Cet article date de plus de six ans.

BD bande dessinée. Apprivoiser les monstres

Cette bande dessinée est à la hauteur de son titre : "Moi, ce que j'aime, c'est les monstres". L'américaine Emil Ferris a mis six ans à composer cette fresque graphique, journal d'une enfance douloureuse et miroir d'un pays malade.

Article rédigé par franceinfo, Jean-Christophe Ogier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
N'AYEZ PAS PEUR, EMIL FERRIS VOUS TIENT LA MAIN (EMIL FERRIS, MONSIEUR TOUSSAINT LOUVERTURE)

Emil Ferris a passé une bonne partie de son enfance dans un quartier populaire de Chicago. Celui qu’elle décrit dans son roman graphique Moi ce que j’aime, c’est les monstres 

Nos amis les monstres

C’est une bande dessinée hors-norme. On y entre avec crainte. Le dessin est démesuré. Il déborde de la page et permet de raconter ce qui ne peut pas être expliqué par les mots. Chaque chapitre s’ouvre par une fausse couverture de livre d’horreur, dans le style de ceux que la dessinatrice aimait lire enfant. Quand on lui demande si son quartier était aussi étrange et violent que ce qu’elle en montre, elle sourit.

J'ai diminué la violence dans le livre.

Emil Ferris

Camarades de classe à la méchanceté crasse, mère malade, voisine suicidaire, sans oublier tous les laissés pour compte de l’Amérique, qui traînent sur les trottoirs, Emil Ferris s’attarde sur les visages grimaçants, sur les corps tatoués. Ici, le dessin est d’une précision maniaque, là ce sont de simples croquis vite jetés sur le papier. La jeune héroïne de ce récit à hauteur d’enfance doit faire face chaque jour à l’horreur et à la souffrance. Comment la jeune Emil Ferris parvenait-elle à s’en protéger ?

Le seul bouclier que vous ayez enfant, c’est cette prise de conscience qu’il y a une raison pour que vous voyiez tout ce que vous voyez. Pour moi, la raison, c’était qu’il faudrait qu’un jour, j’en fasse un livre.

Emil Ferris

Un livre somme

Moi ce que j’aime, c’est les monstres parle aussi de la façon dont la contemplation des toiles de maîtres peut transcender la vulgarité du quotidien. Le livre dénonce aussi une Amérique qui ne veut pas faire face à ses fantômes. Multipliant les récits gigognes, encastrés les uns dans les autres, il nous renvoie aussi en Allemagne et à la Shoah, quand d’autres enfants étaient engloutis par les ogres nazis.

L’ouvrage est si dérangeant que la créatrice a dû solliciter une cinquantaine d’éditeurs avant d’être publiée. Mais il est si fort qu’il a immédiatement été couronné de nombreux prix.

Moi ce que j’aime, c’est les monstres est traduit en français aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. Le premier volume court sur  plus de 400 pages.

Emil Ferris présentera son travail le week-end prochain à Paris lors du festival Formula Bula.  

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