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L'ultime roman de John le Carré : "L’Espion qui aimait les livres"

John le Carré est mort en 2020, mais le maître du roman d’espionnage avait laissé derrière lui un roman, jamais publié, sans doute écrit pour une large part en 2014.  

Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
La sélection de livres de poche sortis cet automne par Gilbert Chevalier. (DANIEL GRIZELJ / DIGITAL VISION / GETTY IMAGES)

L’Espion qui aimait les livres, cet ultime roman posthume de John le Carré, vient donc de paraître aux éditions du Seuil. C’est son fils cadet, lui aussi écrivain, qui a supervisé cette publication.   

Dans une postface, Nick Cornwell raconte la promesse qu’il avait faite à son père de finir son dernier roman, si jamais la mort l’en empêchait. Mais très vite, le fils de John le Carré affirme qu'il n'a rien eu à faire : L’Espion qui aimait les livres était un livre quasiment abouti.

Et c'est tellement vrai, qu'il faut rassurer le lecteur potentiel : il ne s’agit pas d'un coup d’édition un peu artificiel, et on retrouve dans ce roman le talent et la veine du John le Carré des derniers romans, un peu désabusé, comme ses héros fatigués et guère optimistes sur la marche du monde, mais avec toujours une élégance, un sens de l'humour et une distance très britannique.

Avec ce roman, John le Carré nous emmène dans les pas d'un jeune trader qui, après avoir gagné beaucoup d’argent à la City, s’invente une nouvelle vie de libraire dans une petite station balnéaire du Suffolk, sur la côte Est de l’Angleterre. Et on a droit à une visite guidée au sein d'une petite communauté, sorte de concentré d'Angleterre.   

Mais la reconversion du trader n’est pas une réussite. Pas ou peu de clients dans la boutique, à part un homme un fantasque d'origine polonaise qui se prend bizarrement de passion pour lui et sa librairie. On saura pourquoi à la fin du roman. L'histoire se développe parallèlement avec une enquête des services secrets britanniques. 

Et au-delà de cette histoire, toujours concoctée avec minutie, John le Carré nous parle comme il le fait depuis 2013, avec "Une vérité si délicate", des doutes des agents secrets, et plus profondément de la faillite des valeurs des démocraties occidentales. Et on lit avec toujours un immense plaisir le monde tel que le voit John le Carré, à travers ses histoires d’espions. Une sorte de tableau abstrait et mélancolique.

Et on s’interroge évidemment pour savoir pourquoi John le Carré n’avait pas souhaité publier ce roman de son vivant. Peut-être parce qu’encore une fois, les espions de John le Carré y sont un peu perdus, les services secrets en proie à des luttes de clans, avec en toile de fond, l’histoire et le destin du monde occidental moins radieux que jamais ? Peut-être était-il usé par ce désenchantement et ce pessimisme, affichés depuis quelques romans.  

Bref L’Espion qui aimait les livres est une sorte de concentré de John le Carré, et il ne faut pas bouder son plaisir…

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