BD, bande dessinée. Lumière noire
Avec Black-out, Loo Hui Phang et Hugues Micol livrent une réflexion éclairante sur la condition et le traitement des minorités dans le grand cirque hollywoodien.
Faire-valoir des stars blanches, symboles de l'Amérique triomphante, les acteurs issus des minorités resteront longtemps anonymes et cantonnés à des rôles secondaires.
Il s’appelle Maximus Wyld
Vous ne le connaissez pas, pourtant il a joué dans nombre de films que vous avez certainement vus. Vous ne le connaissez pas, car les scènes dans lesquelles il a joué ont rarement été gardées au montage. Quand elles le furent, la censure s’est chargée de les faire disparaître. Vous ne le connaissez pas, tout simplement aussi, parce que Maximus Wyld n’existe pas.
Ou, pour le dire autrement, il représente à lui tout seul l’ensemble des acteurs noirs, asiatiques et indiens d’Amérique qu’Hollywood a recrutés dans les années 1930-40-50 et 60 pour jouer les faire-valoir dans les westerns, les péplums et autres films d’aventures à grand spectacle, dont l’usine à rêves a inondé les écrans du monde entier. Maximus Wyld est une création de la scénariste Loo Hui Phang.
Je suis retombée sur un portrait de mon grand-père qui était vietnamien et qui, étrangement, a des traits africains. On dirait un métis noir asiatique. Il était très beau, très élégant. Son visage me fascine. C’est ce qui m’a donné l’idée d’un personnage dont on ne saurait pas très bien d’où il vient.
La scénariste Loo Hui Phang
Hollywood est une machine fascinante et cruelle
Ceux et surtout celles qui aspirent à y atteindre la gloire et à trôner au sommet du glamour et du merveilleux doivent accepter la loi des grands studios et renoncer à s’appartenir. Selon les auteurs de Black-out, Hollywood, c’est de l’émotion, de belles images, mais aussi de l’idéologie sur grand écran.
Hollywood est une machine de communication formidable pour l’Amérique. Pour faire la publicité de ce qu’elle est, c’est-à-dire une démocratie conquérante, riche, capitaliste, blanche, chrétienne, qui ne demande qu’à se développer.
La scénariste Loo Hui Phang
Pour exister dans cet univers impitoyable, Maximus Wyld sera tour à tour chinois à natte et peau-rouge à plumes, soldat casqué et danseur de claquettes et, bien sûr, domestique humilié. Pour tirer son épingle du jeu, il devra composer. Lorsqu’il s’oppose, il est crucifié. Les projecteurs s’éteignent.
Black-out vaut tout autant pour la puissance du récit que pour la mise en scène et le dessin foisonnant d’Hugues Micol, dont le noir et blanc capte la lumière avec autant de force et de subtilité que la caméra suit le visage du héros.
Black-out de Loo Hui Phang et Hugues Micol, aux éditions Futuropolis.
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