"Personne à l'UMP n'a intérêt à ce que le parti explose"
La proposition de médiation d'Alain Juppé n'a pas mis fin à la guerre Copé-Fillon. Pour autant, une scission du parti est peu probable, selon Thomas Guénolé, chercheur à Sciences Po.
CHAOS A L'UMP - Cinq jours après le vote et une série de rebondissements qui n'en finit pas, l’UMP n’a toujours pas de chef, vendredi 23 novembre. Jean-François Copé revendique la victoire à l'élection pour la présidence du parti, François Fillon la conteste. Alain Juppé a posé ses conditions pour mettre en place une mission de médiation mais Jean-François Copé a rejeté cette proposition. Pour mieux comprendre une situation chaque jour plus ubuesque, francetv info a interrogé Thomas Guénolé, chercheur à Sciences Po, spécialiste de la droite.
Francetv info : Au-delà des personnalités des candidats, comment expliquer le chaos qui règne actuellement au sein de l'UMP ?
Thomas Guénolé : L'UMP est divisée depuis 2007 entre la ligne gaulliste d’Henri Guaino et la ligne très à droite de Patrick Buisson, qui reprend les diagnostics du Front national. Nicolas Sakozy a réussi à se faire élire en restant en équilibre sur les deux lignes. Mais maintenant qu'il n’est plus là, il y a d'un côté Jean-François Copé qui est plutôt dans la ligne Buisson et de l'autre, François Fillon, dans la ligne Guaino. Le problème, c'est qu'ils sont à égalité auprès des militants.
Il existe en fait quatre droites au sein de l'UMP : d'un côté, la droite sociale et la droite morale dont les électeurs sont plus proches de François Fillon ; de l’autre, la droite libérale et la droite sécuritaire qui correspondent plus à Jean-François Copé. L’élection du président de l’UMP n'a pas créé de déséquilibre puisqu'aucune de ces droites n'a pris le dessus. Mais aucun des candidats ne peut couvrir tous les spectres de la droite. Pour sortir de la crise, il faut donc que l'UMP abandonne sa culture bonapartiste où il n'y a qu’un seul chef. L'UMP est condamnée à la polyphonie.
A l'issue de ce feuilleton, même si un président est désigné, quelle légitimité aura-t-il ?
Aucune. Avec des scores aussi serrés, et la mauvaise image qu'ils ont donnée depuis dimanche, ni Jean-François Copé ni François Fillon n’auront la légitimité pour diriger l'UMP. Alors, comment faire ? L’option d’une présidence d’Alain Juppé est exclue car il n’était pas candidat. Cela enverrait un message épouvantable aux militants, qui se verraient voler leur vote. Une coprésidence Copé-Fillon est évidemment inimaginable. La seule solution, ce serait un triumvirat Copé-Fillon-Juppé. Ainsi, ce dernier, réputé pour être diplomate, empêcherait une situation de duel permanent. C'est le seul moyen de sortir de la crise.
L’UMP risque-t-elle d'exploser ?
C'est possible mais peu probable, car personne au sein de l’UMP n'a intérêt à ce que le parti explose. François Fillon a d'ailleurs déjà indiqué qu'il ne quitterait pas la formation. La coexistence d'un parti "filloniste" et d'un autre, "copéiste", constituerait un suicide électoral. Quelle ligne politique pourraient-ils offrir entre le Front national à l’extrême droite et l'Union des démocrates et indépendants (UDI) au centre ?
De plus, les hommes politiques sont des professionnels, financés par leur parti via les subventions publiques. Plus une formation politique a d’élus, plus elle est riche. Il faut être suicidaire pour faire exploser cette poule aux œufs d’or qu'est l’UMP.
Si un groupe de parlementaires souhaitait se détacher, il pourrait être financièrement viable. Mais cela pourrait handicaper l'UMP. En effet, l'Etat accorde aux partis 42 000 euros par parlementaire. Les députés et les sénateurs ont jusqu'au 30 novembre pour choisir un groupe et donc dire à quel parti cette subvention sera allouée. Si les parlementaires qui soutiennent François Fillon refusent de choisir l'UMP, ce sera beaucoup d'argent en moins.
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