Revalorisation de la consultation, lutte contre le tabagisme, rendez-vous médicaux non honorés… Ce qu'il faut retenir de l'interview de François Braun
Le ministre de la Santé était l'invité du "8h30 franceinfo", mardi 14 février 2023.
François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, était l'invité du "8h30 franceinfo", mardi 14 février 2023. Revalorisation de la consultation, lutte contre le tabagisme, rendez-vous médicaux non honorés, Ehpad, précarité menstruelle… Il répond aux questions de Marc Fauvelle et Salhia Brakhlia.
Revalorisation de la consultation : "7 000 euros par an, c'est loin d'être une marque de mépris"
La hausse du tarif de base de la consultation, proposée par l'Assurance maladie aux généralistes, "représente quand même, en moyenne par médecin, 7 000 euros sur l'année", ce qui "n’est pas négligeable", estime François Braun. "C'est loin d'être une marque de mépris", répond-il aux syndicats de médecins libéraux. Ces derniers considèrent que la proposition de l'Assurance maladie d'une consultation de base à 26,50 euros, contre 25 euros aujourd’hui, est "une provocation".
"C'est le début de la négociation", assure le ministre, alors que les médecins libéraux sont appelés à cesser le travail ce mardi 14 février. Leurs syndicats veulent que le tarif de base de la consultation soit augmenté de 30 euros minimum, voire de 50 euros. "Ce que réclament les médecins, à 30 euros, n'est pas absurde dans cette discussion", avance-t-il. Une augmentation conséquente uniquement "pour ceux qui vont s'engager dans ce que nous mettons en place", à savoir la "responsabilité territoriale", rappelle le ministre.
Lutte contre le tabagisme : l'interdiction des arômes dans les cigarettes électroniques est une mesure de "bon sens"
La consommation de tabac est repartie à la hausse en France, selon une étude publiée par Santé publique France. "Le tabac tue encore 45 000 personnes par an", rappelle le ministre de la Santé qui s'inquiète de l'usage des "puffs", ces cigarettes électroniques jetables qui ciblent les plus jeunes. "On constate aujourd'hui que ces 'puffs' sont un mode d'entrée dans le tabac pour les jeunes", selon le ministre. François Braun plaide pour l'interdiction des arômes, une mesure de "bon sens", qui doit être discutée "dans une logique européenne".
Le ministre a également dit vouloir "relever" la fiscalité applicable aux tabacs à chauffer. Autre piste pour lutter contre la hausse de la consommation de cigarettes : "Augmenter le prix du paquet en fonction de l'inflation". Toutefois, "Il n'y a pas de hausse prévue aujourd'hui pour l'augmentation du paquet de cigarettes", déclare-t-il.
Rendez-vous non honorés : "Il faut effectivement trouver un mode de coercition"
Le Sénat examine mardi 14 février en première lecture une proposition de loi pour l'"accès direct" à certains professionnels paramédicaux, sans passer par un médecin généraliste. En commission, les sénateurs ont adopté un article additionnel pour trouver une solution au problème des rendez-vous médicaux non honorés. La Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) évoque un taux d'annulation de 3,5%. Si "la discussion n'est pas assez avancée, n'est pas assez mûrie", le ministre convient qu'"il faut effectivement trouver un mode de coercition".
François Braun se veut prudent, insistant sur le fait qu'un équilibre est "à trouver" entre la pénalisation et la responsabilisation des patients. "Payer un acompte de 5 euros" comme ce qui se fait en Allemagne, "cela veut dire que des gens qui n'ont pas ces 5 euros n'iront pas voir le médecin", avance le ministre. "Pour les multirécidivistes, il faut qu'on trouve un moyen pour leur dire qu'ils prennent le rendez-vous de quelqu'un qui en a besoin, donc il faut qu'on fasse quelque chose", reconnaît-il. "C'est un équilibre à trouver. Je suis tout à fait ouvert à la discussion pour qu'on trouve le meilleur moyen. Et le meilleur moyen ne peut pas être de faire reposer sur la Sécurité sociale, sur l'argent des Français, ces rendez-vous non honorés", ajoute-t-il.
Rémunération des médecins intérimaires à l'hôpital : "Je veux lutter contre l'intérim cannibale"
"L'intérim est une bonne chose quand c'est un intérim raisonnable", déclare François Braun, alors que le plafonnement des salaires des médecins intérimaires à l'hôpital sera mis en œuvre à compter du 3 avril. Les hôpitaux publics ne pourront plus dépasser les 1 170 euros bruts pour une garde de 24 heures. Une rémunération "raisonnable par rapport au travail d'un médecin", justifie le ministre.
"Je veux lutter contre l'intérim que j'ai appelé cannibale", lance-t-il. "Quand en 24 heures, un médecin intérimaire gagne presque deux fois le salaire d'une infirmière par mois, c'est inacceptable", explique-t-il. Anticipant des difficultés de fonctionnement dans certains hôpitaux, le ministre demande "aux directeurs des agences régionales de santé d'anticiper, de réaliser une cartographie avec tous les services, tous les hôpitaux qui peuvent être mis en danger par la mise en application de cette loi".
Ehpad : "La santé ne doit pas être une source de revenus excessifs"
"Il est important qu'on se penche sur cette notion de charge en soins dans les services hospitaliers, mais également dans les Ehpad", consent le ministre de la Santé. L'occasion pour François Braun de revenir sur la prise de contrôle de la Caisse des dépôts d'Orpea. Soupçonné de maltraitance depuis les révélations du livre-enquête Les Fossoyeurs de Victor Castanet, et d'infractions financières, le groupe Orpea va en effet passer sous le contrôle de la Caisse des dépôts, lui permettant de mettre en œuvre sa "transformation".
Cette montée de l'État au capital va "changer [le groupe Orpea] en termes de transparence, en termes d'encadrement, ça va changer dans la réflexion sur ces effectifs en lien avec la charge en soins", explique le ministre. "La santé n'est pas un domaine comme les autres, ce n'est pas un domaine commercial. On ne produit pas des boîtes de conserve dans la santé", insiste-t-il. De quoi s'attendre à une prise de contrôle public dans les Ehpad privés ? "Il faut en tout cas que tout le monde comprenne que la santé ne doit pas être une source de revenus excessifs", répond François Braun.
Précarité menstruelle : "Il faut qu'il y ait une réflexion autour des femmes qui ne peuvent pas accéder à ces protections"
"Il faut qu'il y ait une réflexion autour des femmes qui ne peuvent pas accéder à ces protections", "il faut les aider" explique François Braun qui ne souhaite pas une "gratuité totale". Une mesure qui ne serait "probablement pas justifiée", selon lui. Le ministre de la Santé est revenu par ailleurs sur la gratuité des préservatifs en pharmacie pour les moins de 26 ans, depuis le 1er janvier 2023. En un mois, 2 millions de préservatifs gratuits ont été distribués, contre 500 000 l'année dernière. "Il y avait un réel besoin", assure François Braun qui salue "les pharmaciens qui jouent vraiment le jeu".
Retrouvez l'intégralité du "8h30 franceinfo" du mardi 14 février 2023 :
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