Philippe de Villiers, la retraite impossible
En retrait de la vie politique depuis 2005, le fondateur du Mouvement pour la France continue de distiller ses idées dans des livres à succès.
Le Vendéen est de retour, mais en librairie seulement. Retiré dans son fief du Puy du Fou, Philippe Le Jolis de Villiers de Saintignon, dit Philippe de Villiers, a désormais troqué sa "circonscription électorale pour une circonscription lectorale". Pratiquement une fois par an, il publie un livre qui cartonne : Le Moment est venu de dire ce que j'ai vu (Albin Michel, 2015), s'est vendu à 250 000 exemplaires.
Après avoir tapé sur "Nicolas [Sarkozy], le lapin-tambour", c'est l'islam que l'ancien candidat à la présidentielle (en 1995 et en 2007) a dans le viseur. Selon lui, la France de Jeanne d'Arc est en train de perdre son identité. La faute à l'islamisme, à l'islam de France, accusé de jouer un double jeu, mais aussi aux élites françaises et à ses anciens adversaires politiques. Tout le monde en prend pour son grade.
"L'agité du bocage"
Philippe de Villiers se veut désormais au-dessus d'une mêlée qu'il connaît bien. Passé par l'Ecole nationale d'administration, "cette couveuse à crânes d'œuf qui fabrique en série les 'ingénieurs sociaux'", il est sous-préfet de Vendôme (Loir-et-Cher) en 1981, lorsqu'il demande sa mise en disponibilité pour ne pas servir le pouvoir socialiste de François Mitterrand. Mais, auréolé du succès de son parc d'attraction, le Puy du Fou (il apparaîtra dans l'émission "Vive la crise !" d'Yves Montand, comme exemple de réussite), il finira par côtoyer ce dernier à la table des ministres, en pleine cohabitation, en devenant cinq ans plus tard secrétaire d’Etat auprès de François Léotard, alors ministre de la Culture du gouvernement Chirac.
Il tente de faire oublier Jack Lang et ses excentricités, à l'image des colonnes de Buren qu'il veut revendre au maire de Nîmes, ou encore en organisant en 1987 des commémorations nationales du millénaire de l’avènement du roi Hugues Capet. Son passage agité rue de Vallois lui vaudra le sobriquet "d'agité du bocage" de la part du Canard enchaîné.
Déçu par cette droite pas assez conservatrice et souverainiste à ses yeux, il cherche une alternative, et fonde le mouvement Combat pour les valeurs avec le ministre Bernard Debré et la députée Christine Boutin. "Lors du lancement, Philippe de Villiers était alors écouté par les barons du gaullisme de l'époque et 60 à 80 députés du Rassemblement pour la République (RPR)", se souvient avec nostalgie Jean-Louis Millet, maire (divers droite) de Saint-Claude, dans le Jura. "Mais tant que nous étions un mouvement d'idées, tout allait bien, c'est à partir du moment où nous avons créé le Mouvement pour la France [MPF] que les choses se sont gâtées."
Défaites et scandale
Le MPF voit le jour en 1994. Philippe de Villiers se présente à la présidentielle de 1995 contre Jacques Chirac et Edouard Balladur. Il obtient un bon score, avec 4,7% des suffrages. Anti-européen farouche, il s'allie avec l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua en 1999 pour créer le Rassemblement pour la France (RPF). Là aussi, c'est un succès. Aux élections européennes, leur liste fait le meilleur score de l'ensemble des listes de droite, devant celle du RPR et de Démocratie libérale emmenée par Nicolas Sarkozy, avec 13,05 %.
C'est à partir du référendum sur le traité constitutionnel européen de 2005 que son influence nationale diminue et que son élan s'essoufle. Mais si le "non" l'emporte en France, la Vendée est l'un des départements où le "oui" est légèrement majoritaire. Il tente une nouvelle fois sa chance à la présidentielle de 2007 mais n'obtient que 2,23% des suffrages.
Cette baisse de son influence politique coïncide avec une certaine lassitude. Pour lui, le combat politique est "une piscine sanguinolente où crocodiles et caïmans se mangent entre eux". Il jette l'éponge en 2010 en démissionnant du conseil général de Vendée et de sa présidence, après vingt-deux ans de mandats locaux. En 2014, il choisit de ne pas se représenter aux européennes et refuse de guerroyer une nouvelle fois lors des primaires à droite et de la présidentielle de 2017.
Le système va mourir et ce n'est donc pas le moment d'aller s'y précipiter.
Affaibli par un cancer de l'œil qui l'oblige désormais à porter des lunettes de soleil, il se fait plus discret. Un retrait progressif, alors que sa famille traverse une période difficile. En 2006, en pleine compagne présidentielle, il apprend par voie de presse que Laurent, son fils, porte plainte contre son frère aîné, Guillaume, pour des viols qui se seraient déroulés au domicile familial, de 1994 à 1997. Un choc et un scandale, dont les rebondissements et les décisions de justice rythmeront les huit années suivantes, avant un non-lieu confirmé par la Cour de cassation en 2014.
Repli sur son domaine et "métapolitique"
Philippe de Villiers se replie alors dans son fief Vendéen, pour mieux développer sa fierté : le Puy du Fou, parc à vocation identitaire qu'il a imaginé, construit et dont il écrit toujours les scénarios des spectacles nocturnes. "Le seul qui soit rentable et qui fonctionne sans subvention publique, ni actionnaire privé", se félicite-t-il. Un modèle qu'il cherche à exporter, en Russie notamment. Pour cela, il n'hésite pas à rencontrer Vladimir Poutine, qu'il admire, et à s'allier avec Konstantin Malofeev, un oligarque controverse, décrit par Mediapart.
Mais Philippe de Villiers n'a pas pour autant abandonné son rêve de sauver la France, préférant désormais l'écriture aux meeting. Il y consacre quatre heures par jour, de 7 heures à 11 heures dans sa résidence des Aubretières aux Herbiers (Vendée). C'est là qu'il travaille à ce que ses proches appellent la "métapolitique". "Il a remarqué qu'il avait plus d'influence avec ses livres que lorsqu'il était dans l'arène politique", résume à franceinfo Véronique Besse, seule député MPF à l'Assemblée nationale et maire des Herbiers (Vendée).
Des ouvrages qu'attendent avec impatience ses soutiens, esseulés depuis sa retraite, mais qui lui restent fidèles. "Même s'il n'est plus aussi présent, j'ai une totale confiance en lui. Et tout ce qu'il a écrit auparavant s'est vérifié", explique à franceinfo Pierre Meurin, président des Jeunes pour la France. "C'est lui qui a parlé en premier de la vache folle ou encore de la radicalisation des employés de Roissy."
Philippe de Villiers a toujours eu raison trop tôt
Preuve que son discours passe encore, les adhésions bondissent à chaque parution. "Nous avons eu 500 jeunes de plus entre septembre et décembre 2015, c'est à dire au moment de la sortie de son dernier livre", confirme le militant.
La tentation du retour
Dans les rangs de son parti en sommeil, on ne perd pas espoir. "L'outil n'est certes plus actif, mais il n'est pas mort et peut se réactiver du jour au lendemain", espère Jean-Louis Millet. Si Philippe de Villiers se refuse à replonger dans "le cloaque répugnant" de la politique, il ne ferme pas la porte. "Il y a le désir et la raison...", glissait-il ainsi en 2014 au Figaro.
Cette éventualité semble se préparer au premier étage de La Rotonde, restaurant sélect du 6e arrondissement. Il y retrouve Patrick Buisson, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy et ancien directeur de la rédaction du journal d'extrême droite Minute, ou encore son ami Eric Zemmour, chroniqueur-vedette et surtout polémique. Avec eux, le Vendéen imagine "la recomposition politique de la droite", qui serait "toute proche" selon Buisson, cité par Marianne. Pour Véronique Besse, "son retour sera conditionné par la situation de la France, si elle s'enfonce encore plus dans le chaos, comme peut-être après un nouvel attentat". Un de ses proches résume le personnage citant une de ses formules favorites : "Combattu toujours, battu souvent, mais abattu jamais."
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