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Primaire de la gauche : comment Manuel Valls va utiliser le bilan de François Hollande

Si Manuel Valls est candidat à la primaire de la gauche, c'est parce que François Hollande y a renoncé. Au départ candidat de substitution, comment doit-il gérer l’héritage du quinquennat Hollande ? Peut-il et doit-il s’affranchir du bilan du président ?

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
François Hollande et Manuel Valls, sortant du Conseil des ministres, le 23 novembre 2016 à Paris. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

"Si je disais 'notre bilan est parfait', je ne serais pas crédible. Mais j'assume tout ce qu'on a engagé, les réussites comme les échecs. J'assume la gauche réformiste, sinon qui d'autre l'assumerait ?" Dans le train qui l'amène dans le Doubs pour son premier meeting de candidat, mercredi 7 décembre, Manuel Valls est très affirmatif : dans la campagne de la primaire de la gauche, il n'a aucun problème à porter le bilan du président. Quelques jours plus tôt, avant l'annonce du chef de l'Etat de ne pas se présenter pour un nouveau mandat, cette primaire s'annonçait pourtant comme un référendum anti-Hollande. Comment l'ex-Premier ministre compte-t-il faire pour qu'elle ne se transforme pas en référendum anti-Valls ? Peut-il et doit-il s'affranchir du bilan du président de la République ?

Moi, ancien Premier ministre...

Si Manuel Valls "assume" ouvertement, c'est d'abord parce qu'il n'a pas tellement le choix. Premier ministre de François Hollande pendant vingt-neuf mois, il n'a pas démissionné en raison d'un désaccord politique avec le chef de l'Etat, mais pour se présenter à la présidentielle. A Matignon, il n'a d'ailleurs jamais fait état publiquement d'une divergence de fond sur la politique menée. Difficile, dans ces conditions, de se détacher du bilan. 

Au contraire, dans cette campagne où Manuel Valls cherche à rassembler, il veut faire de son statut d'ancien Premier ministre un atout. Celui-ci lui permettrait aujourd'hui d'être "au cœur de la gauche", alors qu'en 2011, il incarnait l'aile droite du PS. "J'ai été chef de la majorité, Premier ministre pendant deux ans et demi. J'ai été au cœur de la victoire de 2012. Il y a qui d'autre sinon, à part le président ?" lance-t-il. Et de poursuivre : "Qui a mené la bataille électorale des départementales et des régionales ? C'est moi. Qui va à la télévision le lendemain du premier tour des régionales pour dire qu'il faut se rassembler et appeler à voter pour la droite quand le FN peut l'emporter ? Est-ce que l'électorat de gauche suit ?" Bref, pour apparaître comme le plus rassembleur, Manuel Valls compte bien rappeler qu'il a été le chef de la majorité. Compliqué alors de ne pas aussi assumer le bilan.

Le bilan, moyen d'atteindre un point d'équilibre ?

S'en revendiquer présente un autre avantage pour Manuel Valls. François Hollande, même s'il a considérablement bousculé la doxa du PS pendant ce quinquennat, reste "en deçà" du positionnement de Valls avant qu'il ne soit Premier ministre (l'homme fort d'Evry n'hésitait pas alors à tancer les totems de sa formation, que ce soit le passage aux 35 heures ou le changement de nom du parti). Mieux vaut donc porter le bilan de Hollande que sa propre ligne, encore plus clivante. C'est ce que pense un député réformateur, soutien de l'ex-Premier ministre, qui y voit un moyen de se recentrer : "Valls n'est pas à un point d'équilibre connu de la gauche ni même du PS, c'est lui le porteur de la ligne sociale-libérale. S'il est moins rejeté que François Hollande, il a un espace politique encore plus réduit que le président." Le candidat se permet même de se prévaloir du soutien de François Hollande, même s'il recourt pour cela à une étrange double négation. "Personne ne peut penser un instant qu'il n'y a pas, entre le président et moi, une envie de gagner. Tout le monde sait ce que le président pense."

Dans l'entourage de Manuel Valls, on estime aussi que le problème de Hollande, c'était plus Hollande lui-même que son bilan. Et que ce bilan, aussi bon qu'il puisse être jugé, n'était "pas vendable" pour le président, qui "ne pouvait pas s'en dégager", contrairement à l'ancien Premier ministre. "Vous savez très bien que pour Hollande, il y a un problème d'incarnation, de vision, de projection dans l'avenir", assure un soutien de Valls. Un de ses amis abonde : "Le rejet de Hollande, pour beaucoup c'est un rejet le concernant. Lui, plus que son bilan. Pour le dire autrement, son bilan est meilleur que son image. Valls et Hollande sont suffisamment différents et identifiés comme différents, personne ne les confond !

Responsable mais pas coupable

S'il compte assumer les réformes menées par le président, Manuel Valls n'hésitera pas non plus à rappeler qu'il n'était que son numéro 2. Responsable, mais pas coupable, en quelque sorte, des difficultés du quinquennat. En privé, le Premier ministre démissionnaire assure ainsi : "Je n'ignore rien de la fracturation, de la division que nous connaissons depuis 2012. Sur l'Europe d'abord, avec le traité budgétaire en 2012 : c'est la naissance des frondeurs et je ne suis alors pas Premier ministre. Sur le CICE : je ne suis pas Premier ministre. Sur le pacte de responsabilité : je le mets en œuvre. Les fractures, les frondes se sont faites avant que je sois Premier ministre." Une façon de dire : c'est pas moi, c'est lui.

Alors que ses adversaires à la primaire, Montebourg comme Hamon, comptent au contraire marteler que Valls, c'est Hollande, les soutiens de l'ex-Premier ministre ont une réponse toute trouvée : "Deux de ses concurrents ont largement participé au bilan. Pendant deux ans, ils ont tout assumé, tout partagé, et ils auraient continué s'il n'y avait pas eu cette fête à Neuneu." C'est oublier qu'Arnaud Montebourg, à son poste de ministre du Redressement productif, avait à plusieurs reprises exposé ses désaccords politiques, par exemple sur le dossier Florange.

"Etre contre Hollande, ce n'est pas un programme"

Si la question du bilan ne semble pas un problème pour Valls, c'est sans doute aussi parce qu'il est convaincu que la primaire ne se gagnera pas là-dessus. Ses adversaires veulent en faire un angle d'attaque ? Tant mieux, assurent les soutiens de Valls. "Un bilan, ça s'assume, mais ce n'est jamais sur un bilan qu'on fait une campagne, ou qu'on la gagne. C'est sur un projet. Etre contre Hollande alors qu'Hollande n'est plus candidat, ce n'est pas un programme." L'ex-Premier ministre ne dit pas autre chose quand il évoque sa campagne à venir : "La gauche adore parler d'elle-même, c'est parfois sa seule raison d'être. Je ne suis pas candidat pour un nouveau débat sur la gauche."

Quand présentera-t-il ce projet ? Peut-être pas avant le début de l'année prochaine. Mais il puisera sans aucun doute dans les thèmes qu'il a portés depuis quelques mois – et même depuis le printemps dernier, quand il avait lancé ses meetings "La France est belle". La "Nation éducative", le revenu universel, la régulation de la mondialisation, le service civique, la défense des services publics et des fonctionnaires… autant de thèmes chers à la gauche, et bien loin de ceux dont Manuel Valls avait fait ses marqueurs depuis des années.

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