Récit d'une journée mémorable de passation des pouvoirs
15 mai 2012. François Hollande entre à l'Elysée. Après la passation très officielle des pouvoirs avec Nicolas Sarkozy, le président a rendu hommage à la jeunesse et à l'éducation à travers Jules Ferry puis a salué la ville de Paris. Reportage.
Passation de pouvoirs très classique à l'Elysée, mardi 15 mai 2012. Un président socialiste va entrer en fonction, mais devant le palais présidentiel, ce sont des militants sarkozystes qui occupent majoritairement les trottoirs.
9h00-10h00 Devant le 55, faubourg Saint-Honoré, grande entrée du Palais de l'Elysée, les limousines se succèdent sous les regards attentifs des militants sarkozystes qui occupent le trottoir en face du palais présidentiel. Parmi eux, se sont glissés quelques soutiens de Hollande qui ont du mal à se faire entendre.
Un soleil frais éclaire le quartier de l'Elysée. La foule parquée derrière des barrières note les arrivées, conspuant les socialistes et lançant régulièrement des "Merci Nicolas". La foule sifle Lionel Jospin qui arrive avec son épouse mais ne reconnaît pas le pourtant très socialiste Jean-Marc Ayrault, promis à Matignon, qui ainsi échappe aux huées. Ceux qui le reconnaissent applaudissent en revanche Jean-Louis Debré, dont rien ne dit qu'il a voté Sarkozy...
9h58. Une nouvelle salve de "Merci Nicolas" annonce l'arrivée de François Hollande, qui a été précédé de quelques minutes par sa compagne, Valérie Trierweiler. La musique de la garde retentit. Nicolas Sarkozy s'est avancé pour accueillir sur le tapis rouge celui qui va le remplacer. Les deux hommes, en costume sombre, entrent dans l'Elysée.
10h15. Pendant que les deux présidents s'entretiennent, dans la cour, l'ex-conseiller spécial, Henri Guaino, regarde la voiture de Nicolas Sarkozy prendre place, l'avant définitivement tourné vers l'extérieur et ne cache pas une certaine tristesse. "C'est un moment émouvant. C'était une maison attachante".
10h38. Nouvelle agitation dans la cour de l'Elyséee. Les gardes républicains se remettent au garde-à-vous. Le couple sortant apparaît accompagné par le couple Hollande-Trierweiler. Le nouveau président ne descend que quelques marches du perron pour raccompagner Nicolas Sarkozy. Après une poignée de main rapide, celui qui a dirigé la France pendant cinq ans sort de l'Elysée à l'arrière de sa voiture, accompagné d'applaudissements de collaborateurs.
10H45. Le président du Conseil constitutionnel officialise l'investiture de François Hollande. "Vous symbolisez la République" lui dit Jean-Louis Debré qui ajoute "ses félicitations". On est loin de la transition de 1981 qui avait été beaucoup moins consensuelle.
10h50. Dans un discours relativement bref, François Hollande insiste sur le rassemblement, un des thèmes de sa campagne et inscrit son action dans les pas de ses prédécesseurs à l'Elysée. Il a un mot pour chacun d'eux : la grandeur pour De Gaulle, l'industrie pour Pompidou...mais pas un pour Nicolas Sarkozy à qui il présente simplement "des voeux pour la nouvelle vie qui s'ouvre devant lui".
11h00. François Hollande salue ensuite dans la salle des fêtes les personnalités présentes. Chacun scrute la chaleur d'un geste, la longueur d'une parole... Le nouveau président salue notamment deux anciens premiers ministres, Pierre Mauroy et Lionel Jospin. Il embrasse Laurent Fabius mais salue très chaleureusement Jean-Marc Ayrault, celui qui dans l'après-midi sera futur premier ministre.
Dans la foule des invités, deux anciens journalistes de France 2 : Claude Serillon et Bruno Masure...
11h50. La pluie s'invite violemment dans la cérémonie. Après la revue des différentes armes, le nouveau président affronte des trombes d'eau sur les Champs-Elysées, à l'arrière de sa DS 5 décapotée, devant une foule plus que clairsemée. Devant sa voiture, les motards forment une sorte de double chevrons devant se Citroën.
14h00. Jardin des Tuileries à Paris. François Hollande qui a toujours fait de la jeunesse un thème de sa campagne va rendre un hommage à Jules Ferry, le père de l'école publique. Pour l'événement, des élèves de plusieurs collèges ont été invités ainsi que des anciens ministres de l'éducation nationale : Chevénement, Jospin, Lang...Parmi eux, on trouve aussi Vincent Peillon. Un signe quant à la composition du prochain gouvernement ?
14h15 Les enfants venus de plusieurs collèges de Paris et de banlieue -François Villon, Modigliani, Jules Ferry- sont ravis d'être là. Ils ont été rassemblés en hâte depuis que vendredi le rectorat a été prévenu. Il a fallu trouver très vite des collèges volontaires, raconte un fonctionnaire.
14h30. "Vous êtes venus pour Jules Ferry ? Non, pour Holllande répondent des collégiens". "C'est qui Jules Ferry ?" ajoute l'une d elle ! ». François Hollande arrive alors qu'une éclaircie sèche le ciel. Le bel ordonnancement prévu par les organisateurs cède à l'enthousiasme des jeunes qui foncent vers le nouveau président pour le saluer. Un jeune crie : "il est là, il est là". "Regarde je l'ai eu en photo", rigole un autre en montrant l'écran de son appareil à ses copains.
14h40. François Hollande commence son discours. En quelques mots il évacue la polémique sur le colonialisme de Jules Ferry. "Je n'ignore rien de ses égarements politiques", dit-il avant de vanter l'école républicaine et de rendre hommage à l'éducation. François Hollande affirme vouloir une "nouvelle hiérarchie des valeurs". Pour lui la "recherche" est plus importante que "l'argent", dit-il alors que deux médailles Fields (sorte de Nobel de mathématiques) françaises sont là. Intégration, justice, mixité sociale...le nouveau président décline son rêve scolaire. "Je serai le garant de l'éducation nationale".
14h50 Si certains enfant étaient ravis d'être là pour échapper à la routine du collège. "C'est mieux d'être là, sinon on aurait eu techno", dit l'une d'elle, d'autres affirment être fiers de participer à l'événement. Une jeune fille affirme être toute contente d'avoir appris qui était Ferry. En plus François Hollande lui a serré la main.
Au départ du couple présidentiel, des enfants crient "bonjour madame Hollande ...Mais non elle s'appelle euh...Weiler", dit un autre. Quelques instants plus tard, des trombes d'eau s'abattent sur les Tuileries.
15h00. Toute autre ambiance à l'Hôtel de Ville de Paris. On est loin des collèges des quartiers de Paris ou de banlieue. La salle des fêtes avec ses dorures et ses peintures pompier accueillent de très nombreuses personnalités, en plus des corps constitués, des ambassadeurs ou des élus de la ville.
Dans le public Stéphane Hessel cotoie Pierre Bergé, un hasard dû au manque de place, précise quelqu'un du protocole. L'auteur d'"Indignezvous", l'oeil vif malgré son âge, salue en Hollande l'homme de "justice". L'ancien ambassadeur voit dans cette investiture "une journée très importante pour la jeune génération". Pas loin de lui, l'ancien élu de Paris, le socialiste Claude Estier (député puis sénateur) tente une comparaison avec 1981. "La situation était très différente en 1981. La droite gouvernait depuis 23 ans. Aujourd'hui, François Hollande arrive dans une situation économique beaucoup plus difficile. Il a moins de marges de manoeuvre ».
Même analyse d'Ivan Levaï, toujours journaliste à France Inter, qui voit beaucoup de "ressemblances" avec 1981.
16h00. Le nouveau président est arrivé. Il traverse la salle des fêtes pleine à craquer. Partout des connaissances, des personnalités. Il salue les uns, embrasse les autres. Même si certains élus de l'opposition sont là, on sent une grande connivence entre les personnes présentes et le nouvel élu.
On voit des personnalités aussi différentes que Patrice Chéreau, Dominique Baudis, Didier Migaud et de très nombreux élus socialistes, et futurs ministres...On peut aussi remarquer, debout, le patron de Publicis, Maurice Levy, celui qui avait été montré du doigt pour son niveau de rémunération.
Dans son discours le maire de Paris, Bertrand Delanoë, que beaucoup donnent ministre de la justice, salue la victoire de François Hollande en ayant du mal à cacher son émotion. Dans son discours, le nouveau président rappelle l'histoire de Paris, évoquant aussi bien La Commune que le général De Gaulle. Il rend hommage à l'action culturelle du Maire et annonce les conditions de la création d'une métropole parisienne. "L'enjeu de ce quinquennat c'est le changement. Il commence ici".
16H40 La journée d'investiture touche à sa fin. Les socialistes se congratulent. L'ancien maoïste et architecte de François Mitterrand, Roland Castro, salue l'ancien trotskiste Henri Weber devenu sénateur socialiste, en se plaignant, rigolard de n'avoir eu les signatures pour se présenter à la présidentielle, faisant mine de dénoncer "le verrouillage socialiste". "On t'a évité de faire des bêtises", lui répond sur le même ton Claude Bartolone, président du conseil général de Seine saint Denis.
Les discours terminés, le public de la cérémonie allait prendre un verre sous les dorures des immenses salons de l'hôtel de ville. Pendant que François Hollande quittait Paris pour Berlin, Arnaud Montebourg concluait cette mémorable journée : "chaque minute est un délice, on a vécu l'enfer pendant dix ans".
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