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Qui sont les Roms (5/5) ? "Je veux faire ma vie en France"

Francetv info publie une série de portraits de Roms en France. Florin, un jeune manutentionnaire de 25 ans qui vit à Saint-Maur-des-Fossés.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Florin, le 22 octobre 2013 à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Florin* n’est pas du genre à se plaindre. Depuis qu’il vit en France, ce jeune Rom de 25 ans se moque des préjugés qui collent à sa communauté. Mais il n’a pas boudé son plaisir lorsqu’un jour de marché, à Villejuif (Val-de-Marne), une dame bien habillée a tenté de lui faire signer une pétition réclamant l’expulsion d’un camp."J'ai rigolé. Je l'ai regardée et je lui ai dit 'Madame, moi je peux pas signer ça, je suis Rom', raconte le jeune homme, hilare. Elle est restée bloquée. Je lui ai dit qu'on pouvait en discuter, mais elle est partie plus loin."

Avec son français parfait et son emploi, Florin ne correspond pas aux clichés qui courent sur les Roms. Ou plutôt, il n'y correspond plus. Arrivé le 5 novembre 2003 à l'âge de 15 ans, en provenance de Timisoara (Roumanie), le jeune homme commence par faire la manche pour "5 à 6 euros par jour". "Beaucoup de gens n'aimaient pas : ils nous disaient d'aller travailler", raconte-t-il.

La rencontre avec "Pierrot"

C'est bien ce qu'il comptait faire. Au bout d'un an et demi, il commence à donner des coups de main sur les marchés contre un petit billet. C'est là qu'il tombe sur "Pierrot", un commerçant du coin. "J'ai travaillé avec ce monsieur pendant sept ans sur les marchés, au noir. Il me payait entre 30 et 40 euros par jour, puis 50 euros", raconte le jeune homme. Surtout, "Pierrot" propose de l'héberger la semaine, lorsqu'il travaille. "On l'a pris un peu sous notre aile avec ma copine, confirme "Pierrot". Elle lui a appris le français, je lui ai appris à travailler".

Ce coup de pouce lui permet de quitter un temps la précarité des camps, où vit sa famille. Depuis son arrivée en France, il en a connu tellement qu'il n'essaye même plus de les compter. En 2011, Florin, marié avec une Rom, père de deux enfants, décide d'arrêter pour passer plus de temps avec les siens. "Je voulais me mettre à mon compte, comme auto-entrepreneur, avec un registre de commerce pour les papiers", explique-t-il également.

Sans travail déclaré, difficile en effet d'éviter les OQTF (obligation de quitter le territoire français) comme celle qui l'a obligé se rendre en Belgique quelques heures en 2011. "T’es obligé d’aller au commissariat de Valenciennes. Là, t’as le tampon comme quoi t’es sorti du territoire. On était suivi pour qu’ils soient sûrs qu’on sorte. On est sorti et on a fait demi-tour", raconte le jeune homme. 

Second coup de pouce

Cette tentative de reconversion est un échec, même s'il obtient au passage un précieux récépissé de demande de carte de séjour, justificatif provisoire qui lui permet de rester sur le territoire. Mais entre temps, il reçoit un second coup de pouce. Grâce au collectif Romeurope du Val-de-Marne, sa famille, soit une petite vingtaine de personnes, attire l'attention du préfet. "Ce qui a joué, c'est que l'un des frères de Florin avait les félicitations du conseil de classe", raconte Marie-Thérèse Vogler, bénévole au comité catholique contre la faim et pour le développement.

La famille devient l'une des rares à bénéficier des "solutions d'accompagnement" prévues par la fameuse circulaire du 26 août 2012, présentée comme la position officielle du gouvernement sur la question rom. Après quelques mois en hôtel, ses parents obtiennent un HLM, financé par le centre d'hébergement et de réinsertion sociale de Créteil. La préfecture a placé Florin et sa femme dans un petit hôtel de l'hébergement d'urgence, à Saint-Maur-des-Fossés. Une chambre de quelques mètres carrés, au bout d'un couloir jaune, avec une petite salle de bains, un micro-onde mais pas de cuisine.

Premier job à Rungis

En septembre 2013, le jeune homme trouve enfin un travail déclaré. Il devient manutentionnaire à Rungis (Val-de-Marne), pour les Restos du Cœur. Un job qui lui permet de se former et de trouver ensuite le même type de travail dans une entreprise. "C'est Pôle Emploi qui m'a envoyé là-bas. J'étais super content quand ils m'ont appelé", se rappelle le jeune homme dans un grand sourire. L'agence lui a également fourni un agrément qui lui permet de rester 24 mois en France.

Payé 900 euros bruts, il gagne un peu moins que sur les marchés avec "Pierrot". Mais l'essentiel est ailleurs. "Je préfère être déclaré et avoir des fiches de paye. Cela facilite les choses pour obtenir des papiers. Et avec mes fiches de paye, je vais essayer de me trouver un appartement", explique-t-il. 

"Notre ami Valls qui veut virer les Roms"

Sans un logement stable, leur situation reste en effet précaire. Florin a déjà connu les séjours en hôtel qui, du jour au lendemain, se transforment en retour au camp lorsque la préfecture coupe les vivres. "Pour l'instant, on ne nous a rien dit. On ne sait pas combien de temps cela va durer", explique-t-il, inquiet. Il ne sait pas non plus s'il va réussir à avoir une carte de séjour et si sa femme, qui ne travaille pas, va pouvoir obtenir des papiers.

Sur ce point, les propos du ministre de l'Intérieur, qu'il appelle en plaisantant "notre ami Valls qui veut virer les Roms", ne le rassurent pas. S'il dit connaître "beaucoup de Roms qui ne veulent pas s'intégrer", lui a la ferme intention de rester en France. Pour ses enfants d'abord. Son fils, Christian, 5 ans, est en grande section de maternelle à Créteil (Val-de-Marne). Sa fille, Andrea, 2 ans, n'est pas encore scolarisée. "Je veux qu'ils aillent le plus loin possible à l'école. Ils feront ce qu'ils veulent mais je vais les obliger à aller à l'école, ça, c'est sûr", assène-t-il, en les regardant se rouler sur le lit au milieu de leurs peluches.

Le long chemin vers l'intégration

Pour lui, ensuite. Arrivé à l'âge de 15 ans, il a depuis fait sa vie en France, malgré quelques aller-retours plusieurs fois par an en Roumanie. Il n'est pas encore au bout du long chemin vers l'intégration, mais les progrès de ces derniers mois lui ont redonné le moral. "Je veux faire ma vie ici, m'intégrer en France, martèle-t-il. Maintenant, je n'ai plus d'amis en France qu'en Roumanie". 

Resté très proche de son jeune employé, "Pierrot" mesure avec satisfaction le chemin parcouru. "Sur les marchés, je disais que c'était mon fils, parce qu'il ne voulait pas dire qu'il était rom à l'époque, se souvient le vieux commerçant. Aujourd'hui, il est très heureux d'être rom et de s'en sortir en tant que rom."

*Les prénoms ont été modifiés.

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