Comptage d'élèves musulmans à Béziers : le maire Robert Ménard peut-il être destitué ?
Plusieurs membres de la classe politique ont demandé au gouvernement de démettre de ses fonctions le maire de Béziers, élu avec le soutien du FN. Une sanction prévue par la loi.
Robert Ménard a été entendu par la police de Montpellier, mercredi 6 mai, dans le cadre d'une enquête préliminaire pour "tenue illégale de fichiers en raison de l'origine ethnique" par la mairie de Béziers (Hérault). L'édile a affirmé, lundi, que 64,6% des élèves des écoles primaires et maternelles de sa ville étaient musulmans. Les statistiques sur l'appartenance religieuse sont pourtant interdites en France.
Cette sortie a d'ailleurs hérissé l'opposition, à Béziers, et provoqué de nombreuses réactions de la part de la classe politique. La députée écologiste Cécile Duflot a même demandé au Premier ministre Manuel Valls de suspendre Robert Ménard, rapporte Europe 1. "Il faut durement réprimer l'attitude de monsieur Ménard. Je suis partisan du fait, comme la loi le permet, que le gouvernement le démette de ses fonctions", a-t-il déclaré.
Mais un maire peut-il réellement être destitué ? Francetv info a posé la question à Paul Cassia, professeur de droit à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Seul le gouvernement peut révoquer un maire
"La loi française ne prévoit pas qu'un maire puisse être destitué par son conseil municipal, explique Paul Cassia. Les élus peuvent manifester leur opposition en refusant de voter ou en adoptant une mesure de blâme à l'encontre du maire, de façon à le désavouer moralement." Seule la démission d'au moins la moitié des conseillers municipaux peut mener à la nomination d'un nouveau maire. Dans ce cas de figure, de nouvelles élections sont organisées. "Soit un nouvel édile est nommé à l'issue de ce scrutin, soit l'ancien est reconduit", selon le professeur de droit public.
Un maire peut, en revanche, être sanctionné par le gouvernement en cas de faute grave, comme l'ont rappelé Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon. "L'exécutif dispose de deux mesures de sanction contre les maires : la suspension, prononcée par arrêté ministériel pour une durée d'un mois maximum, et la révocation, qui met fin aux fonctions de l'édile", précise Paul Cassia.
Cette dernière mesure est très lourde, puisque "le gouvernement empiète sur la décision d'une assemblée élue" de choisir son maire, et ne peut être prise que par décret du Conseil des ministres. L'élu doit d'abord être informé de ce que lui est reproché et avoir l'occasion de se défendre, par écrit ou par oral. Si elle est décidée, "la révocation prend effet immédiatement et met fin aux fonctions du maire pendant un an". Celui-ci peut, en revanche, rester conseiller municipal et se représenter au poste de maire passé ce délai.
Mais les révocations sont très rares
"Le décret de révocation est un texte important, délibéré par l'ensemble du gouvernement sous l'autorité du président, souligne Paul Cassia. Seules les fautes graves peuvent mener à cette décision." Les cas de destitution d'un édile par le gouvernement se comptent donc "sur les doigts de deux mains", selon le professeur de droit. "Cela s'est par exemple produit lorsqu'un maire a attenté à la pudeur sur des mineurs, développe-t-il. Dans un autre cas, un maire avait commis de graves négligences pendant plusieurs années, en cachant d'importantes informations sur le budget de la ville au conseil municipal."
Les suspensions sont plus courantes. Le dernier cas majeur date de 2004, lorsque le maire de Bègles (Gironde), Noël Mamère, avait été suspendu durant un mois, après avoir célébré un mariage entre deux hommes – ce qui était interdit à l'époque, rappelle L'Obs.
Dans l'hypothèse où le gouvernement de Manuel Valls choisirait de sanctionner Robert Ménard, le maire de Béziers pourrait jouer une dernière carte. "Un maire peut contester le décret de révocation devant le Conseil d'Etat, la plus haute instance juridique administrative française, explique Paul Cassia. Mais la décision reste immédiatement applicable, une fois qu'elle est publiée au Journal officiel : tant que le Conseil d'Etat n'a pas statué en sa faveur, le maire ne peut pas exercer ses fonctions."
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