La prostitution des adolescentes
La prostitution continue à faire des ravages en France. Un nouveau réseau de proxénétisme vient d'être démantelé dans les Bouches-du-Rhône. Un réseau brésilien qui employait des jeunes filles. Il y aurait de 7 000 à 10 000 mineurs, surtout des jeunes filles, qui se prostitueraient en France, d'après le gouvernement. Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos.
Le gouvernement a présenté, le 15 novembre dernier, un plan interministériel destiné à comprendre, prévenir et combattre la prostitution des mineurs. Ce phénomène toucherait essentiellement des jeunes filles, et elles seraient actuellement entre 7 000 à 10 000 à se prostituer.
franceinfo : Comment expliquer qu’une adolescente puisse en arriver à se prostituer ?
Claude Halmos : Les 7 000 à 10 000 jeunes filles qui se prostitueraient, auraient entre 15 et 17 ans, et certaines auraient même commencé à 14 ans. Ce qui est vertigineux et s’explique de deux façons : par des causes sociologiques, et par d’autres, psychologiques, qui renvoient à l’histoire personnelle de chacune de ces jeunes filles.
Parmi les causes sociologiques il y a l’idée d’un argent facile (pas forcément lié à une précarité familiale puisqu’aujourd’hui, des adolescentes de tous les milieux se prostituent). Il y a l’existence des réseaux qui permet de passer facilement, et presque magiquement, de l’idée à sa réalisation. Et il y a surtout l’inflation de la pornographie qui donne aux adolescents l’idée que la sexualité se résumerait à une série de pratiques que l’on pourrait apprendre et reproduire, comme n’importe quelle gymnastique, sans en être le moins du monde, affecté.
Et les raisons psychologiques ?
Quand on écoute des femmes, jeunes ou non, qui se prostituent, on se rend compte que l’argent qu’elles cherchent est souvent une tentative inconsciente de compenser le fait qu’elles pensent n’avoir, en elles-mêmes, aucune valeur. Et c’est toujours lié à leur histoire. Certaines ont été, enfants, utilisées sexuellement, comme des objets, par des adultes. D’autres, même sans agression, n’ont jamais été respectées ni dans leurs familles, ni ailleurs.
Et la plupart n’ont jamais senti qu’elles avaient une valeur pour leurs parents ; que leur personne, leur corps, leur vie étaient pour eux d’un prix inestimable. Ce dont tout enfant a besoin pour se sentir, lui-même, une valeur. Quand on met son corps en vente, même à un prix élevé, on lui donne le statut d’une marchandise, par définition interchangeable, et donc sans réelle valeur.
Quelles peuvent être les conséquences sur ces jeunes filles et que peut-on faire ?
Les conséquences sont toujours très lourdes pour ces jeunes filles, d’autant qu’elles sont à un âge qui devrait être celui de la construction de leur sexualité adulte. Se prostituer à 14 ans, même en croyant le faire volontairement, c’est se voler à soi- même, sans le savoir, la construction de ce rapport si fragile, si particulier à chacun, et si important entre le corps et les émotions. Et la question se pose de savoir si c’est rattrapable, et comment.
C’est le même problème qu’un bébé dont la construction du rapport à la nourriture, est bouleversée par des privations graves, du fait d’une famine, par exemple. Et puis ces jeunes filles vivent très souvent des situations traumatiques, du fait de leur proxénète ou de leurs clients. Il serait donc urgent de faire, à l’école (où l’on peut atteindre tous les enfants) et dès les plus petites classes, un travail de prévention. Il est aujourd’hui, indispensable.
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