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Remaniement : qui est Jean Castex, énarque issu de la "droite sociale" et nouveau Premier ministre ?

Ce haut-fonctionnaire de 55 ans est connu comme le "monsieur déconfinement" de l'exécutif lors de l'épidémie de coronavirus. Considéré comme un représentant de la "droite sociale", l'ancien collaborateur de Xavier Bertrand et de Nicolas Sarkozy est également apprécié par certains à gauche.

Article rédigé par franceinfo
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Jean Castex, alors délégué interministériel au déconfinement, lors d'une vidéoconférence, le 29 avril 2020 à Paris. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Fin du suspense. Jean Castex a été nommé Premier ministre, a annoncé l'Elysée par un communiqué, vendredi 3 juillet. Il va ainsi succéder à Edouard Philippe, qui a passé trois ans à Matignon. Chargé par Emmanuel Macron de gérer avec doigté le déconfinement, au printemps 2020, ce quinquagénaire est encore peu connu du grand public. A l’Elysee, on le présente comme "l’homme de la synthèse entre la haute fonction publique et les élus locaux", et comme "un bon connaisseur de la réalité des territoires". "C’est un nouveau chemin qui s’ouvre pour la fin du quinquennat", estime-t-on auprès de franceinfo.

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Cet énarque a fait sa carrière à droite, d'abord aux côtés de Xavier Bertrand, avant de devenir secrétaire général adjoint de ­l’Elysée en 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Spécialiste du secteur de la santé, c'est aussi un élu local qui a une image d'homme pragmatique. Eléments de portrait.

Un énarque aux choix atypiques

Né en 1965 à Vic-Fezensac (Gers), ville dont son grand-père, le sénateur Marc Castex, a été maire, il fait des études d'histoire à Toulouse, puis Sciences-po et enfin l'Ecole nationale d'administration (ENA). Admis à sa sortie de l'école à la Cour des comptes, "ce fils et petit-fils d'instituteurs fait le choix iconoclaste d'un poste de directeur des affaires sanitaires et sociales (DDASS) dans le Var", indiquent Les Echos (article payant)"La santé déjà, et le social. Le terrain et la province".  

En clair : il choisit les voies délaissées par les énarques les plus ambitieux. Après le Var, direction le Vaucluse, où il travaille à la préfecture, puis l'Alsace où va présider la chambre régionale des comptes de 2001 à 2005.

Un homme politique proche de la "droite sociale"

Retour à Paris en 2005, cette fois dans les cercles du pouvoir. Jean Castex poursuit sa carrière dans le sillage de Xavier Bertrand, explique Le Monde (article payant). De 2006 à 2008, il sera son directeur de cabinet, d'abord au ministère de la Santé, alors que Jacques Chirac est à l'Elysée, puis au ministère du Travail, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Cette spécialisation dans le domaine de la santé et du social, ainsi que sa proximité avec l'actuel président de la région Hauts-de-France, lui vaudront parfois l'étiquette de "gaulliste social". 

En 2010, il devient conseiller social à l'Elysée. Son prédécesseur, ­Raymond ­Soubie, raconte au Journal du dimanche (article payant) : "Quand j'ai voulu quitter l'Elysée, à l'automne 2010, ­Nicolas ­Sarkozy m'a dit : 'A une condition : trouvez-moi votre successeur.' J'ai invité Jean ­Castex à déjeuner à l'Elysée. Je l'ai convaincu au dessert." En 2011, il devient secrétaire général adjoint de l'Elysée à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. 

Un ancrage d'élu local dans le Sud-Ouest

Parallèlement, il cherche l'onction du suffrage universel. En 2008, il se fait élire maire UMP (l'ancêtre du parti Les Républicains) de Prades, une commune de 6 000 habitants des Pyrénées-Orientales, près de Perpignan. Il sera constamment réélu depuis : au premier tour des élections municipales de mars 2020, il a obtenu plus de 75% des suffrages exprimés.

Cet ancrage local est salué par les élus de droite d'Occitanie. "Il comprend le langage des technocrates, des ministres mais en tant qu'élu local enraciné, à l'accent du Gers, il comprend aussi celui des élus locaux et des citoyens de base. C'est un homme-charnière", vante Jean-Luc Moudenc, maire (LR) de Toulouse, dans Les Echos (article payant)

En revanche, il échoue à se faire élire député aux législatives en 2012. Poussé par Nicolas Sarkozy, il sera battu, dans la 3e circonscription des Pyrénées-Orientales, par la socialiste Ségolène Neuville.

Un homme de réseaux  

En 2017, après l'élection d'Emmanuel Macron, il est nommé délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à Paris. Sa mission consiste à coordonner les actions des différents ministères liés à ces événements (sécurité, transport, écologie, sports, etc..), ce qui lui permet d'approfondir sa connaissance des ministères, estime Yves Delcor, son premier adjoint à Prades, interrogé par France 3 Occitanie

Il connaît parfaitement tous les interlocuteurs clés dans chaque ministère, que ce soit dans le domaine de la santé, bien sûr, mais aussi les écoles, les territoires, l'urbanisme, la cohésion sociale ou les finances.

Yves Delcor

à France 3 Occitanie

Elle lui permet surtout d'élargir ses contacts dans le sérail politique, à commencer par tous les élus qui comptent en Ile-de-France. Le président socialiste de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, ne tarit pas d'éloges sur Jean Castex : "Je ne le connaissais pas avant qu’il ne s’occupe des JO 2024, raconte-t-il au Monde (article payant). Je suis totalement dithyrambique. C’est le mec réglo par excellence. Jamais de coup tordu. Il dit les choses et quand il dit oui, il s’engage à fond. Et en plus, il est très sympathique. Des comme lui, j’en ai rarement croisé dans ma carrière." D'un autre bord politique, la présidente d'Ile-de-France, Valérie Pécresse, rend hommage, dans le même article, à son "bon sens" et à son "recul par rapport aux jeux de pouvoir".

"C’est un super mec ! Un homme d’Etat. Le sens du travail, respectueux des gens, toujours à l’écoute", s'enthousiasme un de ses amis inattendus, l'urgentiste Patrick Pelloux, cité par France 3 Occitanie. L'homme sait en outre cultiver ses amitiés, selon Le Journal du dimanche. "C'est un ami, dit de lui l'ancien secrétaire général de FO ­Jean-Claude ­Mailly. Lors de mon dernier congrès, qui n'a pas été simple, il a fait partie de ceux qui m'ont appelé pour témoigner de son amitié." 

Le "monsieur déconfinement" de l'exécutif lors de l'épidémie de coronavirus

En avril 2020, l'exécutif charge le haut-fonctionnaire de gérer le déconfinement. Par le passé, Jean Castex avait déjà dû gérer des épidémies lors de ses fonctions de directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos) au ministère de la Santé, de 2005 à 2006. Il avait dû y faire face à deux menaces sanitaires : celles du chikungunya et de la grippe aviaire. Il y avait alors travaillé avec le professeur Didier Houssin, directeur général de la santé, devenu depuis président du Comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé, et donc lui aussi au front dans la lutte contre la pandémie du coronavirus.

"C'est un haut fonctionnaire qui connaît parfaitement le monde de la santé et qui est redoutable d'efficacité", avait précisé le chef du gouvernement Edouard Philippe en évoquant sa nomination.

Jean Castex se met à la tâche. "Nous avons travaillé sept jours sur sept, jours fériés compris, avec des nuits très courtes", a-t-il confié au quotidien régional L'Indépendant, lors de sa dernière interview, mardi 9 juin. Son travail, et l'avancée prudente qu'il prône, sont salués quasi unanimement. Il entre alors, selon Le Monde, dans la catégorie des "ultra-ministrables". Il réussit finalement à faire encore mieux.

Ses positions sur l'écologie restent encore à définir

La nomination de Jean Castex a déçu certains responsables écologistes, à l'image de Julien Bayou, secrétaire général d'Europe Ecologie-Les Verts. "On rate une occasion historique de mettre le pays sur la voie de la transition écologique", a-t-il réagi sur franceinfo, après avoir tweeté qu'on n'avait jamais "entendu [Jean Castex] sur l'écologie". Il faut en effet fouiller un peu et se contenter d'un bulletin municipal de Prades de 2016, qui rappelait qu'"aucun produit phytosanitaire" n'était utilisé dans l'espace public de la commune depuis trois ans.

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