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"Des racines blondes" de Bernardine Evaristo, aux éditions Globe

"En souvenir des dix à douze millions d'Africains emmenés comme esclaves en Europe puis aux Amériques… et de leur descendants, 1444 - 1888" : c'est l'épigraphe de "Racines blondes", une fable de Bernardine Evaristo, première femme noire à avoir obtenu le prestigieux Booker Price, considérée comme l'héritière de Toni Morrison.
Article rédigé par Gilbert Chevalier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
13 Septembre 2022, Berlin. L'écrivaine britannique Bernardine Evaristo au festival international de littérature jeunesse qui s'est déroulé du 7 au 17 septembre 2022, dans différents lieux de Berlin. (DPA / PICTURE ALLIANCE VIA GETTY IMAGES)

Racines blondes, récit imaginaire de Bernardine Evaristo, militante, activiste, dramaturge britannique, présidente de la Royal Society of Literature, dont la traduction en français a été publiée le 2 février dernier, aux éditions Globe, pose d'emblée la thématique suivante : "Et si l'Afrique avait conquis le monde ? Et si les maîtres étaient devenus les esclaves ?" 

Racines blondes a été publié il y a 15 ans, en 2008, sous le même titre, en anglais. C'était l'un des premiers romans de Bernardine Evaristo, écrivaine universitaire née à Londres en 1959, d'une mère anglaise, d'un père nigérian. Depuis, il y a eu beaucoup d'autres livres, et elle a reçu le Booker Prize, l'équivalent britannique du Goncourt pour Fille, femme, autre, roman qui nous emmène dans la tête de femmes britanniques de tout âge, mais presque toutes noires.

Bernardine Evaristo a beaucoup écrit sur ce thème du racisme, et sur la vie des Noirs au Royaume-Uni. Auteure très engagée, activiste et dramaturge, elle a donc imaginé dans Racines blondes une planète où l'Afrique a conquis le monde, et où les Blancs sont souvent réduits à l'esclavage.

On suit ainsi le sort de Doris, fille d'agriculteurs anglais, enlevée par des trafiquants et revendue à Aphrika, achetée par une famille riche pour tenir compagnie à leur fille, puis revendue à un puissant propriétaire terrien. Doris est devenue la secrétaire indispensable de ce maître. Elle fait partie de l'élite enviée des esclaves. Mais en grandissant, évidemment, elle rêve de liberté sous terre, dans les couloirs d'un métro oublié. Une résistance s'est formée.

Anciens esclaves et Noirs humanistes organisent le retour au pays des plus courageux. Mais Doris est reprise. On l'envoie travailler aux champs, dans des îles lointaines, en guise de punition. Et c'est là qu'elle découvre la culture des esclaves des plantations, et reprend paradoxalement contact de manière inattendue avec ses racines. Le tout est raconté avec beaucoup de précision.

Une fable uchronique

Un monde imaginaire, où l'on retrouve tous les mythes mais inversés du monde des esclaves aux États-Unis, comme ce métro souterrain qui fait référence au fameux underground "rail road" qui n'avait rien d'un train souterrain, mais était composé des routes, des réseaux empruntés réellement par les esclaves qui fuyaient leur condition. Le romancier américain Colson Whitehead le raconte d'ailleurs dans un roman, Underground Railroad.

Alors avec beaucoup de précision, Bernardine Evaristo inverse ainsi l'histoire des Blancs et des Noirs. Et au milieu d'une cruauté sans nom, c'est même parfois drôle, notamment quand l'auteur pousse jusqu'aux détails physiques – les canons de la beauté dans ce monde sont noirs – les Blancs veulent leur ressembler, les Noirs aiment l'exotisme des Blancs, etc... 

La langue de Bernardine Evaristo est très riche, une histoire qui ne peut qu'interroger le lecteur sur l'héritage de l'esclavage et des préjugés racistes.

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