inférieur à 5.000 euros.
Ce n'est pas la même chose à l'étranger...
Le droit au double degré de juridiction, c'est vraiment un droit fondamental en France. Dans certains autres pays, notamment dans les pays de "common law", il faut parfois, pour faire appel, avoir l'autorisation du juge qui a rendu la décision ou du juge d'appel et parfois des deux juges. Nous avons 36 cours d'appel en France qui jugent environ 200 000 affaires par an, alors que pour l'Angleterre et le Pays de Galles, il n'y a qu'une seule cour d'appel qui juge 2 000 affaires par an.
Quels sont les délais pour faire appel ?
En matière pénale, c'est 10 jours à compter de la décision, lorsque le jugement a été rendu contradictoirement. Et une fois que le prévenu a fait appel, le ministère public, c'est-à-dire le procureur, dispose de cinq jours pour former un appel incident. En effet, si seul le prévenu interjette appel, la cour d'appel ne peut pas aggraver la sanction. C'est la raison pour laquelle on a prévu la possibilité pour le procureur de réagir en formant à son tour appel, ce qui fait que si le procureur fait un appel incident la cour d'appel pourra aggraver la sanction.
C'est long une procédure en appel ?
Si le prévenu est détenu, la cour d'appel doit statuer dans les quatre mois, sinon ça dépend de la charge de la cour d'appel, du nombre de dossiers qu'elle a à traiter, de la complexité du dossier. En général, l'appel est jugé dans l'année qui suit.
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