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À Los Angeles, un dispositif censé pallier le manque d’abribus fait polémique

Baptisée "la sombrita" (la petite ombre), il est censé, selon les pouvoirs publics, apporter un minimum d’abri aux personnes qui attendent le bus sous un soleil de plomb. Mais c’est surtout l’éclairage alimenté à l'énergie solaire solaire qui a motivé sa création.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La "Sombrita", une petite ombre pour abriter les usagers des bus de Lors Angeles (États-Unis). (PATRICK T. FALLON / AFP)

Une "petite ombre" pour protéger les usagers des bus de la chaleur, c’est ce qu’a inauguré la ville de Los Angeles il y a dix jours, s’attirant les foudres des concernés. Il faut dire que la Sombrita, est une espèce de skateboard perforé de quelque 60 centimètres de large, accroché en haut d’un poteau. "Petite ombre" est assurément un euphémisme, car au grand maximum, le dispositif peut abriter deux personnes. Alors, quand une conseillère municipale a inauguré, très enthousiaste, l’un des quatre prototypes installés en ville, Twitter s’est déchaîné. Un exemple de plus du manque de considération pour les usagers ont relevé certains, de l’argent public gâché ont critiqué d’autres. 

Los Angeles est une ville tentaculaire de la Californie du Sud connue pour ses jours de fortes chaleurs. Or, à peine un quart de ses 12 000 arrêts de bus est muni d’un abribus. Pire encore : il n’y a un banc qu’à un arrêt sur deux en moyenne et le métal brûle parfois tellement qu’on ne peut pas s’y asseoir. On l’aura compris, à L.A, royaume de la voiture, les transports en commun sont traités comme la dernière roue du carrosse. 

Pas de pub, pas d'abribus

Un accord avait pourtant été passé il y a longtemps avec JCDecaux. Le géant français de l’affichage a obtenu le droit de mettre de la publicité aux arrêts de bus à condition d’y installer des abribus. Mais en 20 ans, il n’en aurait construit que 660 sur les 2 185 promis et, en général, dans les quartiers riches, là où la publicité a le plus de chance d’avoir un impact. Sauf que le revenu médian dans les foyers de 62% des usagers des transports se situerait sous les 20 000 dollars, d’où la colère d’associations quand la ville a décidé de signer un accord similaire avec une autre entreprise. 500 000 Angelenos utilisent tout de même les bus au quotidien.

La Sombrita est donc loin d’apparaître comme une solution au problème. Le prototype coûte pour l’instant 10 000 dollars, de la conception à l’installation. C’est déjà beaucoup moins cher qu’un abribus et le prix va baisser jusqu’à 2 000 dollars avec l’économie d’échelle. Il s’installe en 20 minutes et n’a pas besoin de l’approbation fastidieuse de l’administration locale, qui peut prendre des mois à arriver. C’est une organisation à but non-lucratif qui a travaillé sur le projet, confronté à beaucoup de contraintes : laisser un mètre d’espace sur le trottoir, ne pas s’installer n’importe où, être durable, et facile à déplacer. L’organisation a fait comme elle a pu et admet volontiers que son programme-pilote est perfectible. 

Un intérêt plus sécuritaire

Mais l’ombre n’est pas le réel enjeu de la Sombrita, explique un article du Los Angeles Times [article en anglais], défendant en partie le projet. En 2021, LA DOT, l’une des régies des transports, a commandé une étude se demandant si ces bus étaient équitables pour les femmes. Les infrastructures actuelles, et même les itinéraires, ont été, en effet, créés pour des usagers masculins, preuve en est avec la hauteur des sièges, par exemple.

Mais maintenant, plus de la majorité des usagers sont des femmes. L’une des premières décisions prises dans la foulée de ce rapport est d’avoir autorisé les bus sur certains itinéraires, à s’arrêter sur demande et pas forcément à un arrêt, entre 18 heures et 7 heures du matin. Cela évite aux usagères de marcher trop longtemps seules dans une zone jugée à risques, notamment parce que l’éclairage urbain y est rarement fonctionnel. Et c’est là l’un des intérêts de la Sombrita. Le dispositif est, en effet, équipé d’une lumière alimentée à l’énergie solaire. De quoi rassurer un minimum les femmes contraintes de se déplacer seules dans l’obscurité. Et si construire des abribus demande trop de temps ou d’argent, il est également envisagé d’augmenter la fréquence des bus, ce qui réduirait le temps passé à les attendre au soleil ou dans la nuit.

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