"Le fils du père" de Victor del Arbol chez Actes Sud
Victor del Arbol s'est hissé parmi les auteurs espagnols incontournables en Espagne. On ne voit guère que Javier Cercas ou le basque Fernando Aramburu Irigoyen, pour proposer des romans qui mêlent ainsi les genres, polar et roman noir, avec une telle densité et profondeur. Le fils du père, dans l'exercice, atteint des sommets.
L'histoire du XXᵉ siècle, les guerres, la société espagnole, avec ses violences sociales et ses violences familiales, sont au cœur de ce roman. Victor del Arbol nous raconte une histoire de famille, qui prend ses racines en Estrémadure, dans la guerre civile, et nous mène jusqu'à aujourd'hui, et au personnage central de ce récit, un certain Diego Martin, interné dans une unité psychiatrique, après avoir torturé et tué un jeune homme.
On ne sait pas pourquoi, on le saura. C'est ce Diego Martin, prof d'université qui a socialement réussi, qui nous raconte de son point de vue cette histoire, complétée par un narrateur extérieur pour comprendre ce qui s'est passé, et remonter aux origines de la violence des hommes, de la famille de Diego, son père, son grand-père et lui, qui a pourtant tout fait pour ne pas leur ressembler. Mais Diego, ce meurtrier, est aussi persuadé qu'il a le même virus du mal que ses père et grand-père.
Une histoire familiale captivante, ponctuée de tragédies
Le fils du père est à la fois un roman sur la transmission – et la fin est à ce titre poignante, et remet les choses en place. C'est un roman sur les violences de la société espagnole depuis la guerre civile, le rôle de l'Église, la condition du prolétariat rural. Mais Victor del Arbol a du souffle, et il adore l'Histoire.
Il nous emmène ainsi en Russie, pendant la Seconde Guerre mondiale, avec la Brigade Azul, la Division Bleue, ces Espagnols franquistes, plus ou moins volontaires, qui sont allés combattre avec la Wehrmacht. Le grand-père de Diego en reviendra transformé, mais pas plus tendre pour autant. On tremble dans ce récit pour les souffrances infligées aux femmes, et toutes ces violences provoquent peur et haine, et chaque génération ne peut que reproduire les erreurs de la précédente.
La construction du roman est complexe, et nous propose une sorte de tableau monumental, où l'on peut s'arrêter sur chaque détail qui nourrit l'ensemble et le suspense. C'est absolument passionnant, et ça donne un grand roman espagnol.
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