Christiane Lambert (FNSEA) : "La baisse du nombre d'agriculteurs est dûe à un choix de société : jamais les Français n'ont consacré aussi peu d'argent à leur alimentation"
Christiane Lambert, présidente du FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) était l’invitée de Stéphane Dépinoy dans l’émission :l’éco.
La Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles, syndicat professionnel majoritaire dans la profession agricole en France, est-elle favorable à verdir l’agriculture, comme le souhaite la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen ? "Tout dépend de la nuance de vert !" déclare sa présidente Christiane Lambert, alors qu’une semaine de discussions s’ouvre sur ce sujet à Bruxelles. "Aujourd’hui, tous les secteurs sont confrontés à une nécessité de durabilité, en réconciliant le volet économique, le volet environnemental et le volet social. Certains pays veulent aller très vite vers le vert, d’autres pas du tout… Nous avons de notre côté déjà évolué en matière environnementale. Et les agriculteurs, s’ils sont accompagnés, peuvent encore faire des progrès." Elle déplore le manque de vision concrète de la présidente de la commission européenne, qui souhaite abaisser de 50% l’utilisation de pesticides à l’horizon 2030, et réserver le quart des terres cultivables à l'agriculture biologique : "Il manque des études d’impact. S’il n’y a pas d’étude économique qui montre que c’est réalisable et réaliste, ce sera compliqué. Les milliards d’euros en jeu ne sont pas que pour les agriculteurs, mais aussi pour les consommateurs."
"Il faut que les règles décidées pour la politique agricole commune s’appliquent de façon uniforme à l’ensemble des pays"
Christiane Lambert dit s’inquiéter d’une divergence des règlementations entre les pays européens : "Nous avons baissé en France l’utilisation des engrais, des antibiotiques, de certains pesticides également. Nous avons baissé l’année dernière l’utilisation des produits phytosanitaires les plus problématiques. La France est citée dans les documents du Pacte vert européen comme un des pays qui a déjà engagé les transitions écologiques, la réduction des produits phytosanitaires de façon importante. Dans d’autres pays, ce n’est pas du tout le cas, donc comme nous avons un marché unique, nous devons avoir des règles uniques. Il faut que les règles qui vont être décidées cette semaine s’appliquent de façon uniforme à l’ensemble des pays. Nous avons la chance en Europe d’avoir une politique agricole commune : tous les pays produisent pour la sécurité alimentaire des européens. Nous sommes capables de produire, de transformer, de stocker l’alimentation, ce n’est pas le cas de tous les continents du monde. Mais la crainte est que nous passions d’une politique agricole commune vers 27 plans stratégiques nationaux, avec des règles très différentes. Il faut avoir le même terrain de jeu et les mêmes règles de production, ce qui est capital dans un marché unique. Il est très important que les règles soient communes."
"La FNSEA est moderne et a évolué, davantage que les syndicats agricoles d’autres pays"
Mais la FNSEA soutient-elle trop une agriculture intensive, en décalage par rapport aux attentes des consommateurs, comme le laissent entendre certaines critiques ? "La FNSEA a évolué beaucoup plus vite que les discours des ONG. Il est confortable de classer la FNSEA dans le tiroir des méchants qui ne veulent pas bouger... Mais ce n’est pas du tout la réalité. Nous avons des agriculteurs bios, davantage que d’autres associations qui portent ce courant. Nous avons écrit un contrat de solution pour la protection des plantes et nous travaillons avec 40 partenaires pour trouver des alternatives et réduire les produits phyto-sanitaires. Nous vivons avec notre temps, et avons aujourd’hui des jeunes agriculteurs qui arrivent avec des pratiques différentes. Je porte et revendique la tête haute ce changement. La FNSEA est moderne et a évolué, davantage que les syndicats agricoles d’autres pays, dans la quête d’une croissance durable."
Concernant la diminution de 14 % d’agriculteurs en 10 ans, Christiane Lambert y note une baisse guidée par les choix de consommation des français : "Les français veulent consommer toujours moins cher, jamais ils n’ont consacré aussi peu d’argent à leur alimentation, avec 13 % de leur budget. Et jamais il n’y a eu autant d’exigences environnementales sur l’alimentation. La France a augmenté de 175 % ses importations de poulets polonais et ukrainiens parce qu’ils sont moins chers... Si les Français consomment moins cher, les agriculteurs français continueront à disparaître. C’est un choix de société."
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