Du plomb dans l'air : Matthias Lehmann et les années de la dictature brésilienne
Ce livre est presque aussi monumental que le pays dont il parle. Pour rappel, le Brésil, en termes de superficie, c’est plus de 15 fois la France. Et pour ce qui est de l’histoire contemporaine, notre mai 68 et nos changements constitutionnels apparaissent comme de simples soubresauts, à côté des coups d’Etat à répétition, de l’autre côté de l’océan.
Un gros livre, riche et lourd comme le Brésil
C’est cette histoire mouvementée que raconte Matthias Lehmann, des années 1930 jusqu’au début des années 2000, autour de la vie de deux familles de Belo Horizonte, la capitale de l'État de Minas Gerais. Deux familles aux destins croisés, dont on va suivre quelques personnages, de l’enfance au grand âge.
L’une appartient à la grande bourgeoisie industrielle, blanche, entreprenante et âpre au gain, réactionnaire, sans aucune considération pour les ouvriers qui font tourner ses carrières et ses usines. Pour celle-là, l’auteur s’est inspiré de sa propre famille, et notamment de ses oncles, deux frères aux parcours radicalement différents. L'un d'eux fut un écrivain célèbre en son pays. L’autre famille, dont on suit le chemin dans ce Brésil en pleine révolution moderniste, symbolise la classe ouvrière, qui aspire au changement, et qui finira par porter au pouvoir l’actuel président Lula.
Par-dessus tout, Chumbo illustre la question du déclassement. Ici, les névroses familiales font écho à celles du pays tout entier.
"Sans pleurer sur le sort d’une famille bourgeoise, comme la mienne, qui se déclasse tout au long du XXe siècle, j’observe comment le processus a nourri les névroses et conflits familiaux sur fond d’une histoire politique tourmentée."
l'auteur, Matthias Lehmannà franceinfo
Ce que l’on sait tous du Brésil – la religion du football, la religion tout court, la musique langoureusement rythmée qui envoûte le monde entier, l’architecture – tout ça est en arrière-plan. Matthias Lehmann met surtout en scène des aspects que l’on ignore : la vie quotidienne, le rapport à la nature, les relations sociales.
Quatre ans de travail, plus de 360 pages, des dessins comme autant de gravures sur bois, des dizaines de milliers de hachures...
Chumbo, aux éditions Casterman.
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