Rivalité Roussel-Mélenchon, avenir de la Nupes, alliances à gauche... Pourquoi le fossé se creuse-t-il entre communistes et "insoumis" ?
De la friture sur la ligne. Le patron du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, s'est attiré les foudres de plusieurs piliers de La France insoumise (LFI) ces derniers jours. En cause, sa sortie début avril sur la Nupes, l'alliance de la gauche née en 2022, qu'il a jugé "dépassée". Autre point de discorde pour ces cadres "insoumis" : le leader des communistes a tendu la main à l'ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, honni par LFI et Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour ses positions jugées autoritaires. Franceinfo vous explique les raisons profondes de la brouille entre le PCF et le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, qui ne date pas d'hier.
Les "insoumis" sceptiques sur la "nouvelle union" à gauche voulue par Fabien Roussel
Le patron du PCF n'a jamais caché son scepticisme vis-à-vis de la Nupes, l'alliance mise sur pied sous l'impulsion de Jean-Luc Mélenchon après la présidentielle. Mais il l'a exprimé plus clairement ces derniers jours, en amont du 39e congrès du parti qui s'est ouvert vendredi 7 avril à Marseille, et à l'issue duquel il a été largement reconduit à la tête du parti, lors d'un vote lundi. La "Nupes est dépassée", a ainsi lâché Fabien Roussel, dans un entretien à L'Express lundi 3 avril.
Interrogé sur sa volonté d'étendre l'union de la gauche à Bernard Cazeneuve, qui a quitté le PS en dénonçant la "toutouisation" des socialistes par La France insoumise, Fabien Roussel a répondu : "Oui ! Nous devons parler à toute la gauche. Il n'est pas imaginable d'exclure qui que ce soit si l'on veut incarner une force de progrès capable de l'emporter." L'ancien Premier ministre n'a pas tardé à saluer ces propos, estimant qu'il fallait reconstruire une "gauche de responsabilité et de crédibilité". Au sein du parti, en revanche, l'idée ne fait pas fait l'unanimité, en témoigne une tribune dans Le Monde de cadres du PCF jugeant "irresponsable de jeter la Nupes avec l'eau du bain".
Dans un courrier aux adhérents du PCF, le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, a demandé "des clarifications" après les déclarations de Fabien Roussel. "Sa volonté de rupture avec la Nupes est-elle la position du Parti communiste français désormais ?", s'est-il interrogé. "Mêlez-vous de vos affaires", lui a répondu le secrétaire national du PCF, en ouverture du congrès, vendredi. Invité du "13 Heures" de TF1, samedi, le patron des communistes a de nouveau plaidé pour un "nouveau front populaire avec tout le monde, et pas seulement les forces politiques qu'il y a au sein de la Nupes".
Après avoir rencontré Fabien Roussel en marge du congrès, samedi, Manuel Bompard a tenté de jouer l'apaisement en affirmant qu'il n'avait "pas l'intention de se fâcher" avec son homologue du PCF.
Le PCF revendique son autonomie sur des sujets majeurs
"Personne ne dictera aux communistes ce qu'ils doivent voter, faire et choisir. Nous sommes souverains, libres, communistes", a martelé Fabien Roussel à Marseille, vendredi. Le lendemain sur TF1, il a de nouveau revendiqué un PCF "libre et autonome" et a insisté sur l'importance de "respecter les choix du Parti communiste français, sa manière d'être à l'Assemblée ou au Sénat".
De fait, le PCF a marqué sa différence à gauche, sur de nombreux sujets ces derniers mois. Si les "insoumis" n'ont pas pris part au vote, le groupe communiste à l'Assemblée nationale est ainsi le seul à avoir voté contre la reconnaissance de l'Holodomor, cette famine provoquée au début des années 1930 en Ukraine par les autorités soviétiques, et à l'origine de la mort de plusieurs millions de personnes.
Fabien Roussel a aussi sévèrement critiqué la stratégie parlementaire des "insoumis" sur le dossier des retraites. Les députés LFI ont notamment maintenu leurs amendements jusqu'au bout du temps dédié à l'examen du texte, empêchant que l'article 7, qui reportait l'âge légal de départ à la retraite, puisse être examiné. De même, il estime que le nucléaire est une "filière d'avenir", tandis qu'EELV et LFI veulent en sortir au plus vite.
Enfin, sur la question du travail, Fabien Roussel s'est attiré les foudres de ses partenaires, en fustigeant en septembre "la gauche des allocs". Après cette sortie, le député LFI Eric Coquerel avait reproché au leader communiste de "légitimer tout le discours de la droite et l'extrême droite".
La candidature à la présidentielle 2022, une "trahison" jamais digérée par LFI
En réalité, les divergences de Fabien Roussel et de ses alliés à gauche ne sont pas neuves. En 2018, au 38e congrès du PCF à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Fabien Roussel avait été élu face au secrétaire national sortant Pierre Laurent sur une ligne hostile à une candidature unique de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, comme ce fut le cas en 2012 et 2017, rappelle Le Figaro.
La candidature de Fabien Roussel en 2022 a été très mal vécue par LFI, qui lui reproche d'avoir coûté à son candidat la qualification au second tour. Pour mémoire, le communiste avait engrangé quelque 800 000 voix, près du double de ce qui a manqué à Jean-Luc Mélenchon pour terminer devant Marine Le Pen.
"C'est quand même fort de café ! Jean-Luc Mélenchon a donné son parrainage à Philippe Poutou du NPA, qui lui a pris 270 000 voix... L''insoumis' s’est tiré tout seul une balle dans le pied !", répond Fabien Roussel dans son livre, Les jours heureux sont devant nous (Cherche Midi, 2023), relève Le Figaro. "C'est moi qui devrais me plaindre du rôle des sondages dans les jours précédant le vote, du retournement des électeurs, du 'vote utile' !", ajoute-t-il, cité par Le Monde (article abonnés).
L'inimitié entre les deux hommes n'a depuis pas cessé. "Quelle incroyable agressivité. Ça dure depuis trois ans à tout propos, avant et depuis la Nupes", a tweeté Jean-Luc Mélenchon vendredi, après la saillie de Fabien Roussel envers Manuel Bompard.
"A chaque fois que j'émets une idée qui ne rentre pas dans les clous, je me fais taper dessus", a ensuite réagi Fabien Roussel, devant des journalistes.
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