Jean-Luc Tavernier (INSEE) : "Rien ne permet d’estimer quand l’économie retrouvera son niveau d’avant crise"
Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’INSEE, était l’invité de Jean-Paul Chapel dans « :l’éco ». L’occasion de discuter de la nouvelle note de conjoncture de l’INSEE, qui fait un point sur la situation économique de la France.
La note de conjoncture de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économique), vient de publier sa note de conjoncture, très attendue en cette période de crise et d’incertitudes : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4796792?sommaire=4473296. Le principal centre d’étude statistique français table sur une récession de 9 % en 2020 : un chiffre jamais connu depuis que l’INSEE existe, en 1946. Son directeur général fait le point : « La France reste tributaire de la situation sanitaire. Il y a eu un printemps où le confinement nous a fait plonger l’activité jusqu’à – 30 % en avril. Puis, il y a eu un regain de confiance et une amélioration des indicateurs sanitaires, qui nous a conduits à revenir assez vite à une activité porche de la normale. Mais les derniers mètres à reconquérir sont les plus durs. Nous sommes sur un plateau, avec un niveau d’activité non retrouvé. Lorsque l’on interroge les chefs d’entreprise et les ménages, on note qu’il y a un manque de confiance et des craintes très présentes liées à l’évolution de la situation sanitaire." Il précise que rien ne permet d’estimer une date d’un retour des indicateurs au niveau d’avant crise, les mesures nouvelles pour endiguer l’épidémie étant incertaines.
Conséquence directe de cette récession, le chômage augmente : il est estimé à 9,7 % à la fin de l’année : "Le chômage au sens du Bureau international du Travail avait baissé pendant le confinement, car les gens n’étaient pas disponibles pour faire des recherches d’emploi. Aujourd’hui, cela augmente naturellement. On devrait perdre 840000 emplois sur 2020 dont 730000 salariés, pour l’essentiel au premier semestre. Aujourd’hui, il y a toujours des destructions d’emplois, mais aussi toutefois beaucoup de reprises de CDD, d’intérimaires, y compris dans les secteurs très touchés. Mais l’activité économique reste durablement diminuée car certains secteurs tournent au ralenti... L’économie ne peut pas fonctionner pleinement aujourd’hui."
Concernant le pouvoir d’achat, il serait en baisse de 1 % en 2020, selon l’INSEE : "Il y a toujours cet écart entre le ressenti et la réalité quand cet indicateur diminue. Ce -1 % est une moyenne de gens qui souffrent sensiblement, entre ceux qui ont des CDD non renouvelés, des intérimaires qui n’ont plus de missions, des étudiants qui avaient des petits jobs… Mais en même temps, de nombreuses personnes en CDI et retraités n’ont pas vu de baisse sur le revenu, et profitent même de la baisse de l’inflation, proche de 0%. Nous sommes dans un environnement globalement déflationniste, compte tenu du manque de demande. Cette baisse de 1 % du revenu des ménages, alors le revenu global de l’économie globale perd 9 %, est le signe qu’il y a eu une intervention publique massive : à travers le chômage partiel, et le soutien aux minima sociaux."
Mais avec une telle chute de l’activité, le rebond de la croissance aura-t-il un sens ? Jean-Luc Tavernier le nuance : "Le rebond d’après crise est nuancé par le fait que la situation aurait été bien meilleure sans crise. C’est comme si je vous écrasais le pied, et que je soulève un peu la pression : vous allez un peu mieux, mais vous avez toujours un peu mal."
L’entretien s’est terminé en chanson, avec "Les marionnettes" de Christophe, en hommage au chanteur disparu.
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