Relations FN-presse : des "intimidations" inquiétantes pour "la liberté de la presse"
Jean-Michel Bretonnier, rédacteur en chef de La Voix du Nord, a détaillé la relation entre les journalistes de son quotidien et le FN à Hénin-Beaumont (Nord) à la suite du communiqué de plusieurs SDJ qui dénonce les méthodes du parti durant la campagne présidentielle.
Une trentaine de Sociétés de journalistes (SDJ) ont publié, vendredi 28 avril, un communiqué pour dénoncer les méthodes du Front national pendant la campagne présidentielle. "Le FN a décidé de choisir les médias qui sont autorisés à suivre Marine Le Pen", écrivent-ils. Plusieurs titres de presse ont vu leurs représentants tenus à l'écart de toute information et de toute possibilité de suivre sur le terrain la candidate. Les SDJ estiment qu'il y a une entrave à la liberté de la presse.
À Hénin-Beaumont, dans le Nord, la mairie dirigée par le nouveau président par intérim du Front national Steeve Briois, les relations entre la municipalité et le quotidien régional La Voix du Nord sont à couteaux tirés depuis 2014. Sur franceinfo, vendredi, Jean-Michel Bretonnier, directeur de la rédaction et rédacteur en chef de La Voix du Nord a évoqué les "intimidations" du maire frontiste qui souhaite que les journalistes fassent "la communication" de la ville. Il s'inquiète de ce que serait la "liberté de la presse en France si Marine Le Pen devenait présidente de la République".
franceinfo : Que vit la rédaction de La Voix du Nord au quotidien ?
Jean-Michel Bretonnier : Elle vit quelque chose d'inimaginable. Dans toutes les municipalités de France, la presse locale intervient sur des sujets municipaux. Elle interroge le maire et les élus, qui répondent. Nous écrivons ensuite ce que nous pensons devoir écrire en toute liberté. À Hénin-Beaumont, dès que l'on est critique avec des décisions de la municipalité, on devient suspect d'être assujetti à la gauche, ou traitre à la ville et aux habitants d'Hénin-Beaumont. La municipalité, du coup, refuse de répondre à nos questions. Nous enquêtons quand même et nous publions les informations. Comme elles ont trait à la municipalité, la mairie nous inonde de droits de réponse quasi systématiquement, plusieurs fois par semaine. Nous sommes obligés pour l'instant de publier une avalanche de droit de réponse.
Est-ce que cela s'apparente à du harcèlement ?
C'est une sorte d'intimidation. On essaye de nous faire rentrer dans une sorte de rang. Il faudrait que nous fassions la communication de la mairie plutôt que notre travail d'information. C'est leur seconde nature qui apparaît. Ils n'admettent pas que l'on puisse critiquer leurs actions. Le maire pense avoir fusionné avec la ville et ses habitants. Quand nous critiquons le maire, nous critiquons la ville et les habitants d'Hénin-Beaumont. Cela nous laisse penser ce que serait la liberté de la presse en France si Marine Le Pen devenait présidente de la République.
Est-ce que vous payez la une que vous avez publiée en 2015 contre le Front national au moment des élections régionales ?
Cela n'a pas arrangé nos relations. Dès l'élection de Steeve Briois, en 2014, les relations se sont tendues avec nous, comme avec ceux qui ont le malheur d'être dans l'opposition. Par exemple, Marine Tondelier, l'opposante de Steeve Briois au conseil municipal. Le maire lui dit publiquement : 'Vous êtes zéro dans tous les domaines, sauf pour faire madame pipi et même madame caca.' C'est ça le niveau des conseils municipaux à Hénin-Beaumont.
La Voix du Nord a-t-elle pris position dans l'élection présidentielle ?
Pour l'instant, non. Mon intention est de détailler notre position, pas seulement par rapport au Front national, mais aussi à la tendance à la radicalisation que nous vivons ces derniers temps. Il y a la banalisation du FN et la montée de certaines réactions à l'extrême gauche qui peuvent être aussi inquiétantes. Je ne veux pas que La Voix du Nord se considère comme un opposant à un parti politique. Nous sommes un journal qui a des valeurs. Elles sont d'abord républicaines, de tolérance, d'humanisme, d'équilibre et de modération en termes politique.
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