Nouveau gouvernement : la stratégie risquée du PS, ouvert à des "concessions réciproques", au risque de faire exploser le NFP
Le PS cherche une nouvelle voie. Après avoir voté la censure contre le gouvernement de Michel Barnier, la direction du Parti socialiste a opté pour le dialogue avec Emmanuel Macron, qui doit annoncer jeudi 12 décembre le nom du nouveau Premier ministre. Olivier Faure et les cadres du PS défendent désormais l'idée d'un accord de non-censure pour permettre au futur gouvernement de durer plus longtemps que le précédent. En échange de ce geste, le nouveau locataire de Matignon s'engagerait à ne pas utiliser de 49.3 pour faire adopter des textes. La proposition faite par les socialistes au camp présidentiel révèle un changement de stratégie notable par rapport à l'été, alors qu'un congrès du parti à la rose se tiendra en 2025.
Très vite, après la motion de censure qui a fait chuter Michel Barnier, le Parti socialiste s'est montré ouvert aux discussions avec le camp présidentiel et la droite. Son premier secrétaire, Olivier Faure, a évoqué des "concessions réciproques" avec ses adversaires. Dans le même temps, La France insoumise a fermé la porte à toute négociation qui ne porterait pas sur la nomination d'une figure du Nouveau Front populaire à Matignon. "Il n'est pas question pour nous de participer à cette chimère qui laisserait penser que nous pourrions gouverner d'une manière ou d'une autre, ou faire un accord de non-censure, avec ceux qui refusent l'abrogation de la réforme des retraites", a déclaré Mathilde Panot, la présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale.
"La situation du pays exige un changement"
Depuis l'été, le PS a opéré une petite révolution. Au lendemain des élections législatives anticipées, les élus socialistes, à l'unisson avec leurs alliés du Nouveau Front populaire, sommaient Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets pour appliquer strictement leur programme. Autour de la table à l'Elysée mardi, les cadres du PS ont souhaité pour Matignon une personnalité "de gauche ouverte au compromis". "On cherche un équilibre", résume Laurent Baumel.
"On veut prendre en compte la question de la stabilité parlementaire, mais pas au point de renier nos convictions ou de jouer les supplétifs d'une politique qui n'est pas la nôtre."
Laurent Baumel, député d'Indre-et-Loireà franceinfo
Certains socialistes, comme le député Philippe Brun, avaient évoqué un pacte de non-censure dès l'été, puis Boris Vallaud avait remis l'idée au pot, quelques jours avant le vote du 4 décembre sur la motion de censure. Elle provoquait alors quelques froncements de sourcils perplexes, y compris en interne. Mais après la chute du gouvernement Barnier, Olivier Faure a embrassé cette stratégie. "Il a vu que sa ligne n'était plus majoritaire, et il a compris que la situation du pays exigeait un changement", raconte un cadre.
"On a été nombreux à dire qu'on ne devait pas refaire les mêmes erreurs que cet été."
Un cadre du PSà franceinfo
Avec cet accord de non-censure, le PS renouerait avec sa tradition de parti de gouvernement, alors qu'il est dans l'opposition à l'exécutif depuis 2017. La décision réjouit particulièrement l'aile droite du parti, hostile depuis le lancement de la Nupes en 2022 à une alliance avec La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon. "Je bois du petit lait, car c'était la ligne que je portais depuis longtemps", se félicite Nicolas Mayer-Rossignol, opposant interne à Olivier Faure, qui dirige le parti depuis 2018.
"Cela montre qu'on n'est pas inféodés aux insoumis"
Cette évolution stratégique ne vient pas de nulle part, soulignent les responsables du parti : elle correspondrait à une attente profonde des électeurs depuis la rentrée. "On n'est pas dans la configuration de cet été, la situation économique s'est dégradée, on connaît la vérité des comptes publics… Il y a besoin de relancer la machine face à l'instabilité" dans un pays sans majorité claire à l'Assemblée nationale depuis juillet, assure Sébastien Vincini, secrétaire national du PS, qui évoque "une forme d'attente et d'immobilisme".
"En tant que parti de gouvernement, on a décidé de ne pas rester dans une forme d'inertie."
Laurent Baumel, député d'Indre-et-Loireà franceinfo
Sur le fond, la validation de cet accord pourrait permettre au PS d'obtenir des concessions programmatiques. Les socialistes peuvent par exemple espérer un gel de la réforme des retraites, mais sont conscients qu'il sera difficile de réclamer son abrogation pure et simple, qui était pourtant une mesure phare du Nouveau Front populaire.
"Il y a parfois des petites victoires qui préparent les grandes de demain."
Sébastien Vincini, secrétaire national du Parti socialisteà franceinfo
D'autant que cette nouvelle position du PS envoie un message à la frange des électeurs socialistes pour qui la figure de Jean-Luc Mélenchon est un repoussoir. "Ce n'est pas pour ça qu'on le fait, mais cela apporte une preuve à ceux qui pouvaient croire qu'on était inféodés à La France insoumise", souffle un cadre. Le congrès prévu pour 2025 n'est peut-être pas étranger à cette mue stratégique : pour espérer rester premier secrétaire, Olivier Faure devra donner des gages à ceux qui lui reprochent cette alliance avec LFI.
"C'est un accord utile mais il faut s'adapter"
Pour le PS, cet accord qui le verrait pactiser avec une partie du "socle commun" jusqu'à présent aux affaires n'est pas sans risques. D'une part, le Nouveau Front populaire commence à se fissurer, six mois à peine après sa naissance. "Je continue à avoir l’espoir qu’ils n’aient pas la bêtise d’aller au bout de cette démarche. Qu’ils n’entrent pas au gouvernement, qu’ils ne détruisent pas le Nouveau Front populaire", a mis en garde Jean-Luc Mélenchon, en meeting à Redon (Ille-et-Vilaine). Mais pour une partie du PS, le format du NFP est déjà dépassé. "C'est un accord utile, mais il faut s'adapter à la vie politique", philosophe un cadre socialiste.
"On ne peut pas limiter l'avenir du pays aux ambitions de Jean-Luc Mélenchon. S'ils considèrent qu'on est des social-traîtres, eh bien tant pis !"
Un cadre du PSà franceinfo
Depuis le début du mois de décembre, les tensions étaient déjà grandissantes entre les socialistes et les insoumis, à propos du positionnement vis-à-vis du futur gouvernement. "On ne peut pas simplement trépigner et attendre que le président veuille démissionner", a lancé Olivier Faure sur Public Sénat. "Ils sont isolés, surtout s'il y a trente mois sans d'autres élections que les municipales", raille un parlementaire socialiste.
Toutefois, une nouvelle dissolution à partir de l'été 2025 n'est pas exclue. Si des élections législatives devait être organisées, le bloc de gauche pourrait s'y présenter en ordre dispersé, hypothéquant ses chances de figurer au second tour dans de nombreuses circonscriptions. De quoi fragiliser le contingent des 66 députés socialistes à l'Assemblée nationale, mais aussi celui de ses partenaires du Nouveau Front populaire. "S'il y a des législatives anticipées, on pourrait quand même rediscuter d'un accord électoral. LFI aura le même problème que nous et la rupture du NFP est assez théorique à ce stade", tempère Laurent Baumel, décidé à ne pas insulter l'avenir dans cette reconfiguration à gauche.
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