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Fonds Marianne : comment Marlène Schiappa s'est défendue devant la commission d'enquête au Sénat

L'ancienne ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, auditionnée mercredi matin, a évacué toute responsabilité personnelle dans les "dysfonctionnements" du pilotage du fonds Marianne, en 2021.
Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié
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La secrétaire d'Etat Marlène Schiappa auditionnée au Sénat, à Paris, le 14 juin 2023. (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

"Je ne me dérobe pas, j'entends endosser ma responsabilité, toute ma responsabilité, mais rien que ma responsabilité." Entendue mercredi 14 juin par la commission d'enquête du Sénat sur le fonds Marianne contre le séparatisme, Marlène Schiappa a tenu à se défendre des irrégularités qui lui sont reprochées dans ce dossier. L'ex-ministre chargée de la Citoyenneté, à l'initiative de ce dispositif lancé après l'assassinat de Samuel Paty en octobre 2020, n'a pas reconnu d'erreurs personnelles, même si elle a concédé des "dysfonctionnements dans l'organisation et la gestion du fonds". Franceinfo revient sur ce qu'il faut retenir de cette audition très attendue pour faire la lumière sur les errements du fonds Marianne.

Le calendrier accéléré pour lancer le fonds n'aurait pas eu d'impact sur le nombre de projets déposés

C'est le premier reproche qui était fait à Marlène Schiappa, sur le plan chronologique. Chargé de mettre en place le fonds Marianne, au travers du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), le préfet Christian Gravel avait pointé devant les sénateurs une "commande politique, issue de la ministre concernée", pour lancer ce fonds avec un calendrier accéléré.

"Le délai de trois semaines pour recueillir les candidatures, c'est vrai qu'il peut paraître contraint, mais il nous paraissait adapté. Qu'on ait 71 structures touchées et qui répondent, c'est un nombre important. Les délais courts n'ont pas semblé poser de problème", s'est défendue Marlène Schiappa mercredi.

Le rapporteur de la commission d'enquête, Jean-François Husson, a de son côté souligné le fait que le nombre de projets déposés n'était pas très élevé. Selon lui, le bilan du dépôt des dossiers pour le fonds Marianne, au printemps 2021, est "en demi-teinte". "Il y a eu beaucoup de réponses hors-jeu", a renchéri Claude Raynal, président de la commission d'enquête.

Marlène Schiappa se tenait à distance des sélections du fonds, mais était "informée" des discussions

Ensuite, Marlène Schiappa est-elle intervenue directement ou indirectement dans le processus de sélection des 17 associations qui ont bénéficié de subventions ? Quel rôle a-t-elle tenu dans l'élaboration du fonds Marianne ? Lors de son audition, l'actuelle secrétaire d'Etat chargée de la Vie associative a martelé qu'elle ne figurait pas dans le comité de sélection du dispositif. "En revanche, je suis informée régulièrement par mon cabinet des discussions qui peuvent exister autour de l'attribution des subventions", a-t-elle précisé. C'est logique : la moitié de ce comité, soit trois personnes, étaient des membres de son cabinet, à l'époque. "Ils étaient capés" pour trancher sur les associations bénéficiaires, a insisté Marlène Schiappa.

Elle n'est pas une "copine" de Mohamed Sifaoui, dont l'association a reçu 355 000 euros

Lors d'une bonne partie des trois heures de cette audition, Marlène Schiappa a tenu à se défendre de la proximité qui aurait été la sienne avec Mohamed Sifaoui. Ce dernier codirigeait l'Union des sociétés d'éducation physique et de préparation militaire (USEPPM), qui a reçu 355 000 euros du fonds Marianne en dépit d'un dossier jugé très faible. "Je ne suis pas la copine de Mohamed Sifaoui, a-t-elle balayé. Je suis formelle, (...) je n'ai à aucun moment demandé ou passé commande [pour] que Mohamed Sifaoui soit priorisé ou mis au-dessus de la pile. Je n'avais aucune raison de le faire et je ne l'ai pas fait." 

Selon l'ex-ministre, "ce dossier était soutenu par l'administration" et donc par le CIPDR, que dirigeait Christian Gravel. Ce dernier avait souligné devant les sénateurs la proximité idéologique entre l'ancienne ministre et l'essayiste. L'ex-préfet aurait ainsi "appris que l'USEPPM pourrait bénéficier du fonds Marianne lors d'un appel téléphonique de Mohamed Sifaoui : il me dit sortir d'un rendez-vous avec la ministre", en mars 2021, avant même le lancement officiel du fonds.

Mi-avril, Mohamed Sifaoui avait assuré sur Twitter qu'il avait été encouragé à postuler "par les membres du cabinet de Madame Schiappa et par elle-même". "Encourager quelqu'un à déposer un dossier, ça ne veut pas dire qu'on va le soutenir, c'est une formule générale qui signifie que le dossier sera étudié, on renvoie l'étude du dossier à l'administration", a répondu Marlène Schiappa mercredi matin.

Elle a donné "un avis négatif sur le projet de SOS Racisme", mais n'a pas "supprimé" de subvention

Marlène Schiappa s'est vu reprocher d'avoir arbitré en défaveur d'une subvention de 100 000 euros à SOS Racisme dans le cadre du fonds Marianne. "J'ai donné un avis négatif sur le projet de SOS Racisme", a-t-elle affirmé mercredi. Mais elle s'est défendue d'avoir "supprimé" une subvention attribuée à l'association, car cette dotation n'était pas garantie avant le lancement du fonds.

Pourquoi a-t-elle écarté SOS Racisme des bénéficiaires de ces crédits ? "Le projet de SOS Racisme proposait une action en deux temps, sur les réseaux sociaux et sur des activités physiques ou sportives dans certains quartiers, avec une action déjà menée" ailleurs, a argumenté l'ex-ministre déléguée. En face, les sénateurs ont rétorqué que son choix était en contradiction avec le comité de sélection du fonds Marianne, qui avait retenu SOS Racisme. "Vous n'aviez pas à donner un avis sur les associations déjà sélectionnées", a affirmé Claude Raynal. Le président de la commission d'enquête a dénoncé, en conclusion, un "fiasco" à propos de ce fonds Marianne. "La méthode peut être remise en cause, améliorée et clarifiée", a admis la secrétaire d'Etat, fragilisée politiquement.

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