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Vote du budget, congrès du PS : les prochaines batailles des députés frondeurs

Insatisfaits de la politique du gouvernement, un certain nombre de députés socialistes devraient en premier lieu s'abstenir de voter la confiance au gouvernement de Manuel Valls.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
(De G. à D.) Les socialistes Christian Paul, Laurent Baumel et Jérôme Guedj à la réunion du collectif Vive la gauche !, le 30 août 2014, en marge de l'université d'été du PS, à la Rochelle (Charente-Maritime). (XAVIER LEOTY / AFP)

C'est un nouvel épisode dans un face-à-face qui pourrait encore durer. Mardi 16 septembre, Manuel Valls a obtenu la confiance de l'Assemblée nationale, mais 31 députés socialistes de sa majorité se sont abstenus. Ils ont voulu marquer leur opposition à la politique de l'exécutif et à la nouvelle équipe gouvernementale chargée de l'incarner. Les mécontents n'ont pas voté "contre" Manuel Valls pour ne pas menacer la survie du gouvernement.

Mais une fois cet obstacle franchi, d'autres échéances plus délicates se profilent : le vote des budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale pour 2015, voire un hypothétique congrès du PS, prévu pour fin 2015, mais que certains, parmi les frondeurs, veulent anticiper. 

Un mouvement aux frontières floues

L'"abstention collective" annoncée dès le 9 septembre par Christian Paul, un des leaders du mouvement, est une façon de marquer prudemment la désapprobation, alors que le Premier ministre a rappelé, à de nombreuses reprises, que la fronde faisait planer le spectre d'une dissolution.

Mais le chiffre est resté incertain jusqu'au bout, car l'abstention n'a rien d'une consigne dans les rangs des frondeurs. "On ne peut pas se plaindre du caporalisme au sein du groupe socialiste à l'Assemblée, et faire la même chose entre nous", justifie la députée PS du Doubs, Barbara Romagnan, interrogée par francetv info. Conséquence : vote par vote, le nombre de députés socialistes à se placer en opposition au gouvernement est très fluctuant, comme l'illustre notre infographie : ils étaient 11 - dont Barbara Romagnan - à ne pas voter la confiance au premier gouvernement Valls en avril, mais plus de 40, quelques semaines plus tard, à s'opposer aux 50 milliards d'économies du pacte de stabilité.

Le vote du budget ouvert aux débats

Mais les frondeurs anticipent déjà d'autres échéances où ils pourront rassembler, peut-être, un nombre d'élus plus important. "Le vote de la confiance, c'est un temps fort, mais il y en aura d'autres à l'automne : le vote du budget, celui de la Sécurité sociale, et à chaque fois, nous ferons entendre notre voix", explique Christian Paul. Contrairement au vote de confiance, ceux du budget de l'Etat et de la Sécurité sociale seront ouverts aux débats et aux amendements. L'occasion rêvée pour les frondeurs de tenter d'obtenir une inflexion de la politique économique, ou du moins quelques gestes. Ils pourraient ne pas avoir ce loisir au sujet du controversé projet de loi pour la croissance et le pouvoir d'achat, pour lequel le gouvernement devrait avoir recours aux ordonnances (un vote sans débat sur les détails du texte), notamment sur la question du travail le dimanche.

Le vote du budget est symbolique : la politique économique et budgétaire du gouvernement est au cœur des reproches adressés par les frondeurs. "Le point central de notre désaccord, ce sont toutes ces baisses d’exonérations pour les entreprises sans ciblage, ni contreparties", souligne Barbara Romagnan. Et le budget 2015 risque d'être d'autant plus mal reçu que Michel Sapin a annoncé, le 10 septembre, qu'il faudrait faire 2 milliards d'euros d'économies supplémentaires, probablement au niveau des dépenses de santé, pour respecter les objectifs de baisse des dépenses, en raison d'une inflation plus faible que prévue. Difficile de faire passer la pilule auprès de députés qui déploraient déjà une politique d'austérité.

Concessions et renoncements

Ces dernières semaines, le gouvernement, par l'intermédiaire du ministre des Finances, a d'ailleurs fait quelques gestes pour apaiser la majorité. Pas question de demander des efforts supplémentaires aux fonctionnaires, ni d'augmenter davantage les impôts, a rassuré Michel Sapin, le 11 septembre, sur France Info. Secrétaire d'Etat chargé des Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen a, lui, promis un "coup de pouce aux petites retraites" deux jours après avoir évoqué leur non-revalorisation. Une inflexion beaucoup trop légère pour Barbara Romagnan : "L’engagement était de ne pas toucher à toutes les retraites en dessous de 1 200 euros. On ne va pas non plus sauter au plafond parce qu’on renonce, en partie, aux renoncements."

Au chapitre des concessions, le gouvernement pourrait, selon Le Figaro, qui cite un proche du président de la République, "donner des gages à la majorité" vu le résultat serré du vote de confiance. Ce serait pour garder cette marge de manœuvre que la présentation des projets de budgets 2015 en Conseil des ministres a été repoussée au début du mois d'octobre.

"Discutons à l'intérieur du PS"

Certains parmi les frondeurs voient plus loin : ils visent un changement de ligne au sein du PS. Et réclament, dans ce but, un congrès anticipé du parti. Normalement prévu par les statuts du PS pour la fin 2015, le prochain congrès sera probablement repoussé à une date postérieure aux élections régionales, qui devraient avoir lieu en décembre de cette même année. Ce serait la position du Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, qui estime, de toute façon, dans une interview à la Dépêche du Midi, qu'un congrès n'est pas fait "pour avoir un débat pour ou contre le gouvernement." Au contraire, "il faut un congrès d'orientation" pour "proposer des solutions qui marchent pour la seconde partie du mandat" affirme, dans le Figaro, Christian Paul, pour qui "le plus tôt sera le mieux." "On nous reproche de créer le débat publiquement, à l'extérieur du parti, alors discutons-en à l'intérieur", propose Barbara Romagnan.

Reste, pour les frondeurs, réunis au sein du collectif Vive la gauche ! depuis l'université d'été du PS, à trouver une ligne politique commune, autre que l'opposition au gouvernement. "Toutes les nuances de l'arc-en-ciel s'y retrouvent", concède Gérard Filoche, membre du bureau national du parti, cité par l'Express. "Il n'y a pas les mêmes sensibilités pour écrire un texte politique."

Se pose aussi la question du leader. Dans les colonnes de l'hebdomadaire, le député Laurent Baumel se félicitait que les frondeurs aient créé un phénomène "sans avoir de présidentiable". Même s'ils sont hostiles à cette idée, se ranger derrière une personnalité forte leur donnerait sans doute un poids plus important au sein du parti, et elles sont nombreuses à avoir exprimé, plus ou moins directement, de la sympathie pour leurs idées : Arnaud Montebourg, Benoît Hamon, Christiane Taubira ou encore Martine Aubry. Qui fera une OPA sur les frondeurs ?

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