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BD, bande dessinée. Assurancetourix de banlieue

Au lendemain du massacre du Bataclan et des attentats de novembre 2015, le dessinateur Gilles Rochier achète une trompette. Il n’a rien trouvé de mieux pour évacuer le malaise qui l’a saisi. Il faut que ça sorte. Plus tard, il en fera un livre. 

Article rédigé par franceinfo, Jean-Christophe Ogier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
ROCHIER, UN POUETTE D'AUJOURD'HUI (GILLES ROCHIER / CASTERMAN)

Après les attentats de novembre 2015, Gilles Rochier a eu envie d'acheter une trompette, sa manière à lui de faire face à l'horreur et au malaise. Pendant des mois, il va casser les oreilles de sa famille, de ses amis et de toute sa cité de la banlieue parisienne. Avant d’en faire un livre, aussi drôle que grave. Son titre : SOLO.

Dans les premières pages de SOLO, Gilles Rochier se met hors champ. A peine voit-on ses jambes en bord de cases. On comprend immédiatement que le personnage principal de l’histoire sera la trompette, ou plus précisément le bugle, dont il tire inlassablement, à chaque page, des Pouettte franchement disgracieux.

Souffler pour pouvoir souffler

Gilles Rochier a acheté l’instrument au lendemain des attentats de novembre 2015. Sidéré par ce qui venait de se passer au Bataclan et dans le XIe arrondissement de Paris, il ne pouvait plus prononcer un mot. Alors, il s'est mis à jouer. La solitude du souffleur de fond va révéler le malaise qui a gagné toute la France.

Quand un tel événement se produit, on demande bien souvent aux gens de donner leur avis alors qu’ils sont pris par un mélange d’émotions : l’incompréhension, la trouille et la colère. Moi, je pense qu’il faudrait se taire, fermer la boutique pendant quelques jours. Je ne savais pas quoi dire, donc j’ai écouté les autres.

Gilles Rochier

Les autres, c’est la famille, les copains, les voisins de la cité de banlieue où vit le dessinateur, et qui ne savent pas comment réagir devant ce mutisme assourdissant.

J’ai saoulé tout le monde. Qu’est-ce qu’il invente encore ? Mais au fil du livre, on sent qu’ils acquiescent. Après tout, c’est peut-être une solution pour survivre à cette période anxiogène et terrible. Mon mutisme et mes bêtises avec la trompette finissent presque par les faire marrer.

Gilles Rochier

Certains parient sur une facétie de l’artiste du quartier. Les plus inquiets y voient une pathologie qu’on espère temporaire. Gilles Rochier, lui, vit la trompette comme un sport de compétition, un défi physique, une façon d’expirer ce qui comprime la poitrine. Un appel, aussi.

Le gag qui n’en est pas un va durer six mois, jusqu’à la fin juin de l’année suivante. D’abord interloqué, puis soucieux, le lecteur finit par éclater de rire à chaque page de cette BD pleine d’autodérision, éditée en bichromie, en noir et cuivre, sur fond blanc. Couleur cuivre comme la trompette qui n’en finit pas de pouetter.

SOLO, aux éditions Casterman.

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