: Vidéo "Je crois que je vais être arrêté et renvoyé en Chine" : comment Pékin poursuit ses opposants en France
Surveillance, pressions, rapatriements... "Envoyé spécial" a enquêté sur la présence en France de policiers chinois traquant des ressortissants considérés comme des menaces par Pékin. Le magazine de France 2 révèle que ces activités se poursuivent en 2024, alors que Paris a demandé aux autorités chinoises d'y mettre un terme en 2022. Pour ce reportage diffusé jeudi 2 mai, les journalistes ont rencontré et suivi Ling Huazhan, 26 ans, de sa convocation dans un local servant de poste de police, hors de tout cadre consulaire, à son transfert jusqu'à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle dans le but de le rapatrier en Chine. Des méthodes qui s'apparentent à des "opérations de maintien de l'ordre sur le sol étranger", selon Safeguard Defenders, une ONG basée en Espagne.
Ling Huazhan, opposant chinois installé en France, a été victime des activités menées par une de ces antennes clandestines. Depuis la publication d'une vidéo sur YouTube, l'homme est perçu comme un ennemi du régime. Dans ce contenu visionné par 80 personnes, on le voit lacérer dans une salle de bain les portraits du fondateur du régime chinois, Mao Zedong, et de l'actuel président, Xi Jinping. Ling Huazhan revendique l'indépendance de Taïwan et de Hong Kong, et dénonce la politique de répression menée par le Parti communiste chinois contre la minorité musulmane ouïghoure.
"Ils m'ont dit qu'ils me retrouveraient quoi qu'il arrive"
Cette vidéo lui a valu d'être convoqué dans un bâtiment identifié par les autorités françaises comme un poste de police chinois clandestin. "Ils m'ont dit qu'ils avaient des contacts partout en France, qu'ils me retrouveraient quoi qu'il arrive, explique-t-il face caméra. Je crois que je vais être arrêté et renvoyé en Chine." Après ce rendez-vous, Ling Huazhan a été escorté par des membres d'une association d'amitié franco-chinoise jusqu'à l'aéroport de Roissy, d'où il était censé prendre un vol vers son pays natal. Après avoir échappé à ce rapatriement, il a reçu des dizaines d'appels et de SMS de menaces contre lui et sa famille.
Le cas de Ling Huazhan n'est pas isolé. L'ONG Safeguard Defenders accuse Pékin de mener des opérations de police illégales dans plusieurs dizaines de pays. En 2022, l'organisation avait identifié 110 antennes dans le monde, dont quatre en France : deux à Paris, une à Aubervilliers et une autre à Noisy-le-Grand, en banlieue de la capitale. D'après un rapport publié en 2022 par l'ONG, la Chine a, depuis 2014, rapatrié vers son territoire quelque 10 000 ressortissants, grâce à son archipel de postes de police clandestins à travers le monde. Comme le précisait La Croix à l'époque, cette répression cible des groupes très variés : les minorités religieuses comme les Ouïghours, les Tibétains, les dissidents politiques, les militants des droits humains…
Des antennes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni
Interrogé en décembre 2022 au Sénat sur ce sujet, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait assuré aux parlementaires avoir demandé à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) "d'accentuer son enquête de renseignements". "Je tiens à vous rassurer, la France n'acceptera jamais ce genre de pratiques, qui restent à confirmer, pour ce qui concerne les quatre postes français évoqués par cette ONG", avait-il ajouté.
La présence de telles antennes a été rendue publique aux Etats-Unis, où le FBI a arrêté en avril 2023 deux personnes soupçonnées de mener des activités de police à New York, depuis un immeuble de bureaux, selon le New York Times. Deux mois plus tard, le Royaume-Uni a annoncé que Pékin avait fermé ses antennes sur le territoire britannique, tout en affirmant qu'une enquête n'avait révélé aucune activité illégale, d'après le Guardian. Mais la Chine a toujours nié l'existence de ces commissariats clandestins. Selon Pékin, des antennes existent bel et bien, mais uniquement pour permettre aux ressortissants chinois d'effectuer certaines tâches administratives.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.