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Covid-19 : au Japon, les autorités s'inquiètent d'une tendance au repli sur soi qui se pérennise

Une nouvelle étude montre que des centaines de milliers de gens tétanisés par la peur de la maladie continuent à s'imposer un confinement social. L'épidémie passée, ces "hikikomori" ont maintenant beaucoup de mal à revenir à une vie normale.
Article rédigé par Yann Rousseau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
En 2022, un adulte japonais sur 50 vivait reclus à la maison, selon une étude du gouvernement. (Photo d'illustration). (TAIYOU NOMACHI / DIGITAL VISION)

Avant même l’épidémie de Covid-19, le Japon devait affronter ce phénomène de l’isolement volontaire qui touche des centaines de milliers de gens. On parle ici des "hikikomori", littéralement "retrait social", autrement dit le confinement. Souvent, ce sont des hommes célibataires qui ont été en situation d’échec scolaire ou professionnel et qui s’isolent dans leur chambre, s’ils vivent encore chez leurs parents, ou dans leur studio s’ils vivent seuls. Cela dure souvent des années. On parle de gens qui ne sortent jamais de chez eux ou alors exceptionnellement pour aller à la supérette du coin pour acheter un peu de nourriture.

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Jusqu’ici les études sociologiques tentaient de mesurer l’ampleur de ce phénomène chez les 15-39 ans. En 2015, le gouvernement estimait ainsi que le pays comptait 541 000 "hikikomori". Et selon une étude du gouvernement, le phénomène s'est accentué depuis la crise du Covid. Elle a été réalisée en novembre 2022, donc vers la fin de l’épidémie, et les autorités ont dénombré, à ce moment-là, 1 460 000 "hikikomori" dans tout le pays. C’est un adulte japonais sur 50. Il faut préciser que cette fois, l’enquête a été élargie en terme de classes d’âge. Elle ne portait pas que sur les 15-39 ans mais sur les 15-64 ans. Ce qui explique en partie l’envolée du nombre de reclus.

Communication anxiogène et port du masque

Le gouvernement affirme toutefois que la pandémie a amplifié la tendance au repli sur soi. Lorsque l’on interroge ces personnes confinées pour leur demander pourquoi elles se sont retirées du monde, une sur cinq dit qu’elle a des problèmes avec les interactions sociales. C’était déjà le cas avant mais elles expliquent que c’est la crise du Covid qui les a encouragées à rester enfermées à la maison. Le chiffre est d’ailleurs plus fort chez les reclus un peu plus âgés que chez les reclus jeunes.

L’épidémie de Covid-19 au Japon a pourtant été moins brutale qu’en France. Il n’y a jamais eu de quarantaine obligatoire comme en France ou dans d’autres pays d’Asie. Les Japonais et Japonaises ont continué à aller travailler ou à faire leurs courses normalement. Mais il y a quand même eu une pression sociale très forte, de la part des autorités, des entreprises ou de la communauté, pour pousser les gens à restreindre au maximum leurs mouvements. Aujourd’hui encore, après des années d’une communication assez anxiogène, une majorité de Japonais portent le masque dans la rue. Cela pèse beaucoup sur les personnes déjà naturellement inquiètes ou mal à l’aise en société. Et cela n’incite bien-sûr pas les "hikikomori" à oser sortir de chez eux.

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