: Vidéo Dans certaines formations en apprentissage, des "faux cours" sans enseignants, des salles de classe vides... à qui profite l'alternance ?
Avec ses 61 écoles, sa centaine de campus dans 16 pays et son milliard de chiffres d'affaires en 2023, Galileo fait figure de mastodonte de l'enseignement supérieur privé. En France, le leader mondial du secteur propose plusieurs centaines de formations en apprentissage dans des domaines très divers : mode, santé, jeux vidéo, immobilier, journalisme… La qualité de l'enseignement est-elle toujours au rendez-vous ? Dans cet extrait de "Complément d'enquête", voici le témoignage de trois étudiantes et d'un cadre de l’entreprise, qui s'exprime anonymement.
Des cours sans enseignant, baptisés "travail en autonomie" ou "apprendre à apprendre"...
Ces trois apprenties ont suivi un cursus bac + 5 de bonne réputation, en production audiovisuelle. La promesse : quatre jours en entreprise, deux jours complets à l'école, en formation avec des intervenants de qualité. Mais le jour de la rentrée leur réserve une première surprise... L'après-midi débute par une séance de "travail en autonomie", indiquée sur leur planning. "On n'a rien à faire, on ne sait pas quoi faire, on est en "travail en autonomie", pendant une heure et demie. Donc oui, on appelle ça des faux cours." Ces enseignements "en autonomie" se seraient multipliés par la suite, jusqu'à représenter 20% des cours (5%, affirme la direction de son côté). Quant aux encadrants mentionnés sur le planning, "ce ne sont pas des profs, mais des gens de l'administration", selon elles.
Les étudiantes s'échangent des photos de classes vides et se plaignent, mais rien ne se passe... Finalement, les cours "en autonomie" auraient changé d'appellation pour s'intituler "citoyenneté et diversité", ou encore "apprendre à apprendre"... toujours sans professeur. Les trois jeunes femmes soupçonnent ces cours de servir à remplir les agendas, de façon à conserver les financements de l'État... D'après les calculs de "Complément d'enquête", même en retranchant ces heures "en autonomie", l'école respecte bien ses obligations de 400 heures de cours minimum. Le groupe ajoute qu’il n’y a aucunement tromperie, ces modules étants annoncés tels quels aux étudiants lors des inscriptions.
L'alternance est-elle facturée au prix fort par les écoles ?
Si ces étudiantes n'ont rien déboursé pour ces deux années de formation, les finances publiques ont, elles, fait un chèque de 18 600 euros par diplômé. L'alternance serait une activité bien plus lucrative que les cursus classiques, selon un cadre du groupe Galileo, qui témoigne anonymement. Il affirme dans cet extrait que l’apprentissage assurerait à Galileo la plus grosse part de son chiffre d'affaires : "C'est ce qui nous a permis de booster les chiffres pendant des années."
Un document que "Complément d'enquête" s'est procuré semble le confirmer : on constate que le tarif de certaines formations passe quasiment du simple au double (pour le même nombre d'heures de cours) entre cursus classique et alternance. Cette différence serait justifiée, selon Galileo : l'accompagnement des alternants entraînerait des coûts supplémentaires. Dans un courrier adressé à "Complément d'enquête", la multinationale rappelle qu’elle a perdu de l’argent en 2023 : 29 millions d'euros de pertes. Concernant l’apprentissage, sa marge opérationnelle serait inférieure à celle de la concurrence (9%, contre 11%).
Un autre document confié par le même cadre dévoile une partie des comptes de Galileo à l'échelle d'un campus en région – soit des centaines d'élèves, dont les trois quarts sont apprentis. On y apprend que les coûts d'enseignement ne représenteraient qu’environ 20% du budget. "C'est quand même assez choquant, juge-t-il, parce que ça implique que quand le contribuable donne 8 000 euros pour un étudiant, uniquement 1 600 euros vont partir pour l'enseignement. Et c'est quand même très, très faible."
Extrait de "A qui profitent les milliards de l'apprentissage ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 25 avril 2024.
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