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Projet de loi immigration : on vous explique pourquoi une motion de rejet pourrait faire tomber le texte dès ce lundi

Si elle est votée par Les Républicains et le Rassemblement national, la motion de rejet préalable déposée par les écologistes empêcherait tout examen du texte par les députés. Le gouvernement se méfie mais ne veut pas croire à un tel scénario.
Article rédigé par franceinfo - avec Margaux Duguet
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à l'Assemblée nationale à Paris, le 7 décembre 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

L'examen du projet de loi sur l'immigration à l'Assemblée nationale va-t-il avoir lieu ? Lundi 11 décembre, l'arrivée en séance publique du texte, remanié en commission des lois après son passage et son durcissement au Sénat, s'annonce comme une épreuve de vérité pour l'exécutif. Elle pourrait être stoppée net d'entrée par une motion de rejet préalable, déposée par les écologistes. L'initiative fera l'objet d'un vote avant le début de l'examen du projet de loi, attendu à partir de 16 heures.

Si la motion est votée par une majorité des députés présents, le texte sera rejeté avant même l'ouverture des débats. Une coalition d'élus de droite et de gauche est-elle possible pour porter un coup au texte porté par Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur ? Si le gouvernement se dit confiant, les groupes Les Républicains et Rassemblement national laissent planer le doute. Un vote de cette motion marquerait un clair désaveu pour l'exécutif. "Si c'est le cas, le gouvernement est battu", reconnaît-on à Beauvau.

Un recours "tentant" pour les LR 

Dans le règlement de l'Assemblée nationale, l'article 91 prévoit la possibilité d'une motion de rejet préalable, "dont l'objet est de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles, ou de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer". Sur le projet de loi immigration, les écologistes comme le groupe LR avaient chacun déposé une telle motion. Le règlement dispose toutefois qu'une seule d'entre elles peut être votée, et celle des écologistes a été tirée au sort. C'est le député des Yvelines, Benjamin Lucas, qui la défendra dans l'Hémicycle.

Les écologistes obtiendront-ils une majorité contre le projet de loi ? Dimanche, plusieurs élus de droite et d'extrême droite ont laissé entendre que leurs groupes pourraient approuver cette motion. "Nous déciderons lundi de notre position", a ainsi annoncé Eric Ciotti, président du parti Les Républicains, dans Le Parisien. "Seul le texte sorti du Sénat, et uniquement celui-ci, nous convient. L'adoption d'une motion de rejet aboutirait à débattre à nouveau sur le texte du Sénat", a-t-il néanmoins souligné. "C'est une solution assez tentante", avait estimé Olivier Marleix, président du groupe LR à l'Assemblée, sur Sud Radio.

Les intentions floues du RN

Le texte du gouvernement, notamment sa proposition de régulariser des travailleurs sans-papiers dans des secteurs en tension, fait l'objet de vives critiques à droite. Mais des députés LR sont réticents à voter une telle motion. "C'est très divisé", glisse un élu du groupe à franceinfo. "Je ne vote pas ça", appuie un autre député LR. 

Au sein du groupe RN, qui compte 88 députés, "nous allons en discuter [lundi]", a affirmé Marine Le Pen, invitée du "Grand Rendez-Vous" sur Europe 1, CNews et Les Echos. "Il y a des arguments pour et des arguments contre", a développé la présidente du groupe RN à l'Assemblée.

"L'argument contre, c'est qu'évidemment nous souhaitons débattre. Le pour, c'est qu'il est tout à fait évident que nous sommes opposés frontalement à cette loi."

Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais

sur Europe 1, CNews et "Les Echos"

Ces derniers jours, plusieurs avis se sont exprimés sur le sujet dans les rangs de l'extrême droite. Interrogé par l'AFP, le député Jean-Philippe Tanguy a ainsi déclaré que le RN ne voterait pas cette motion de rejet, car il souhaite "débattre" sur le texte. La décision des députés RN sera prise lundi "à 15 heures, à l'occasion d'une réunion de groupe", a précisé Edwige Diaz, vice-présidente du parti d'extrême droite, sur franceinfo.

La majorité se veut confiante

A l'approche du vote, le gouvernement et la majorité veulent croire en la poursuite des débats sur le projet de loi à l'Assemblée nationale. Sur franceinfo et France Inter, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, s'est également dit confiant. "Je ne crois pas" qu'il y ait un risquea-t-il déclaré. "Pas d'inquiétude", confirme auprès de France Télévisions une source au sein de l'exécutif.

 

"Il est quand même très compliqué pour LR et le RN d'expliquer que l'on va voter une motion de rejet écologiste, pour refuser de débattre sur l'immigration..."

Une source au sein de l'exécutif

à France Télévisions

Au sein de la majorité, des élus évoquent tout de même "des risques" que la motion de rejet soit adoptée, même si cette probabilité semble "faible". "Ce serait incroyable que LR et le RN la votent. Mais avec l'ambiance actuelle, on peut s'attendre au pire", ajoute un député Renaissance, à moitié rassuré. 

Sur franceinfo vendredi, Gérald Darmanin a lui-même reconnu qu'"arithmétiquement oui, les oppositions peuvent se coaliser et voter contre le texte". "Ce serait la coalition entre la carpe et le lapin, a-t-il toutefois dénoncé. Vous voyez des parlementaires LR voter une motion sur l'immigration avec les Verts et LFI ? Vous voyez le PS et Marleix dans le même paquet de votes ?" Un tel résultat, pour le ministre de l'Intérieur, "serait absolument contre-nature et contraire à l'intérêt général des Français".

Benjamin Lucas rétorque qu'"il n'y a pas de texte de motion de rejet. Je ne demande pas à des collègues de se rallier à ma vision des choses. Le sujet, c'est d'appuyer sur un bouton 'oui' ou 'non', sur : 'Faut-il ou non rejeter le texte Darmanin ?'" 

Si la motion est rejetée lundi, l'examen du projet de loi en séance publique pourra débuter sans encombre. Dans le cas contraire, il serait immédiatement arrêté. Le gouvernement aura alors plusieurs options, détaille LCP : la reprise de la navette parlementaire avec un retour du texte du Sénat, la convocation d'une commission mixte paritaire (CMP) pour tenter de trouver un compromis entre les députés et sénateurs, ou bien le retrait pur et simple du texte.

A noter qu'une CMP "de sensibilité plus droitière que l'Assemblée (...) pourrait adopter un texte proche de celui du Sénat", d'après Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, dans Le Point

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