Cet article date de plus de deux ans.

Enquête Comment la fac de médecine Paris-Descartes a mis à disposition des corps pour des crash-tests et des expérimentations militaires

Publié Mis à jour
Durée de la vidéo : 3 min
L'Oeil du 20h : 01/06/2021
L'Oeil du 20h : 01/06/2021 L'Oeil du 20h : 01/06/2021
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
France Télévisions
France 2

En 2019, à la suite d'un scandale révélé par "L’Express", le Centre du don des corps de l'université de médecine de Paris-Descartes fermait ses portes. Nous avons découvert que certaines dépouilles, censées faire avancer la recherche médicale ont servi à des crash-tests pour l’industrie automobile.

C’est au cinquième étage de la faculté de médecine, derrière ces portes fermées depuis deux ans, qu’une mission d’inspection a été diligentée à la demande du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Nous avons pu consulter le rapport de l'Inspection générale des Affaires sociales (Igas). Il évoque "la mise à disposition de corps pour des crash-tests dans le secteur automobile"

Au total, en 2019, "37% des revenus du Centre des corps provenaient de sociétés dont l’objet principal était industriel". C’est légal, mais les donateurs n’en ont pas été informés. C'est ce que nous raconte la vice-présidente de l'association Charnier Descartes, Laurence Dezelée, dont la mère décédée en 2015 a donné son corps au centre : "Tout ça paraissait très beau sur papier, on leur dit : 'Vous allez servir à quelque chose de noble.' C’est un acte d’amour en fait. Bien sûr, on ne lui a pas dit : 'Vous allez peut-être servir pour des crash-tests et être envoyée à 150 à l’heure dans un mur.' C’est clair qu’elle ne l’a pas su, évidemment." 

Cette opacité est d’ailleurs confirmée par le généticien et ancien président de l’Université (2007- 2011), Axel Kahn.

"Les personnes qui donnent leur corps à la science n’ont pas conscience de le faire dans le cadre d’une contractualisation privée, c’est-à-dire en intégrant des circuits financiers et, par conséquent, il y a tromperie, incontestablement."

Axel Kahn, ancien président de la fac de médecine

Alors, comment des corps ont-ils pu se retrouver dans les mains de l’industrie automobile ?

Une convention, légale et unique en Europe, a été passée entre l’université Paris-Descartes et le Ceesar (Centre européen d’études de sécurité et d’analyse des risques), l’organisme chargé des études en biomécanique, mandaté par les constructeurs. Celle-ci prévoit la mise à disposition des corps, tarifée : "900 euros pour un sujet, 400 pour une pièce anatomique".  

Des expérimentations jugées indispensables par le professeur Olivier GAGEY, président du Conseil Scientifique du CEESAR : "On se pose aujourd’hui le problème des sujets en forte surcharge pondérale dans les chocs. On est obligé d’utiliser un cadavre pour acquérir des données qui seront transposées dans le modèle. C’est essentiel, on veut s’assurer que les dispositifs ne sont pas agressifs et dangereux pour les humains." 

Des expérimentations militaires

Les constructeurs automobiles ne sont pas les seuls à avoir eu recours à des corps, des expérimentations militaires ont également eu lieu, comme le confirme Olivier Gagey : "L’armée doit se préparer à recevoir des chocs dans tous les sens. Qu’est-ce qui se passe dans un véhicule qui saute sur une mine et comment est-ce qu’on peut mieux protéger les occupants du véhicule ?"

En vue d’une réouverture du centre, comment les donateurs seront-ils mieux informés ? La ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, attend la remise d’un rapport le 7 juin pour mieux encadrer le don des corps. 

Parmi nos sources : 

- L'enquête publiée par L'Express en novembre 2019.

- La synthèse du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales sur le centre de don des corps de l'Université Parsi-Descartes. 

- La présentation du département de traumatologie et de biomécanique des chocs du Ceesar

- La page Facebook de l'association Charnier Descartes

Liste non exhaustive. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.