Nicolas Sarkozy a défendu sa politique mardi soir et annoncé qu'il proposerait "une réforme fiscale"
En milieu d'interview, il a laissé entendre qu'on se dirigeait vers la suppression du bouclier fiscal et de l'impôt de solidarité sur la fortune. S'il assure qu'il n'y aura "pas d'augmentation d'impôts" globale, il veut "créer un nouvel impôt sur le patrimoine".
Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a annoncé une "grande consultation" sur la dépendance.
Interrogé d'entrée de jeu sur le remaniement gouvernemental, le président a justifié la reconduite de François Fillon à Matignon par "le choix de l'intérêt général", car il était "la meilleure personne à cette place". Nicolas Sarkozy estime avoir choisi, en François Fillon, un homme en qui il accorde "une grande confiance" et avec qui il n'y a "aucun nuage". François Fillon est le "meilleur Premier ministre de la France", a-t-il encore martelé. Il a privilégié "le choix de la stabilité dont la France a besoin", après les mois troublés qui ont précédé au niveau social.
A propos de Jean-Louis Borloo, longtemps pressenti pour accéder à Matignon, Nicolas Sarkozy a assuré qu'il aurait souhaité qu'il "reste" au gouvernement, parlant de lui comme d'un "homme de très grande qualité".
"Pas un gouvernement partisan"
Réagissant aux commentaires ayant observé, avec le récent remaniement, la fin de l'ouverture (avec les départs de Bernard Kouchner, de Fadela Amara et de Jean-Marie Bockel) et le peu de place fait aux centristes, le président a défendu "une équipe très professionnelle, très solidaire".
"Ce n'est pas un gouvernement partisan", mais "un gouvernement resserré", a-t-il plaidé, soulignant qu'une nouvelle étape s'imposait, un certain nombre de ministres étant en "bout de course". Nicolas Sarkozy a assuré qu'"avec François Fillon, nous avons écarté du gouvernement plus de personnalités UMP que de toutes les autres formations". Quant à la nouvelle équipe Fillon, elle travaillera jusqu'à la fin du quinquennat en 2012 "sauf imprévu".
Par la suite, Nicolas Sarkozy a justifié certains aspects de la politique menée sous son mandat, mais a aussi évoqué certaines crises rencontrées par sa majorité. Et il a clairement laissé entendre que des décisions fiscales importantes allaient être prises.
Vers une suppression de l'ISF et du bouclier fiscal
Nicolas Sarkozy s'est dit implicitement favorable à la suppression du bouclier fiscal et de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), en évoquant la création à leur place d'un nouvel impôt sur les revenus et plus-values du patrimoine, dans le cadre d'une réforme de la fiscalité en juin 2011.
"L'idée c'est d'engager un vaste débat pour prendre une décision au printemps prochain qui permettrait d'harmoniser la fiscalité française et la fiscalité allemande, parce que je ne veux plus de délocalisations, parce que je souhaite qu'on garde des industries en France", a expliqué le chef de l'Etat. Pour cela, il a annoncé la création d'"un nouvel impôt sur le patrimoine dont l'idée est la suivante: l'erreur faite dans les années passées c'était de taxer le patrimoine alors qu'il vaut mieux taxer les revenus du patrimoine et les plus-values du patrimoine". "C'est l'axe de la réforme que nous allons engager", a-t-il dit. "On va donc vers une suppression du bouclier fiscal, une suppression de l'ISF?", a questionné l'un des journalistes... Et vers "la création d'un nouvel impôt sur le patrimoine", a enchaîné Nicolas Sarkozy sans démentir.
La politique de l'immigration
Nicolas Sarkozy a défendu la politique menée par son gouvernement, une politique très critiquée jusqu'au-delà de nos frontières. "Si on ne maîtrise pas les flux migratoires, on organise le 'collapse' de notre système d'intégration", a-t-il justifié, reprenant -comme la majorité l'a déjà fait par le passé-, la fameuse phrase prononcée par Michel Rocard, il y a de nombreuses années lorsqu'il était à Matignon: "On ne peut pas accueillir toute la misère du monde."
Cependant, Nicolas Sarkozy a admis que "le débat sur l'identité nationale a provoqué des malentendus": "J'ai renoncé à l'identité nationale comme mots parce que cela suscite des malentendus, mais sur le fond je n'y renonce pas." Le ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, promesse du candidat Sarkozy en 2007, a disparu du nouveau gouvernement Fillon. L'Immigration a été ajoutée au portefeuille de l'Intérieur de Brice Hortefeux. "Seul le ministre de l'Intérieur a les moyens de réguler les flux migratoires", a déclaré l'hôte de l'Elysée. "Le système d'intégration français est en panne, tout le monde le voit bien (...) Le gouvernement de François Fillon portera une politique de l'immigration humaine, et en même temps ferme, parce que je n'ai pas l'intention que des criminels mafieux organisent leur prospérité sur la misère humaine, en faisant venir en France des gens à qui nous ne pouvons proposer ni logement, ni travail."
La réforme des retraites
Interrogé sur le vaste mouvement social d'opposition au projet, Nicolas Sarkozy a défendu une réforme qui "appartient à l'intérêt général", assurant que "le régime sera excédentaire jusqu'en 2020". "C'est normal qu'en période de crise, et nous avons connu une crise, c'est normal que le président, qui est responsable, soit celui qui porte la colère, l'inquiétude, la mauvaise humeur (...) Quand on est président, on doit faire son devoir", a-t-il ajouté. "La question pour moi dans l'affaire des retraites n'était pas question de la popularité, c'était pas la question de préparer 2012 ou pas."
Dépendance: une vaste consultation
Nicolas Sarkozy a annoncé mardi soir une "grande consultation", durant six mois, sur une réforme de la dépendance, ainsi que des "décisions à l'été 2011", pour une loi qui suivra à l'automne. "C'est un engagement: après avoir réformé les retraites et garanti le revenu des retraités, je souhaite que nous réformions la dépendance", a-t-il déclaré.
"Nous allons organiser une grande consultation qui va durer six mois avec les conseils généraux, qui sont une partie des financeurs de l'APA (Allocation personnalisée d'autonomie, ndlr), avec les associations de personnes âgées, avec les forces syndicales, pour voir comment nous pouvons faire face au déficit de financement qui est colossal." Puis il s'est interrogé: faut-il "obliger les gens à s'assurer", "augmenter la CSG", avoir des "recours sur succession", avant de conclure: "ce sont des problèmes extrêmement lourds."
Chômage: Sarkozy annonce une baisse
Nicolas Sarkozy a assuré mardi à la télévision que "le chômage reculera l'année prochaine" et que l'engagement du gouvernement sera "total sur ce front-là". Pour aider les licenciés économiques, le président de la République a annoncé la généralisation du contrat de transition professionnelle. Pour stimuler l'emploi des jeunes, le chef de l'Etat a promis le doublement du nombre de jeunes en alternance.
"Nous allons profiter de la négociation que vont engager les partenaires sociaux sur la nouvelle convention d'assurance chômage qui se termine au mois de mars (...) Nous les aiderons à cette occasion à obtenir la généralisation du contrat de transition professionnelle". A la personne licenciée économique, "on garantira un an de son salaire, elle aura un contrat avec Pôle Emploi et elle sera accompagnée dans un effort de formation et elle aura l'obligation d'accepter un emploi pour une formation qualifiante".
Concernant les jeunes, ceux en formation en alternance (contrats de professionnalisation et contrats d'apprentissage), qui sont 600.000 aujourd'hui, ont "70% de chances de trouver un emploi", a affirmé Nicolas Sarkozy, selon lequel "il faut doubler le nombre des jeunes en formation en alternance".
Sur la justice
Nicolas Sarkozy a annoncé le lancement d'une réflexion afin que des "citoyens" siègent "aux côtés du juge d'application des peines" pour prendre "la décision de libérer ou non des criminels". Il a déclaré réfléchir, en outre, à l'éventualité de "faire entrer des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels" pour "les délits les plus graves".
Le départ d'Eric Woerth du gouvernement
Rendant hommage à l'ex-ministre de Travail qui a mené à son terme la réforme des retraites après avoir essuyé la tempête de l'affaire Bettencourt, Nicolas Sarkozy a décrit "l'une des décisions les plus difficiles qu'il ait eu à prendre avec François Fillon". Il a admis qu'il ne voulait pas avoir à gérer des "rendez-vous judiciaires inévitables". Le chef de l'Etat a évoqué son "admiration" pour "le courage" et "la dignité" d'Eric Woerth, un homme "profondément honnête", lors de la réforme des retraites.
Pas de future alliance avec le FN
Nicolas Sarkozy a exclu mardi toute alliance avec le Front national, malgré l'arrivée probable à sa tête en janvier prochain de Marine Le Pen qui succéderait ainsi à son père. "Je respecte tout le monde, mais je ne crois pas une alliance possible avec le Front national, je n'y ai jamais cru."
Sur les otages français
Le chef de l'Etat s'est dit "spécialement inquiet pour nos otages au Mali qui ont été pris en otage par une bande appartenant à Aqmi". En revanche, à propos des deux journalistes de France 3 détenus en Afghanistan, "la situation est complexe" mais Nicolas Sarkozy s'est dit "un peu moins inquiet pour eux".
Sur l'espionnage présumé des journalistes par les services secrets
"Jamais, à aucun moment, d'aucune façon, je me préoccupe de près ou de loin, des téléphones, des lieux et des rencontres des journalistes français", a affirmé Nicolas Sarkozy, alors que des médias ont dénoncé récemment des opérations de surveillance de journalistes commanditées en haut lieu.
Sur le dur exercice du pouvoir, et sur 2012...
Le président a admis mardi soir qu'il pouvait "parfois" avoir des moments de découragement, mais qu'ils "ne durent pas longtemps", grâce à son entourage. "J'ai la chance d'avoir une famille qui m'entoure et qui me soutient (...) Quand on a la chance d'être marié avec une femme qui a beaucoup d'intelligence, ce serait un grand dommage de ne pas écouter, de ne pas discuter, et ça m'aide beaucoup. J'ai des amis (...) Mais au fond (...) je suis obligé d'écouter, et en même temps, je dois bien reconnaître que sur les grands sujets je deviens moins influençable, parce que je vois, je crois qu'il y a des choses que la France doit faire." Enfin, Nicolas Sarkozy, à qui l'on demandait si l'exercice du pouvoir avait changé son goût du pouvoir, a répondu "Oui". Est-il plus grand ? "Non."
Par ailleurs, dans la perspective de futures échéances électorales, Nicolas Sarkozy a déclaré mardi soir qu'il n'avait "aucun problème" à travailler avec le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn, possible concurrent à la course à l'Elysée en 2012, assurant encore qu'il était "sans arrière-pensée" pour 2012. "Dominique Strauss-Kahn est un homme pour qui j'ai beaucoup de considération, je vous rappelle qu'il était mon candidat au FMI." Comme on lui demandait s'il regrettait que DSK soit à ce poste important en faisant "un adversaire redoutable" en cas de candidature à la présidentielle, Nicolas Sarkozy a répondu: "Vous croyez que le chef de l'Etat français pourrait avoir la médiocrité de regretter qu'un Français dirige une grande institution comme le FMI ?"
Un exercice délicat pour Nicolas Sarkozy
Le chef de l'Etat avait choisi de répondre en direct à la télévision, depuis l'Elysée, et pour au moins une heure et demie, aux questions de Claire Chazal, de TF1, David Pujadas, de France 2 et Michel Denisot, de Canal Plus. Cette intervention était la première depuis celle accordée en juillet à France 2 en pleine tourmente de l'affaire Woerth-Bettencourt. Un exercice délicat, alors que 64% des Français, selon un sondage Harris Interactive pour Europe 1 publié lundi, assurent déjà ne pas faire confiance au nouveau gouvernement.
L'intervention a été suivie d'une émission spéciale "A vous de juger" sur France 2 (réactions, analyses...)
Déclaration de politique générale le 24 novembre
Ce n'est que dans huit jours, le 24 novembre, que le Premier ministre doit présenter formellement son programme aux députés lors d'une déclaration de politique générale. Un signe que, s'il a été contraint de prolonger le bail à Matignon d'un François Fillon plébiscité à droite, Nicolas Sarkozy n'entend pas, lui, abandonner la moindre parcelle de son autorité.
Fillon a donné ses priorités mardi, avant l'intervention de Sarkozy
S'il a jugé "normal" que le chef de l'Etat "fixe (ses) orientations et les présente lui-même aux français", le Premier ministre n'a pu s'empêcher mardi de profiter de la séance des questions à l'Assemblée pour évoquer ses grands chantiers, avant l'intervention présidentielle. Devant les députés, François Fillon a répété que "lutte contre les déficits" et "réduction de la dépense publique" constituaient sa "priorité absolue". Entre autres priorités, il a évoqué "la dépendance", "une grande réforme fiscale", avec la suppression attendue du très contesté bouclier fiscal, ou encore le "renforcement de la croissance au service de l'emploi".
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