C'est dans ma tête. Mesures sanitaires : une atteinte aux libertés ?
Depuis plusieurs mois, les mesures sanitaires suscitent beaucoup d’oppositions, surtout quand elles concernent des modifications d’horaires de bars, ou de restaurants, des fermetures de plages, le port du masque, on parle même d'atteintes aux libertés.
Beaucoup de Français sont opposés aux mesures sanitaires, surtout quand elles concernent des modifications d’horaires de bars, ou de restaurants, des fermetures de plages. On parle même d’atteintes aux libertés. Que faut-il en penser ? Décryptage avec la psychanalyste Claude Halmos.
franceinfo : Nous aimerions essayer de comprendre avec vous ce qui motive, profondément, ces réactions ?
Claude Halmos : On retrouve d’abord, chez beaucoup de gens, un sentiment d’impuissance. Par rapport aux scientifiques qui, au nom d’un danger que ces gens ont du mal à se représenter, préconisent des mesures ; et par rapport aux politiques qui les imposent. Ils disent se sentir, comme des enfants, obligés d’accepter les explications des adultes et de leur obéir ; et cela leur semble dévalorisant.
On retrouve également des réactions de déni. Quand une chose fait trop peur, la nier est un moyen d’échapper à la peur. Et, comme ce virus est potentiellement mortel, il s’agit probablement, en niant sa dangerosité, de nier la mort. Certains le font en accusant le gouvernement d’en faire trop. D’autres en multipliant les fêtes, comme un défi, une sorte de pied-de-nez à la mort : même pas peur ! Et cela évoque d’ailleurs certaines réactions, au début de l’épidémie du sida.
franceinfo : On parle aussi d'atteintes aux libertés...
Oui, et c’est problématique, parce que la liberté que l’on revendique est conçue comme un droit à jouir de la vie à sa guise, en permanence, et sans entraves.
C’est une conception fausse : la liberté est toujours limitée par la réalité ; et, dans une société civilisée, par la nécessité de tenir compte des autres, et des lois. Tous les enfants doivent l’apprendre, mais aussi beaucoup d’adultes à qui l’on a tellement prêché la toute-puissance du désir, et l’individualisme, qu’ils en oublient le collectif.
Est-ce qu'il n'y a pas aussi une défiance envers les autorités ?
Bien sûr. Il y a une défiance envers les scientifiques, qui tient à l’obscurantisme véhiculé, depuis des années, par les réseaux sociaux ; mais aussi au fait que, en 2020, une maladie aussi grave, et sans remède paraît inconcevable. Il y a une défiance vis à vis des politiques. Elle est liée au "tous pourris" que sait si bien clamer l’extrême droite, mais aussi aux erreurs qui ont été faites par ces politiques (à propos des masques par exemple). Et, là encore, les réactions évoquent l’enfance.
Face à un interdit posé, au nom d’un danger, par ses parents, la première réaction d’un enfant est toujours de croire qu’ils lui mentent pour le priver d’un plaisir. Il ne peut les croire que si leurs explications sont cohérentes, et surtout s’ils ont préalablement, en lui disant toujours la vérité, gagné sa confiance.
Il serait donc important que nos dirigeants reconnaissent leurs erreurs, mais aussi les souffrances endurées par les citoyens depuis le début de la pandémie, qui sont largement sous-estimées.
Ce serait essentiel, car s’entendre demander des efforts, sans que soient reconnus ceux que l’on a déjà faits, est toujours ressenti comme une violence.
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