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A Notre-Dame-des-Landes, Sylvie, agricultrice, n'a pas d'autre choix que de "continuer"

Cette agricultrice est une des dernières personnes à vivre sur la zone où doit être construit le futur aéroport nantais. Menacée d'expulsion, elle ne se voit pas partir. 

Article rédigé par Julie Rasplus - Envoyée spéciale en Loire-Atlantique
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Sylvie Thébault fait visiter son exploitation, le 27 juin 2016, près de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), au lendemain de la consultation sur le projet.  (JULIE RASPLUS / FRANCETV INFO)

Elle n'est pas restée tard, dimanche 26 juin, à la Vache rit, une grange où se retrouvaient les opposants après la consultation locale sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Car lundi, au lendemain de la victoire du "oui" à 55,17%, Sylvie Thébault s'est levée à 6 heures comme tous les autres jours de l'année. Il fallait bien traire les vaches.

Cette agricultrice de 51 ans appartient à l'une des quatre familles menacées d'expropriation en raison du projet de transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique. Elle vit dans ce qu'on appelle la "zone d'emprise". Derrière sa ferme, dans le champ où paissent ses 36 laitières, le béton viendra peut-être recouvrir l'herbe. C'est là que la piste nord de l'aéroport devrait se poser. Difficile d'imaginer qu'au milieu de cette parcelle de 2 hectares, des avions pourraient, un jour, troubler la quiétude de ce bout de campagne. 

Cette parcelle de Sylvie Thébault pourrait être bétonnée si le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes se faisait. La piste nord passerait ici.  (JULIE RASPLUS / FRANCETV INFO)

"On est légitimes à rester ici"

Malgré les visites répétées des huissiers, la famille Thébault reste installée au Liminbout, un lieu-dit appartenant à la commune de Notre-Dame-des-Landes. Sylvie ne se voit pas rendre les armes et lâcher sa ferme, acquise il y a 17 ans. "Le gros des emprunts d'installation est fini d'être payé. On est largement en phase de croisière. C'est aussi ça qui est dramatique dans cette situation", lâche-t-elle, amère.

Dimanche, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé que les travaux du projet reprendront à l'automne, le temps d'évacuer la ZAD, toujours occupée par des militants écologistes ou altermondialistes. Sylvie Thébault attend, philosophe, les décisions concernant la loi sur l'eau et les espèces protégées. "Tant que les recours ne sont pas terminés, on est légitimes à rester ici", affirme-t-elle, en pariant sur un nouvel échec d'une opération policière.

Si le gouvernement veut venir vider la zone, ça ne se fera pas facilement. Je pense qu'on bénéficiera d'un soutien massif. On a eu l'opération 'César' et on est resté. Donc on verra bien ce qu'il se passera...

Sylvie Thébault

à francetv info

L'approche de la présidentielle pourrait aussi jouer en sa faveur et retarder le moment de l'expulsion. Et puis, Notre-Dame-des-Landes se fera-t-il vraiment ? 

L'hypothèse d'une expulsion et la réalité du travail

Si le projet aboutit, Sylvie Thébault devra partir. Où ? Elle ne sait pas : "il y a des ponts à Nantes, ça me rassure", ironise-t-elle. Même s'ils se réinstallaient ailleurs, Sylvie et son mari, Marcel, ne retrouveraient jamais "le cadre" qui les a séduits à leur arrivée à Notre-Dame-des-Landes. "On voulait faire du lait avec beaucoup de pâturages. Ici, il y a énormément de bocage. On ne trouve pas souvent ça...", décrit l'agricultrice, épinglant "un gâchis écologique et un gaspillage d'argent public".

D'ici à ce que le projet prenne vie, Sylvie Thébault se doit bien de continuer, non seulement son combat, mais surtout son travail sur l'exploitation. L'automne et son éventuelle expulsion lui paraissent donc bien loin.

Mes vaches sont inséminées, j'aurais des naissances de veaux prévues à ce moment-là. Je fais mes stocks d'ensilage d'herbe, j'ai semé du maïs. Je n'ai pas le choix. La vie continue...

Sylvie Thébault

à francetv info

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