Bientôt une centrale osmotique dans le delta du Rhône
Nicolas Heuzé, fondateur et directeur général de la startup Sweetch Energy est l'invité du "Fil de l'eau". La Compagnie nationale du Rhône se lance dans l'énergie osmotique, énergie qu'il serait possible d'obtenir au voisinage des estuaires, où l'eau douce fluviale se mélange à l'eau salée de la mer.
A l'heure où les réflexions se multiplient sur l'indépendance énergétique et le développement des énergies renouvelables, la Compagnie nationale du Rhône se lance dans l'énergie osmotique. La Compagnie nationale du Rhône est le premier producteur français d’énergie exclusivement renouvelable, et le concessionnaire du Rhône pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial et les usages agricoles.
Un projet pilote va être lancé dans le delta du Rhône grâce à l'appui technologique de Sweetch Energy, une startup créée en 2015 à Rennes. Le partenariat industriel vient d'être signé , les phases de tests débuteront au début de l'année dans les laboratoires de la CNR (Compagnie nationale du Rhône) à Lyon, et la centrale devrait être opérationnelle fin 2023.
L'usine sera construite avec des biomatériaux pour une production d'énergie 100% renouvelable. Des tests sont actuellement pratiqués dans différentes zones du delta pour déterminer l'endroit exact de l'implantation.
Quand l'eau douce rencontre l'eau salée
L'énergie osmotique utilise la réaction issue de la rencontre entre l'eau douce et l'eau salée. "Le principe consiste à amener un flux d'eau douce et un flux d'eau salée dans un générateur osmotique constitué de plusieurs membranes installées dans de grandes armoires", explique Nicolas Heuzé. Les deux flux circulent doucement le long de ces membranes dont les propriétés spécifiques permettent aux ions de générer de l'électricité.
L'énergie osmotique se libère naturellement dès que l'eau douce des fleuves rencontre l'eau salée de la mer et de l'océan, donc l'usine utilisera une partie du flux du Rhône et une partie de l'eau de la Méditerranée pour créer du courant.
"C'est une énergie 100% décarbonée."
Nicolas Heuzé, fondateur de Sweetch Energyà franceinfo
L'intérêt de ce système, c'est que la production d'énergie est permanente et indépendante des conditions météorologiques.
L'objectif de ce projet pilote est de démontrer que l'énergie osmotique peut devenir à terme une énergie de base et de complément pour d'autres types de production, notamment l'énergie hydraulique. Nicolas Heuzé estime que sur le Rhône, cette centrale osmotique permettra de produire chaque année plus de 4 millions de mégawatt-heure (MWh), soit deux fois la consommation électrique annuelle des habitants de Marseille. A titre de comparaison, un réacteur nucléaire de 900 MW produit environ 5,5 millions de MW par an.
"L'énergie osmotique est étudiée depuis plus de 70 ans", souligne Nicolas Heuzé. Plusieurs centrales ont été mises au point dans le nord de l'Europe, notamment en Norvège et aux Pays-Bas, mais les technologies utilisées étaient plus anciennes et moins performantes. Sweetch Energy a développé une technologie plus efficace grâce à l'appui du CNRS et de l'institut Pierre-Gilles de Gennes à Paris. Elle a réussi à multiplier par 20 la performance des membranes et à diviser par 10 le coût des matériaux.
Une technologie efficace pour affronter les conséquences du réchauffement climatique
Avec le réchauffement climatique et la multiplication des périodes de sécheresse, le niveau des fleuves est amené à baisser.
"Pour le Rhône, on estime que le débit du fleuve va baisser de 10% d'ici à la fin du siècle", explique le chef d'entreprise. L'énergie osmotique est donc un moyen de palier les difficultés de production des centrales hydroélectriques. " C'est un très bon complément", insiste Nicolas Heuzé qui précise que de nombreux travaux sont actuellement menés aux États-Unis et en Asie, car à l'horizon 2050, cette source d'énergie renouvelable pourrait représenter près de 15% des besoins en électricité de la planète.
Selon le co-fondateur de Sweetch Energy, 30 000 TWh* (Térawatt-heure) d'énergie osmotique se dissipent chaque année dans les deltas et les estuaires, soit une capacité supérieure à la demande mondiale annuelle en électricité.
* Le térawatt-heure est une unité de mesure d'énergie. 1 TWh équivaut à 1 milliard de kwH (kilowatt-heure)
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