Cet article date de plus de sept ans.

Notre-Dame-des-Landes : l'Etat doit gérer le risque de "la permanence d'une sorte de base arrière de la contestation radicale"

Selon Philippe Subra, professeur à l’Institut français de géopolitique de Paris-8, la décision qui sera prise sera présentée par le gouvernement comme "la moins mauvaise".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Photo aérienne de la ZAD, le 28 novembre 2017. (MAXPPP)

Calmer la contestation et "éviter que ces zadistes s'en aillent ailleurs, c'est un énorme enjeu pour l'État, bien plus important que l'aéroport du Grand-Ouest", a estimé mercredi 13 décembre sur franceinfo, Philippe Subra, professeur à l’Institut français de géopolitique de Paris-8 et auteur de Géopolitique de l’aménagement du territoire, paru en 2007 chez Armand Colin.

>> Notre-Dame-des-Landes : suivez la remise du rapport des médiateurs au Premier ministre

Pour Philippe Subra, le chef de l'État combine des éléments de langage "en direction des écologistes et (...) en direction des milieux économiques et des élus de la métropole qui souhaitent disposer d'un aéroport international." Peu importe la décision qui sera prise, "ce sera le moins mauvais choix", a-t-il expliqué.

franceinfo : Les zadistes de NDDL rêvent d'un épilogue comme sur le plateau du Larzac. Après des années d'occupation et l'abandon du projet d'extension d'un camp militaire, un bail avait été accordé par l'Etat à une société civile créée pour gérer ces terres. Est-ce réalisable à Notre-Dame-des-Landes ?

Philippe Subra : C'est une des questions les plus délicates qui est posée au gouvernement, celui de l'après ZAD dans le cas où il déciderait d'abandonner le projet d'aéroport du Grand-Ouest. Cela nécessite de l'imagination, c’est-à-dire trouver des solutions économiques et juridiques qui permettraient à une partie des zadistes agricoles de rester sur place pour mener des projets économiques agricoles. La conséquence serait d'apporter aux territoires une dynamique qui n'existait pas jusque-là. Je pense qu'il faut inventer ces solutions. On peut imaginer la constitution d'une société, coopérative ou autre, qui rachèterait les terres qui ont été expropriées et les mettrait à disposition de ces candidats à l'agriculture de proximité.

Est-ce que le gouvernement peut se permettre d'avoir recours à une évacuation par la force ?

Je ne pense pas. Je pense que le coût politique d'une évacuation qui donnerait lieu à des violences – qu'on ne peut pas préjuger – serait énorme, le cas de Sivens le montre. Les forces de l'ordre sont dans un état d'épuisement avec la situation sécuritaire. Le risque d'un dérapage est possible. Et je pense que la gendarmerie n'a pas la moindre envie d'évacuer la ZAD, le risque politique est trop important.

"Quelle que soit notre décision, la cohérence avec tous nos choix environnementaux au niveau national, européen et mondial, sera un des éléments de notre choix" a assuré le chef de l'État. Qu'est-ce-que cela signifie ?

J'entends un éléments de langage qui prépare l'opinion a une décision d'abandon. Je peux me tromper, mais c'est un moyen de justifier la solution environnementale qui est un petit peu meilleure, en termes de production de CO2. Je pense que c'est pour préparer l'opinion. Une autre façon de préparer l'opinion, c'est le rapport qui valide la prévision de 9 millions de passagers à Nantes-Atlantique. C'est une concession faite aux acteurs favorables au développement du trafic aéroportuaire. Il y a donc un élément de langage en direction des écologistes et un élément de langage en direction des milieux économiques et des élus de la métropole, qui souhaitent disposer d'un aéroport international.

Le chef de l'État promet qu'il tiendra compte des enjeux financiers et démocratiques. Comment résout-on cette équation ?

On est dans une posture qui est très macronienne, qui est celle du "et en même temps" : en même temps, on veut protéger l'environnement, en même temps on veut assurer le développement économique, en même temps on veut faire faire des économies à l'État. La solution qui va être prise sera présentée comme la moins mauvaise solution. Ce sera le moins mauvais choix aux yeux du gouvernement avec une part de pari. L'après ZAD, ce n'est pas seulement la question de l'installation de zadistes, c'est aussi le risque de la permanence d'une sorte de base arrière de la contestation radicale dans le Grand-Ouest. Il y a un jeu assez subtil à mener : obtenir que le foyer de contestation se calme, éviter que ces zadistes s'en aillent ailleurs, par exemple, à Bure, dans la Meuse. Et c'est un énorme enjeu pour l'État français, bien plus important que l'aéroport du Grand-Ouest.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.