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Mères porteuses, "théorie du genre"... Comment la Manif pour tous prépare son retour

Le collectif s'apprête à retrouver le pavé parisien, le 5 octobre. Pour relancer la mobilisation, plus d'un an après le premier mariage homosexuel, il met en avant de nouveaux thèmes.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, lors d'une conférence, à Paris, le 8 mars 2014. (MAXPPP)

Plus d'un an après la célébration du premier mariage homosexuel, la Manif pour tous se veut fidèle à son slogan, bien décidée à "ne rien lâcher". Mais ne rien lâcher sur quoi, maintenant que la loi Taubira est désormais adoptée et appliquée ?

"Ce n'est pas cette année qu'elle va être abrogée, reconnaît elle-même Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, interrogée par francetv info. La question reste en toile de fond, mais là, nous sommes dans l'urgence, on se saisit des conséquences de la loi." De la gestation pour autrui (GPA) à l'enseignement d'une supposée "théorie du genre" à l'école en passant par la promotion de Najat Vallaud-Belkacem au gouvernement, le collectif s'appuie sur l'actualité des dernières semaines pour relancer la mobilisation, en vue d'une nouvelle manifestation le 5 octobre.

Le "scandale" de la gestation pour autrui

Quelle est l'actualité ? Le gouvernement a beau se défendre de vouloir légaliser la gestation pour autrui dans l'Hexagone, le débat sur les mères porteuses a été relancé, fin juin, par une décision de la Cour européenne des droits de l'homme. La CEDH a condamné la France, estimant qu'elle pouvait interdire la GPA sur son territoire, mais pas refuser de reconnaître les enfants nés de mères porteuses à l'étranger.

Quelques semaines plus tard, début août, la presse australienne a révélé "l'affaire Gammy", du nom d'un enfant trisomiqueLe petit garçon, né d'une mère porteuse thaïlandaise, aurait été abandonné par ses parents australiens en raison de sa maladie, alors que sa jumelle, en bonne santé, a été adoptée. Une version que le couple dément. L'histoire du bambin a suscité l'indignation à travers le monde, et des collectes de fonds ont été organisées en sa faveur.

Comment la Manif pour tous s'en empare. Dans le sillage de "l'affaire Gammy", la Manif pour tous a confirmé la tenue d'une nouvelle manifestation le 5 octobre, avec cette fois-ci pour slogan "L'humain n'est pas une marchandise". L'abrogation du mariage homosexuel est reléguée au second plan : il s'agit désormais de protester contre la GPA. Pour annoncer ce nouvel événement, le collectif a choisi de débuter son communiqué en évoquant l'émotion provoquée par l'enfant trisomique, dénonçant l'attitude des "parents-clients australiens".

Un tel scandale tombe-t-il à point nommé pour le collectif ? "On n'a pas besoin de ce genre d'affaires pour faire porter nos messages, et on ne les souhaite pas, répond Ludovine de La Rochère. La GPA est un scandale majeur." Le collectif réclame l'abrogation de la circulaire Taubira. Daté de janvier 2013, ce texte du ministère de la Justice recommande d'accorder la nationalité française aux enfants nés à l'étranger de Français qui ont eu recours à la GPA. Il "encourage de fait l'asservissement des femmes et la marchandisation des enfants", dénonce la Manif pour tous.

La "provocation" Najat Vallaud-Belkacem

Quelle est l'actualité ? Promue du gouvernement Valls 2, la ministre est la bête noire des opposants au mariage pour tous, réforme qu'elle a ouvertement soutenue, mais aussi des adversaires de la supposée "théorie du genre". Or, Najat Vallaud-Belkacem a fait son entrée au ministère de l'Education fin août.

Comment la Manif pour tous s'en empare. Dès la composition du gouvernement connue, la Manif pour tous a fait de la nomination de Najat Vallaud-Belkacem l'un des nouveaux arguments pour manifester le 5 octobre, dénonçant une "provocation" de l'exécutif, et le retour des "utopies totalitaires", destinées à "endoctriner nos enfants".

La Manif pour tous reproche à la socialiste d'avoir défendu, dans son précédent poste, au ministère des Droits des femmes, les ABCD de l'égalité. Ce projet expérimental, depuis abandonné, avait été conçu pour lutter contre les stéréotypes fille-garçon à l'école. "Sous couvert d'égalité entre fille et garçon", écrit la Manif pour tous, le dispositif "contribue en réalité à prôner l'indifférenciation des sexes et à diffuser l'idéologie du genre à l'école". En conséquence, Ludovidine de La Rochère dénonce avec Najat Vallaud-Belkacem "la nomination d'une féministe très radicale, très extrémiste".

Les "avancées masquées" de la "théorie du genre"

Quelle est l'actualité ? L'abandon des ABCD de l'égalité n'a pas suffi à calmer les opposants à la "théorie du genre". Car aussitôt le dispositif remisé dans les cartons, le gouvernement a annoncé la mise en place, pour cette nouvelle année scolaire, d'un "plan d'action pour l'égalité entre les filles et les garçons à l'école" : des formations pour les enseignants et des outils pédagogiques pour les élèves, sur tout le territoire.

Comment la Manif pour tous s'en empare. Le collectif de Loire-Atlantique a envoyé une lettre aux chefs d'établissements du département, soit 1 048 courriers, rapporte France Bleu. Dans cette missive, les militants promettent une "veille active" sur "le choix des enseignants en matière de manuels scolaires" ou encore "d'éducation sexuelle". "Attention, nous allons être vigilants aux ouvrages que vont manier nos enfants (...), aux spectacles (...), aux films, à tous les outils pédagogiques", explique la responsable locale de la Manif pour tous à la radio. Pour elle, il ne s'agit pas de "surveiller" les personnels éducatifs, comme le dénonce le rectorat, mais de les "éveiller" face aux "avancées masquées de la 'théorie du genre'" dans les écoles.

Ludovine de La Rochère affirme ne pas avoir été mise au courant de l'envoi de ce courrier, "une première" à sa connaissance. "Nous n'avons pas observé ce phénomène ailleurs qu'en Loire-Atlantique", confirme à francetv info le Syndicat national des personnels de direction de l'éducation nationale, dénonçant "des polémiques très éloignées des valeurs de l'école""Les parents sont les principaux éducateurs de leurs enfants, avant l'école, c'est leur responsabilité de s'inquiéter", répond Ludovine de La Rochère. Pour la présidente de la Manif pour tous, il s'agit donc là d'un procédé "légitime".

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