Immigration : "Il faut voir plus loin que ces mesurettes", affirme Xavier Emmanuelli, président fondateur du Samusocial International
Xavier Emmanuelli, président fondateur du Samusocial International, est l'invité de franceinfo le 7 novembre 2019.
L'évacuation de deux campements de migrants porte de la Chapelle, près du périphérique parisien, a eu lieu jeudi 7 novembre. 600 policiers ont été mobilisés pour cette opération qui concerne 1 606 migrants, selon la préfecture de police de Paris. "Il faut voir plus loin que ces mesurettes", a réagi sur franceinfo Xavier Emmanuelli, président fondateur du Samusocial International, cofondateur de Médecins sans frontières.
Que pensez-vous de l'évacuation de deux campements de migrants porte de la Chapelle, à Paris ?
Xavier Emmanuelli : C'est une telle violence. Est-ce que c'est vraiment la bonne solution d'attendre que les gens soient regroupés, créent des liens dans l'incertitude de leur avenir ? Est-ce vraiment la bonne solution de les mettre dans des gymnases ? Je suis très triste à cette idée-là. "Migrant" est un mot péjoratif venu de l'anglais. En français, on disait émigrant, immigrant, déplacé. "Migrant", c'est porteur de menace. La méthode ne me plaît pas. Les grandes migrations, c'est un phénomène contemporain, cela dure depuis dix ans et cela va durer encore une ou deux générations. C'est partout dans le monde. Les émigrants, les immigrants, les déplacés, c'est un phénomène que les sociologues appellent la tectonique des peuples. Ce qui se passe en Afrique, c'est dix fois le phénomène que l'on voit sur l'Europe. Il faut le maîtriser mais je crois que l'on n'a pas les concepts. On a juste peur, on se ratatine, on met des grilles, des murs, des barbelés. Ce n'est pas comme ça qu'on va y arriver, à comprendre. Il nous manque les concepts fondateurs.
Les évacuations vont se poursuive, a annoncé Christophe Castaner. Qu'en pensez-vous ?
Il est bien optimiste. Les migrations, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Les gens vont revenir et comme on ne sait pas traiter les gens à qui on refuse le droit d'asile, on ne les renvoie pas, donc ils vont rester et devenir clandestins. Au bout d'un temps, il va bien falloir en faire quelque chose. Porte de la Chapelle, on peut trouver des déboutés d'Allemagne. Il faut analyser calmement ce phénomène. On a joué avec Dublin, en disant ce n'est pas pour moi c'est pour toi, on a fait le Touquet, on paie gros Erdogan pour qu'il garde les migrants. On cache le phénomène. Il faut se mettre au travail pour savoir ce qu'est ce phénomène, comment on le traite.
Ce ne sont pas les plus pauvres qui migrent. C'est une sorte de classe moyenne qui cherche un avenir. Cela me paraît naturel, les gens subsahariens reviennent chez leur patron, c'est nous qui les avons colonisés.
Les Français ont majoritairement (73%) une mauvaise opinion de la politique menée en matière d'immigration. 63% sont favorables à un durcissement des conditions concernant les dispositifs médicaux. Qu'est-ce que cela traduit ?
C'est Gribouille qui se jette à l'eau pour ne pas voir la pluie. C'est un vieux conte français. Je pense que les quotas, ce sera "peanuts". Ce n'est pas la foire, il s'agit d'hommes et de femmes. Les gens qualifiés qui viennent privent les pays d'où ils viennent de leur qualification. C'est pour ça qu'il faut bien réfléchir à ce que l'on fait. Quant aux mesures sur la médecine, ce ne sont pas des sommes astronomiques. C'est vrai que si vous prenez la Géorgie, il y a des gens qui viennent se faire soigner. Mais la plupart, si vous ne les soignez pas, ils vont disséminer d'autres souches. C'est un mauvais calcul. Il faut voir plus loin que ces mesurettes. Cela ne coûte pas si cher. Si 5% en profitent, qu'est-ce que cela peut faire ? Donc, pas de mesurettes et surtout ne pas désigner comme le mauvais objet dans un espoir électoraliste de ressouder une société. Ils font tous comme ça et c'est une grave erreur.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.