Cet article date de plus de douze ans.

Qu'est-ce qu'un sniper en politique ?

Les propos de Najat Vallaud-Belkacem sur Nicolas Sarkozy sont très commentés ce lundi 27 février. L'occasion de comprendre ce que sont les snipers en politique. Tentative de définition.
Article rédigé par Daïc Audouit
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Snipers pour de rire sur un stand de foire (FRANK HERHOLDT / Image Source)

Les propos de Najat Vallaud-Belkacem sur Nicolas Sarkozy sont très commentés ce lundi 27 février. L'occasion de comprendre ce que sont les snipers en politique. Tentative de définition.

Le paysage politique français accueille une nouvelle tireuse d'élite: Najat Vallaud-Belkacem.

Vocabulaire guerrier

En comparant, hier, Nicolas Sarkozy à un mélange de Berlusconi et de Poutine, la porte-parole de François Hollande est entrée dans le cercle fermé des "snipers". Par ce terme guerrier, le monde journalistique mais aussi politique désigne le roi ou la reine de la petite phrase qui tue.

Critiquée par l'UMP, Mme Vallaud-Belkacem a reçu le soutien de Benoit Hamon, autre membre de la confrérie. En revanche, le député socialiste Jérome Cahuzac a estimé que "les mots étaient durs".

Cette campagne présidentielle est-elle vraiment plus dure que les précédentes? Cela se traduit-il par l'évolution du vocabulaire? Si auparavant, on parlait volontiers de porte-flingue, le mot sniper s'impose en 2012 jusqu'à être utilisé dans une dépêche AFP. Ceci a presque valeur d'entrée dans le dictionnaire de l'académie française.

Exercice de définition

Comment distinguer les propos du sniper d'une simple petite phrase un peu méchante ? Car tout flingueur n'est pas forcément un sniper.

Voilà la définition du mot dans le dictionnaire: "tireur d'élite muni d'une arme de précision, souvent isolé et occupant un emplacement choisi pour atteindre une cible d'une importance particulière". Reprenons en les termes à rebours.

"Cible d'importance particulière"

Le sniper ne s'attaque donc qu'à un candidat à l'élection présidentielle. Les batailles de corps à corps, ce n'est bon que pour les députés-fantassins du parlement. Quand Rachida Dati s'en prend à François Fillon, elle n'est pas une snipeuse. Elle défend juste son territoire. Le sniper doit agir pour le compte de quelqu'un d'autre.

"Emplacement choisi"

Le sniper exerce dans une cadre précis: celui du porte-parolat. Il doit répondre aux attaques à la place de son chef qui, lui, doit rester dans une position de présidentiable rassembleur au-dessus de la mêlée. Cette tentative de définition se heurte à un principe de réalité. Car Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou François Hollande, anciens snipers eux -mêmes devenus généraux en chef, ne dédaignent pas revenir à leurs anciennes amours. Typiquement, quand Eva Joly répond "qu'elle emmerde Corinne Lepage", ce n'est pas à elle de le faire, mais à son porte-parole, si possible moins grossièrement.

"Souvent isolé"

Le sniper se distingue du commando. Il agit seul. On ne peut donc considérer que la cellule riposte de l'UMP, qui abreuve de mail en rafales les journalistes à chaque intervention de François Hollande, a des snipers en son sein. Ils agissent en groupe et n'hésitent pas à gâcher les munitions. Le sniper, au contraire, suit sa cible pendant des journées, attend le moment idéal et tire une seule balle. On peut traduire ainsi la métaphore. La petite phrase qui tue doit être rare sinon elle se banalise.

"Une arme de précision"

Auparavant le porte-flingue intervenait dans les médias, identifié comme porte-parole. Il avait une mission définie qui correspondait à une stratégie politique. Mais, avec les réseaux sociaux, tout le monde peut s'exprimer au nom d'un candidat sans passer par la validation du service de communication. Bref n'importe qui peut s'imaginer en sniper, la violence des propos étant équivalent au désir de se faire bien voir par son patron.

Destin maudit

Bref, rien n'est maîtrisé, ce qui explique sans doute l'avalanche des polémiques. Ce ne sont plus des tireurs d'élites mais de véritables pelotons d'exécution qui canardent un peu dans tous les sens. Y compris contre son propre camp, tel le trouffion maladroit.

Tous devrait méditer le destin de Frédéric Lefevbre, sniper désigné de la campagne de Nicolas Sarkozy. A manier, la mauvaise foi à hautes doses, il a perdu de la crédibilité politique et tente désespèrement depuis de se refaire une image de bisounours inoffensif.

Sniper c'est souvent faire le sale boulot. Mais ce sont les matamores des champs de bataille qu'on récompense de la légion d'honneur, pas les exécutants des basses oeuvres.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.