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Fabrice Lenglart (France Stratégie) : "On observe que les départs à l’étrangers ont commencé à diminuer"

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: L'éco
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Fabrice Lenglart, président du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital piloté par France Stratégie, était l’invité de Stéphane Dépinoy dans ":l’éco". L’occasion de discuter des effets sur l’économie des réformes fiscales sur le capital, en particulier la suppression de l'Impôt de solidarité sur la fortune.

À partir de 2018, l’ISF a été supprimé remplacé par l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière), ajouté à l’instauration du PFU (prélèvement forfaire unique) sur les revenus du capital, aussi appelé flat tax. Le constat du deuxième rapport de France Stratégie sur cette réforme de la fiscalité du capital vient d’être publié. Premier constat : les riches s’enrichissent, note Fabrice Lenglart président du Comité d’évaluation : "En 2018, les dividendes versés aux ménages ont énormément augmenté. Ils étaient de l’ordre de 14 milliards en 2017, et ont atteint 23 milliards en 2018. Cette progression profite à des personnes très aisées. En 2018, un tiers de ces 23 milliards a été touché par un dix-millième des foyers fiscaux. 0,01 % des foyers fiscaux captent un tiers des dividendes distribués. Le premier effet a été de redistribuer de l’argent à ceux qui étaient déjà en haut de l’échelle. Un deuxième effet est observable sur les exilés fiscaux. On observe que dès 2017, donc avant même que la réforme soit passée, les départs ont eu tendance à diminuer. Il s’agit de quelques centaines de personnes, ce qui est important car ce sont des contribuables fortunés… Mais il faut rappeler qu’en comparaison, il y a 130000 personnes qui continuent à payer l’impôt sur la fortune immobilière."

Mais est-ce que les plus riches, qui se sont donc enrichis et sont un peu plus nombreux, orientent leur argent vers l’investissement et l’innovation ? Fabrice Lenglart dit ne pas encore pouvoir donner une réponse précise : "Nous ne disposons pas de suffisamment de recul. Ce que je peux dire, c’est que lors du quinquennat précédent, lorsqu’avait été voté une réforme inverse qui consistait à taxer les dividendes en fonction de l’impôt sur le revenu qui est progressif, on avait observé à l’inverse une chute des dividendes perçus par les ménages ; mais s’agissant de l’effet sur l’investissement dans l’économie, les chercheurs qui ont creusé cette question n’ont pas observé d’effet sur l’investissement, à la hausse ou à la baisse. Comparaison ne veut pas forcément dire raison, mais cela montre que cette question reste aujourd’hui entièrement ouverte concernant les dernières réformes fiscales"

À l’issue du débat national en 2019, Emmanuel Macron avait dit cette réforme de l’ISF sera évaluée en 2020, et qu’elle serait corrigée en cas de non-efficacité prouvée … Pourra-t-on un jour trancher ce débat, si on ne peut toujours pas mesurer les effets positifs pour l’économie de cette réforme de la fiscalité ? "Le comité travaille dans la durée. Nous espérons avoir des premiers éléments sur cette question l’an prochain. Les chercheurs universitaires vont avoir accès à des données à la fois coté ménages à travers leurs impôts, et du coté des entreprises sur la forme de l’actionnariat des entreprises. Les entreprises étaient en effet plus ou moins exposées à l’ISF : on sait que les actionnaires payaient plus souvent l’ISF dans des entreprises familiales, tandis que l’actionnariat est souvent très dispersé dans les grosses entreprises, donc moins exposé à l’ISF. Les chercheurs vont donc tenter de voir si le fait d’avoir supprimé l’ISF a conduit à des comportements d’investissement des firmes plus ou moins forts selon cette différence. Si l’on observe que ces deux groupes d’entreprise ont des comportements d’investissement différents, alors on pourra montrer qu’il y a effectivement une causalité et un impact sur l’économie. À l’inverse, s’ils n’en trouvent pas, l’effet sera considéré comme non significatif. Mais nous n’avons pas pu répondre à cette question cette année, car les données nécessaires ne sont pas encore disponibles."

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