La psilocybine contre l'anorexie ?
Géraldine Zamansky, journaliste au Magazine de la Santé sur France 5 et tous les samedis sur franceinfo, détaille aujourd'hui une étude américaine publiée dans Nature : une substance issue d’un champignon hallucinogène, la psilocybine, apporterait un espoir dans la lutte contre l’anorexie mentale.
franceinfo : C’est sérieux, une équipe californienne vient de publier des résultats très encourageants avec une molécule, dite psychédélique ?
Géraldine Zamansky : Absolument, dans cette étude californienne, 9 des 10 patientes souffrant d’anorexie mentale allaient mieux après une thérapie associée à cette psilocybine. Avec moins d’anxiété pour leur poids, leur silhouette, et ce qu’elles mangent. Quatre d’entre elles étaient même en rémission, trois mois après ce traitement. C’est-à-dire qu’elles n’avaient plus aucun des symptômes clés de cette maladie, où la restriction alimentaire peut créer un risque vital.
Avec parfois un changement radical en pleine séance, comme me l’a raconté Stéphanie Knatz Peck, la psychologue de l’Université de Californie qui a conduit cet essai. Pour la première fois de sa vie, une des patientes a vu sa maigreur, dans le miroir présent dans la pièce. Jusque-là, elle se trouvait toujours trop grosse. Cette perception déformée de son propre corps, est au cœur de cette pathologie.
Et c’est là qu’agirait la psilocybine. Stéphanie Knatz Peck traduit son action par la possibilité de sortir de son "organisation mentale". Une sorte de déconnexion qui permet une ouverture à d’autres choses. La même patiente n’arrivait même plus à comprendre comment elle avait pu être autant obsédée par son poids.
Cela semble assez incroyable, comment agit cette psilocybine ?
Ce qui se produit alors dans le cerveau a été exploré dans d’autres études d’imagerie. Avec par exemple, une activation de zones associées à un mode de pensée plus souple et créatif. Une action précieuse pour les personnes anorexiques, bloquées dans un système hermétique.
Toutes les patientes décrivent d’ailleurs une expérience très positive pour elles, même si elles restent encore en difficultés. Elles auraient aimé une seconde séance, comme dans d’autres protocoles, où la psilocybine a été testée avec de bons résultats. Contre les dépressions résistantes aux traitements classiques et les syndromes de stress post-traumatique.
Attention, nous parlons bien ici de séances accompagnées par des professionnels. Dans cette étude, deux psychologues, restaient avec les patientes jusqu’à 10 heures, après la prise d’une dose assez forte de psilocybine. Sachant que l’effet dure au maximum 6 heures. Il peut être éprouvant, avec, par exemple, la résurgence de souvenirs difficiles, ou la survenue de visions impressionnantes.
Les thérapeutes sont là pour sécuriser l’expérience. Il ne faut surtout pas tenter d’essai sauvage sans cette présence. Et avec des produits sûrs, strictement dosés. C’est la condition pour qu’un produit psychédélique puisse être thérapeutique.
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