Parti socialiste : ce qu'il faut retenir du débat entre les trois candidats à la tête du parti
Une heure et demie pour convaincre. Olivier Faure, le premier secrétaire sortant, Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velin (Rhône) et Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen (Seine-Maritime), ont débattu sur franceinfo canal 27, vendredi 6 janvier. Les trois candidats ont tenté de convaincre les 41 000 militants appelés à voter les 12 et 19 janvier pour le premier secrétaire du PS (les résultats seront proclamés lors du congrès de Marseille, prévu du 27 au 29 janvier). Les prétendants socialistes ont ainsi pu échanger leurs idées sur la crise énergétique, l'écologie, la guerre en Ukraine, mais aussi la stratégie politique à adopter pour le PS.
Sur l'âge de départ à la retraite
Les trois candidats se sont unanimement exprimés contre la réforme voulue par le gouvernement d'Elisabeth Borne et contre le recul de l'âge légal de départ à la retraite. "Ce n'est pas une réforme, c'est une insulte et une régression", a notamment lancé Nicolas Mayer-Rossignol. Mais les prétendants au siège de premier secrétaire du PS ont exprimé des nuances quant à leur vision du système des retraites. "Nous avons été élus [avec la Nupes] sur une réforme à 60 ans, que je soutiens", a lancé Olivier Faure, en s'appuyant sur l'accord passé avec les divers partis de gauche lors des législatives. Le premier secrétaire souhaite par ailleurs en rester aux 43 annuités prévues par la réforme Touraine.
"Si on dit qu'on refuse la retraite à 60 ans avec 43 annuités, on veut empêcher le départ à la retraite pour des gens qui ont commencé à travailler à 17 ans, des gens qui ont l'espérance de vie la plus faible."
Olivier Faure, premier secrétaire du PSsur franceinfo
"Dire que demain, on va faire 60 ans avec 40 annuités pour tout le monde, vous pensez vraiment que c'est crédible ?", a lancé Nicolas Mayer-Rossignol, qui propose "au maximum 62 ans", mais en mettant en place des critères de pénibilité. Hélène Geoffroy est globalement sur la même ligne. Elle plaide pour un maintien du système de retraites actuel, avec un âge légal à 62 ans et un départ anticipé pour certaines professions. Elle estime également qu'une retraite à 60 ans, telle qu'elle a été défendue par les Insoumis pendant la présidentielle, est une "hérésie".
Sur le travail
Les candidats ont été interrogés sur leur vision du travail et sur l'opposition entre les propos de Sandrine Rousseau (et son "droit à la paresse") et ceux de Fabien Roussel (qui souhaite en finir avec "la gauche des allocs"). "Le travail pour les socialistes, c'est l'émancipation. (...) Le problème, c'est qu'aujourd'hui le travail est devenu un avilissement", a constaté Nicolas Mayer-Rossignol. Le maire de Rouen veut ainsi porter "de nouvelles conquêtes sociales" en matière de travail.
Hélène Geoffroy a appelé à revaloriser les métiers dits essentiels. "On les a oubliés, on a applaudi beaucoup de monde et aujourd'hui on le voit dans les politiques de l'Etat et d'Emmanuel Macron, on ne leur parle plus, estime l'élue socialiste. L'objectif de la gauche, c'est de donner un travail qui émancipe à l'ensemble des Français. Et en même temps, à chaque fois qu'un Français trébuche, la solidarité doit être présente."
"Nous ne sommes pas comme la droite qui glorifie la valeur 'travail', (...) il faut donner de la valeur au travail", a de son côté estimé Olivier Faure. Il a notamment cité la réforme de l'assurance-chômage voulue par Emmanuel Macron, sur laquelle il souhaite revenir. En matière de pouvoir d'achat, les trois candidats socialistes se sont rejoints sur la proposition d'un smic à 1 600 euros.
Sur l'immigration
Hélène Geoffroy est la seule candidate à avoir mis le mot immigration dans son projet. "Je considère que l'immigration fait partie des sujets que nous devons traiter", a déclaré la maire de Vaulx-en-Velin. Elle a fustigé les "solutions simplistes" du Rassemblement national et a appelé à des régularisations, notamment pour les parents d'enfants scolarisés depuis plusieurs années.
"Dans le même temps, il faut savoir comment on reconduit à la frontière aussi, la gauche doit être capable de porter ces solutions."
Hélène Geoffroy, maire de Vaulx-en-Velinsur franceinfo
"L'immigration et les migrants, ce ne sont pas que des mots, ce sont des hommes et des femmes. Et c'est cela que la gauche doit porter en premier. Trois mille morts dans la Méditerranée cette année", a rappelé Nicolas Mayer-Rossignol. "Quand on a des migrants qui donnent toute satisfaction, qui sont intégrés, qui ne posent strictement aucun problème, c'est l'honneur de la France, et aussi de la gauche, de porter leurs régularisations", a appuyé Nicolas Mayer-Rossignol, appelant également à une approche européenne. Les trois candidats n'ont donc pas exprimé de désaccord profond sur cette question. "Comme de très nombreux sujets, je suis en accord avec mes camarades", a conclu Olivier Faure.
Sur l'écologie et le nucléaire
Les trois candidats proposent une sortie du nucléaire. Interrogé lors du débat par Maxime, sympathisant de gauche, ils ont été amenés à préciser leurs positions. Nicolas Mayer Rossignol estime que le nucléaire est "une énergie de transition", mais qu'il faut un plan de développement des énergies renouvelables pour "réduire progressivement" la part du nucléaire. Le maire de Rouen pense sortir totalement du nucléaire dans "des dizaines d'années".
"Par contre, quand Emmanuel Macron dit qu'on va mettre de nouvelles centrales nucléaires, je crois que c'est une erreur."
Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouensur franceinfo
Olivier Faure a approuvé cette position, rappelant que la France allait devoir augmenter sa capacité de production d'électricité dans les prochaines années. "Je crois que sous le contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire, nous devons voir si la jonction peut se faire entre énergies renouvelables et parc actuel nucléaire et c'est la condition à partir de laquelle nous pouvons envisager de relancer une filière nucléaire", a enchaîné Olivier Faure. En cas de nouveau programme nucléaire, le député PS estime qu'il faut consulter les Français par référendum, "parce que c'est un engagement que nous prenons sur plusieurs décennies". Il s'est en revanche totalement opposé aux "Small modular reactors", ces petits réacteurs nucléaires voulus par Emmanuel Macron. "Il s'agit d'une proposition dangereuse, car ça dissémine partout sur le territoire de l'énergie nucléaire, avec un risque terroriste accru."
Hélène Geoffroy s'est, de son côté, prononcée en faveur de ces petits réacteurs. Elle défend "un nucléaire sécurisé et renouvelé". Elle "assume" un mix énergétique composé du nucléaire et d'énergies renouvelables, mais reconnaît qu'il faut "résoudre la question du stockage des déchets" nucléaires et que "la recherche est essentielle". Elle défend la création de nouveaux réacteurs et mise également sur la recherche en cours.
Sur l'international
Les trois candidats ont exprimé leur accord avec le nouveau plan d'aide à l'Ukraine décidé par Emmanuel Macron. "Je reprends les mots de Lionel Jospin. Il y a un agresseur, c'est la Russie de Poutine, et il y a un agressé, c'est le peuple ukrainien, a résumé Nicolas Mayer-Rossignol. Et j'aimerais que toute la gauche soit aussi claire", a-t-il ajouté en envoyant une nouvelle pique à La France insoumise.
"On voit bien aujourd'hui que sur ce débat international du soutien à l'Ukraine et sur le débat autour de l'Otan, là il y a une différence importante d'approche [avec LFI]", a détaillé Hélène Geoffroy. La maire de Vaulx-en-Velin souhaite désormais voir le PS démontrer sa capacité à travailler avec les socio-démocrates en Europe. "Moi je suis pro-européen, et jamais je ne dirai qu'il faut sortir de l'Europe de la défense et de l'Otan", a insisté Nicolas Mayer-Rossignol.
Contraint de se justifier sur son alliance avec LFI, Olivier Faure a assumé un désaccord avec ce partenaire de la gauche radicale. Il a plaidé pour un maintien de la France au sein de l'Otan, qu'il juge pour l'heure indispensable. "Je souhaite une défense européenne. Je souhaite que nous ne soyons pas dépendants du grand frère américain, mais ce n'est pas possible pour l'instant", a expliqué le député. Concernant les élections européennes, les trois candidats se sont mis d'accord sur l'impossibilité de conclure une liste commune avec LFI en 2024.
Sur l'avenir de la Nupes
Sur cette dernière partie, les divergences ont éclaté au grand jour. Hélène Geoffroy souhaite suspendre la participation du PS à la Nupes, car elle juge le PS désormais "inféodé" à LFI. "Nous ne sommes pas dans un intergroupe, c'est LFI qui donne le ton, estime la maire de Vaulx-en-Velin. Il faut que les socialistes soient être en capacité de gouverner, et pour cela ils ne peuvent pas être associés au bruit et à la fureur de LFI."
"L'accord Nupes, c'était d'abord un accord électoral pour sauver certaines circonscriptions", a estimé de son côté Nicolas Mayer-Rossignol. Et je regarde que cet accord a été perdant, puisque M. Mélenchon n'est pas Premier ministre." Rappelant que la Nupes ne représente pas toute la gauche, il plaide désormais pour une solution intermédiaire. "La Nupes, c'est un cadre utile à l'Assemblée nationale pour que les différents groupes se parlent. C'est un intergroupe : pas plus, pas moins, détaille-t-il. Mais, est-ce que ça suffit pour gagner demain ? On l'a vu, non." Il propose de mettre en place "des états généraux de la transformation sociale écologique".
"Je ne sais pas comment on peut être à la fois dedans et dehors, a répondu Olivier Faure, qui s'est une nouvelle fois justifié sur l'accord passé par le PS pour les législatives de juin. La Nupes est un récit en construction, (...) une volonté commune de chercher loyalement ensemble le chemin qui nous permet d'avancer." Le premier secrétaire sortant rappelle que la gauche perd quand elle est divisée et a appelé son camp à passer un "contrat de coalition", avant de tenter de "trouver une incarnation commune" pour l'élection présidentielle de 2027.
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