Notre-Dame-des-Landes : "On est prêts, on se défendra comme on pourra"
Après la visite de responsables écologistes, venus apporter leur soutien aux opposants au projet d'aéroport, francetv info a rencontré, mercredi, des militants, inquiets et en colère.
Sur la poche de sa veste en jean, il porte un petit badge jaune et rouge "non à l'aéroport". Jean-Claude est là pour rencontrer la direction d'Europe Ecologie-Les Verts, venue apporter son "soutien indéfectible" aux opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), mercredi 4 novembre. "Je manifeste à chaque fois que c'est possible", nous confie cet ambulancier, qui vit à Grandchamps-des-Fontaines, à quelques kilomètres de là. Comme lui, une trentaine de militants, drapeau vert sur l'épaule et badge à la poitrine, sont réunis, paisibles, sous le hangar de la "Vache-rit", l'une des fermes menacées d'expulsion, dans la "zone d'aménagement différé", baptisée "zone à défendre" (ZAD) par les opposants.
#nddl la rencontre entre EELV et les opposants à l'aéroport se passe donc là, à huis clos. pic.twitter.com/UM97RDhUPi
— Camille Caldini (@CCaldini) November 4, 2015
Sylvain Fresneau, le propriétaire des lieux, s'est entretenu, à huis-clos, avec le cortège écologiste. Il est "satisfait" d'avoir leur soutien, car "cela prouve que la mobilisation est forte". Après le rendez-vous, la secrétaire nationale d'EELV, Emmanuelle Cosse, et les députés Cécile Duflot et Noël Mamère, prennent la parole pour fustiger un projet "inutile", "anti-écologique" et "absurde". Sophie Bringuy, tête de liste EELV dans les Pays de la Loire, attaque un dossier "pourri, hors-la-loi", monté sur des "chiffres gonflés". Le public, réduit, applaudit. Les piques contre "les mensonges" de Manuel Valls, qui a annoncé la reprise du chantier en 2016, à l'Assemblée nationale, provoquent quelques "bravo".
René Louail, candidat EELV en Bretagne, prévient le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, tête de liste PS pour les régionales : "Il n'y aura pas d'accord avec le ministre-candidat s'il ne s'engage pas clairement à ne donner aucun euro à ce projet."
L'approche des élections régionales, justement, est dans toutes les têtes. "Si (Bruno) Retailleau passe, c'est foutu", s'inquiète Jean-Claude. Le sénateur, candidat de la droite dans les Pays de la Loire, est, en effet, un fervent défenseur du projet, qui divise la gauche.
"Cet aéroport n'existera pas"
L'échéance laisse un peu de temps aux opposants. Les forces de l'ordre ne devraient pas intervenir pour les déloger avant 2016. D'ailleurs, Claude Herbin, menacé d'expulsion après une décision de justice, "ne croit pas Manuel Valls". "Ce ne sont que des annonces, cet aéroport n'existera pas", nous assure-t-il. En mai, le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire lui a donné dix-huit mois pour quitter les lieux, mais "d'ici là, ma maison sera un lieu où les opposants pourront se rencontrer et s'organiser".
Plus méfiant, le zadiste Alex croit que "Manuel Valls est capable de tout". Il redoute, par exemple, une intervention pendant que les militants seront mobilisés autour de la COP21, à la fin novembre.
Sur la terre humide de la "Vache-rit", il trotte derrière les journalistes pour essayer de faire passer son message au Premier ministre, qui a qualifié les opposants de Notre-Dame-des-Landes de "minorité d'individus ultra-violents". Sous son petit bonnet tricoté, ce "zad-nomade" bavard, qui voyage d'une ZAD à l'autre, de Notre-Dame-des-Landes et Sivens, demande : "Nous sommes hyper-violents ? Mais combien il y a eu de blessés graves dans les rangs des forces de l'ordre ? Combien de morts ?" Le nom de Rémy Fraisse, tué par une grenade offensive tirée par des gendarmes, lors d'une manifestation sur le site de Sivens, ponctue régulièrement son discours.
La possible reprise du chantier réveille le souvenir des affrontements passés, entre zadistes et forces de l'ordre. "Je n'ai pas aimé la manif du 22 février" 2014, qui avait dégénéré, à Nantes, se souvient l'ambulancier Jean-Claude. Entre 20 000 et 60 000 opposants avaient défilé dans la ville, mais de violents affrontements avaient fait plusieurs blessés et conduit à des condamnations.
"Et puis, bloquer les routes, ça ne sert à rien, ça ennuie surtout les habitants du coin, déplore Jean-Claude. C'est contre-productif." Il veut un référendum local, dans le Grand Ouest. "C'est la meilleure solution pour une issue pacifique", selon lui. Il demande son avis à Noël Mamère. "Pourquoi pas", lui répond, sans conviction, le député écologiste de Gironde, avant de filer prendre son train pour Paris.
"Valls va déclencher des événements qu'il ne maîtrisera pas"
De son côté, Alex prétend que "personne ne souhaite la confrontation" et compte, pour l'éviter, sur la mobilisation de la population. "Le jour où on sera 500 000 ici, le pouvoir comprendra", croit-il. Pourtant, les zadistes s'attendent à une nouvelle tentative d'expulsion. "On s'y prépare", nous confie l'un d'eux, dans son sweat-shirt sale, croisé sur la route du supermarché voisin. Comment ? "On se prépare", répète-t-il, méfiant. Claude Herbin n'est pas plus précis : "On est prêts, on se défendra comme on pourra." Il prévient : "Valls va déclencher des événements qu'il ne maîtrisera pas."
Cabanes dans les arbres, sabotage des engins de chantier, occupation de mairies et de préfectures, barricades... "Chacun arrivera avec ses techniques de résistance", pour défendre les logis de fortunes et les cultures installées sur la ZAD, explique un zadiste, un peu plus bavard, à Libération. Et même si les forces de l'ordre parviennent à les expulser, "il faudra aussi nous empêcher de revenir", défie-t-il. Ils connaissent ce terrain difficile, ses petits chemins, ses zones boisées et humides d'où les forces de l'ordre n'ont encore jamais réussi à les déloger. Chaque panneau de circulation, aux alentours, porte une marque ou un autocollant, "la ZAD est partout", qui rappelle leur détermination.
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