Mélenchon, Joly, Poutou sur la scène du Rond-Point pour affirmer que "se loger est un droit"
"Vous êtes ici chez vous", a lancé Jean-Michel Ribes, le directeur du Théâtre du Rond-Point, lundi 8 janvier à Paris, en ouverture du meeting contre le logement cher, auquel participaient pas moins de trois candidats à l'élection présidentielle.
Décor dépouillé, lumière sobre, lundi soir, l'heure n'était pas à la franche rigolade sur les planches du théâtre du Rond-Point, même si les dessins improvisés des dessinateurs Charb et Faujour ont fait mouche plus d'une fois. Le scénario donnait en revanche une impression de "déjà vu".
Thème de la soirée organisée conjointement par la plate-forme logement des mouvements sociaux, l'association pour le Droit au logement (DAL) et la Fondation Copernic : "l'urgence contre le logement cher, les expulsions et la spéculation immobilière".
Pendant près de quatre heures, de nombreuses personnalités - Josiane Balasko, Yvan le Bollo'ch, Pierre Richard, Albert Jacquard, etc., - politiques, Eva Joly (EELV), Philippe Poutou (NPA) Jean-Luc Mélenchon (FG), Marie-Noëlle Lienemann (PS), Pierre Laurent (PC), et militants - Aurelie Trouve (Attac), Annick Coupé (Solidaires) Jean-Baptiste Eyraud (DAL), Elodie Fumet (CSF), etc., se sont succédés pour rappeler les chiffres, dénoncer une situation inacceptable mais non inéluctable et exposer leurs propositions.
Jean-Luc Mélenchon : "Vous n'êtes pas locataire de l'office HLM, vous êtes locataire de la banque"
"Nous ne sommes pas victimes d'une malédiction qui nous tomberait sur la tête comme la grêle. Nous sommes dans une réalité sociale, volontairement organisée pour vous pousser à acheter vos logements", a expliqué le candidat du Front de Gauche.
Avant d'en dénoncer les fautifs et le mécanisme : "Le capitalisme s'enrichit à a partir de la rareté et de l'exploitation du travail. Il a donc organisé la rareté du logement, créé la frustration avant de proposer le rêve d'être propriétaire", a poursuivi M. Mélenchon.
"En réalité, vous ne changez pas de statut braves gens, vous n'êtes pas locataire de l'office HLM, vous êtes locataire de la banque parce qu'avant vous vous endettiez sur quatorze ans et maintenant vous en prenez pour vingt-cinq et souvent, pour la même mensualité qu'auparavant".
Pour enrayer le phénomène, l'eurodéputé préconise de "briser la rareté" en créant "en abondance du logement". Pour rétablir l'équilibre et s'appuyant sur le rapport de la fondation de l'abbé Pierre, il propose de construire un million de logements de plus, à raison de 200.000 par an.
Mais dans l'urgence, M. Mélenchon se montre sans concession : "on désobéit aux ordres injustes, on réquisitionne les logements vides".
Mélenchon : "Ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas régler les problèmes"
Au cours de son intervention, M. Mélenchon s'est dit aussi partisan, non d'un gel, mais d'une baisse des loyers, "d'abord pour que les gens puissent payer et se maintenir dans le logement".
Sa méthode ? Celle des Allemands, également préconisée quelques minutes avant par la candidate écologiste, Eva Joly,qui consiste à calculer la moyenne des loyers dans une zone "et tout ce qui est au dessus, on rabaisse", a expliqué M. Mélenchon. "Voilà une méthode qui permet simplement, sans spolier personne, de baisser les loyers".
Quant aux maires qui n'appliquent pas la loi SRU, "il faut avoir la main un peu ferme", "ils doivent être poursuivis". " Les préfets doivent se substituer à eux quand ils n'appliquent pas la loi et les communes très riches qui ne veulent pas de pauvres chez eux, et bien c'est très simple, elles ne reçoivent plus de subventions publiques".
"Ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas faire quelque chose tout de suite, et ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas régler les problèmes à très moyen terme et ce n'est pas vrai que quand on dépense de l'argent pour du social c'est comme si on jeter de l'eau dans le sable c'est tout le contraire".
"Le progrès économique, le progrès écologique dépend du progrès social", a conclu M. Mélenchon.
Joly pour "un moratoire sur les loyers", Poutou pour "l'inéligibilité des maires qui ne respectent pas la loi SRU"
Poussant d'un cran, Eva Joly a plaidé elle pour "un moratoire sur les loyers pendant au moins trois ans", voulant ainsi éviter les hausses décidées lors de la re-location. "Nous voulons mettre fin à la liberté de relouer à n'importe quel tarif quand le logement est vacant", a-t-elle dit, ajoutant: "Souvenez-vous qu'en 2006 Sarkozy nous disait qu'il n'y aurait plus un seul SDF, et leur nombre a augmenté de 50%".
S'il est élue, la candidate écologiste s'est engagée à "réhabiliter 300.000 logements par an, les mettre aux normes pour réduire la facture (énergétique) des familles", renvoyant aux "950.000 emplois dans l'économie verte" qu'elle doit annoncer vendredi.
Le candidat du NPA, Philippe Poutou, s'est dit aussi favorable à la réquisition des logements vides et au blocage des loyers, et a proposé par ailleurs la création "d'un service public de l'urbanisme et du logement et l'inéligibilité des maires qui ne respectent pas la loi SRU".
Le scandale du mal logement en quelques chiffres
Les données parlent d'elles mêmes. Aujourd'hui, la France compte 3,6 millions de personnes non ou très mal logées, et plus de 5 millions en situation de fragilité à court ou moyen terme, selon la Fondation Abbé Pierre.
Au total, et si l'on prend en compte l'ensemble des situations de personnes en situation de fragilité dans leur logement, au moins 10 millions de personnes seraient touchées par la crise du logement.
A tour de rôle, les représentants des associations qui ont lancé une pétition "contre le logement cher", en plus de celle de la Fondation Abbé Pierre, ont dénoncée lundi soir une quadruple flambées.
Celle de l'immobilier (+ 107% pour le prix des logements depuis les années 2000 contre 23,3 pour le revenu des ménages), celle des loyers (augmentation deux fois plus rapide que la moyenne des prix à la consommation), des expulsions (+96,6% entre 2000 et 2010), et des profits des bailleurs.
Puis après le constat, ils n'ont pas manqué de faire valoir leurs revendications, souvent identiques à celles des candidats.
Entre autres : un moratoire sur les expulsions locatives, l'application et l'amélioration de la loi de réquisition, la baisse et la régulation des loyers dans le parc privé, la création nette de 150. 000 logements sociaux par an, la mise en œuvre et le renforcement de la loi SRU, l'abrogation de la loi Boutin "qui fait du logement une marchandise", l'encouragement des coopératives d'habitants et le maintien intégral de la ressource du livret A, en clair la restitution à la Caisse des Dépôts et Consignations de l'épargne détournée à des fins spéculatives par les banques pour financer la réalisation des logements sociaux.
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