Patrimoine : "Lorsqu'on détient un mandat, on doit accepter de se mettre un peu à nu"
Thierry Philipponnat, secrétaire général de Finance Watch, confie ses premières réactions après l'annonce par François Hollande de mesures visant à "moraliser" la vie politique.
Finance Watch est une ONG aussi jeune qu'entreprenante. Fondée en 2011, elle se veut un contre-pouvoir face aux dérives des établissements financiers. Son terrain de jeu favori : les couloirs européens de Bruxelles. Thierry Philipponnat, un ancien banquier, en est le secrétaire général. Pour francetv info, il confie ses premières réactions après l'annonce des mesures prises par François Hollande, mercredi 10 avril, pour "moraliser" la vie politique.
Comment avez-vous réagi aux annonces du président de la République sur la "moralisation de la vie politique" ?
Il était temps que l'impulsion vienne du plus haut niveau pour affirmer que l'évasion fiscale est insupportable. Car nous ne parlons pas là d'un sujet annexe. En France, on évalue le manque à gagner de cette fraude entre 50 et 80 milliards d'euros, soit à peu près l'équivalent du déficit du pays. C'est donc un énorme enjeu qui n'est pas d'ordre strictement moral. L'instauration d'un parquet financier ainsi que la déclaration de patrimoine pour les ministres, puis pour les parlementaires, participent d'un bon principe : la transparence.
Ce mot fait débat. La déclaration de patrimoine semble diviser la classe politique et l'opinion. On la qualifie même de mascarade…
Bien sûr, il y a de la résistance, de la jalousie. Ceux qui ont un gros patrimoine ne sont guère enclins à le rendre public, même si l'origine de cette fortune n'a rien d'illégal. Mais, et cela n'engage que moi, lorsqu'on détient un mandat public, on doit accepter de se mettre un peu à nu. De plus, si, à l'issue d'années passées dans une fonction importante, on observe que le patrimoine du responsable politique a doublé voire triplé, on sera en mesure de lui poser des questions.
Le dispositif annoncé par François Hollande est-il suffisant ? Il a parlé d'une nécessaire dimension européenne dans la lutte contre les paradis fiscaux, qu'en pensez-vous?
Ce discours est une forme de réponse à ce qui avait été claironné au moment du G20 de Londres, en 2009. A l'époque, on avait affirmé qu'une liste des paradis fiscaux serait dressée. Exactement comme vient de le promettre le président français. Sauf que, le soir de cette annonce, dans la liste, il n'y avait plus aucun nom. On avait fait semblant ! Il faut donc que la France rédige une liste sérieuse, dont nous allons surveiller la mise en œuvre. Car, là encore, l'enjeu est essentiel : mettre à bas le secret bancaire.
En définitive, quel est votre sentiment, optimiste ou méfiant ?
C'est un subtil cocktail de grande prudence (nous n'ignorons rien de la puissance du lobby financier) et de grand espoir. Mais, de fait, les digues sont en train de céder. Il devient quasi impossible pour un responsable politique de défendre purement et simplement le système. Et s'il met en avant l'argument de la compétitivité qui nécessiterait l'existence des paradis fiscaux, nous lui répondons que cette "qualité" serait fondée sur la fraude fiscale. Dans ce cas, qu'il le dise et l'assume ! Voilà un beau sujet de débat politique.
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