Loi "sécurité globale" : autoriser un policier à assister à un concert avec son arme "pourrait créer des mouvements de panique", craint le Syndicat des musiques actuelles
Huit organisations artistiques ont signé un communiqué pour exprimer leur inquiétude face à l'article 25 de la proposition de loi, qui autoriserait les forces de l'ordre à porter une arme dans les établissements recevant du public.
Dans la proposition de loi sur la "sécurité globale", l'article 25 prévoit notamment qu'un policier puisse porter son arme de service dans un établissement recevant du public. Cette mesure "réduirait le sentiment de sécurité de nos publics", a estimé Laurent Decès, directeur du Petit Bain à Paris et président du Syndicat des musiques actuelles (SNA), invité de franceinfo lundi 15 février. Le SMA fait partie des huit organisations artistiques signataires d'un communiqué s'inquiétant de cet article.
franceinfo : Qu'est-ce qui vous inquiète dans l'article 25 du projet de loi "sécurité globale" ?
Laurent Decès : Aujourd'hui, on observe un glissement autoritaire et sécuritaire qui nous amène à faire ce communiqué et à interpeller les sénatrices et les sénateurs. En fait, cet article 25 pose des problèmes de sécurité au niveau de nos établissements parce qu'on parle de milieux festifs. On parle de nuit, on parle de public qui parfois peut consommer de l'alcool et je vous laisse imaginer ce qui pourrait se passer si un spectateur ou une spectatrice apercevait une arme dépasser du pantalon ou de la veste de son voisin. Ça pourrait créer des mouvements de panique. Et puis, au final, je pense que ça réduirait le sentiment de sécurité de nos publics.
Il faut laisser l'arme au vestiaire, selon vous ?
Oui, on ne vient pas avec son arme. Le cadre actuel est très bien finalement : pour qu'un policier ou un gendarme vienne dans un établissement, il doit se signaler et le responsable de l'établissement peut lui refuser l'accès ou autoriser, selon certaines modalités. Dans mon établissement, on a eu deux sollicitations de ce type, on a refusé l'accès. On a également des adhérents à qui c'est arrivé, notamment un adhérent qui a refusé l'accès. Il a été convoqué par le commissariat quelques jours plus tard et a été réprimandé alors qu'il était parfaitement dans son droit. Et puis, on a un autre adhérent qui a accepté un policier armé hors service. Et il a constaté malheureusement que ce policier consommait au bar. C'est vraiment une preuve manifeste de l'insuffisance et de l'inconsistance de cet article 25.
"Le cadre plutôt bien pensé aujourd'hui, on ne comprend pas pourquoi il faudrait aller un pas plus en avant dans ce que j'appelle un glissement sécuritaire"
Laurent Decès, directeur du Petit Bain à Paris et président du SNAà franceinfo
Fin 2015, le port d'armes a été autorisé hors service dans le cadre de l'état d'urgence. Ensuite, ça a été dans le cadre général en août 2016. Et aujourd'hui, on voudrait que ce soit dans les ERP (établissement recevant du public), c'est-à-dire les lieux culturels, mais aussi un stade sportif, un commerce, un festival, un lieu de culte. Ce n'est vraiment pas l'image que l'on défend pour notre société et pour nos établissements.
L'objectif de ce texte, c'est que les policiers se sentent en sécurité partout, qu'ils se sentent protégés si, par exemple, leur nom circule sur les réseaux sociaux. Vous l'entendez ?
Oui, il y avait cet argument-là. Et puis, il y avait aussi la suite des attentats du Bataclan. Nous, on pense qu'aujourd'hui les forces de l'ordre sont suffisamment fatiguées et mobilisées sur tous les fronts. Lorsque l'on vient dans un établissement recevant du public, et qui plus est une salle de concert ou une salle de spectacle, on a envie de lâcher prise. On a envie d'oublier un peu ses problèmes et on a envie finalement, même un policier, d'être un citoyen à part entière et de pouvoir profiter du concert ou du spectacle comme tout autre spectateur.
Les forces de l'ordre ne sont pas formées, ce n'est pas ce qu'on leur demande, à réagir en toute urgence à une attaque terroriste. Et puis, ça voudrait dire que les policiers seraient en quelque sorte sous astreinte 24 heures sur 24. Ce n'est vraiment pas ce que l'on souhaite. Les armes n'ont pas leur place dans les établissements recevant du public. Elles n'apporteraient pas plus de sécurité, bien au contraire.
Pourriez-vous contrôler si la personne qui a une arme est effectivement policier ou gendarme ?
Non. Aujourd'hui, quelqu'un qui est un peu doué en graphisme et qui fabrique une carte de police falsifiée pourrait, avec cet article 25, rentrer dans un établissement et donc ça pose un sérieux problème.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.