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Plan d'aide à l'investissement : pour les patrons de PME, "ce n'est pas la priorité"

Le Premier ministre a présenté, mercredi, un plan pour relancer l'investissement industriel. Mais les dirigeants de petites structures estiment que ces mesures ne les aideront ni à restaurer leurs marges ni à embaucher.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le Premier ministre, Manuel Valls, visite l'usine textile de l'entreprise France Confection, à Limoges (Haute-Vienne), le 5 mars 2015. (PASCAL LACHENAUD / AFP)

"Lever tous les blocages, agir sur tous les leviers" : c'est le visage volontariste de l'exécutif que Manuel Valls a voulu afficher, mercredi 8 avril, en présentant à l'Elysée le plan du gouvernement pour relancer l'investissement en France, et en particulier celui des entreprises. Un levier "essentiel", selon lui, pour accélérer la reprise économique qui semble se profiler.

Dispositif phare de cet ensemble de mesures : la possibilité pour les entreprises de "suramortir" leurs investissements industriels réalisés jusqu'en avril 2016, c'est-à-dire de déduire de leur bénéfice imposable 140% de la valeur de ces investissements (contre 100% aujourd'hui), sur une durée moyenne de cinq ans. 

Pas assez de visibilité pour investir

Mais ces mesures n'enthousiasment pas les patrons de petites et moyennes entreprises. "Pour bénéficier d'une réduction de l'impôt sur les sociétés, encore faut-il faire suffisamment de bénéfices pour payer cet impôt", ironise Gabrielle Deloncle, chef d'entreprise dans le bâtiment et présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises de l'Hérault. Si elle n'a "aucun doute sur le fait que les grandes entreprises bénéficieront" des mesures annoncées par Manuel Valls, elle estime que "les PME doivent avoir une visibilité pour investir". Et pour cela, il faudrait qu'elles parviennent à restaurer leurs marges et remplir leurs carnets de commandes.

Dans les PME, l'investissement n'est pas à l'ordre du jour, confirme Alain Gargani, président de la CGPME des Bouches-du-Rhône. Son entreprise, qui emploie une trentaine de personnes, organise des congrès. Cette année, il a entamé le renouvellement de son parc d'ordinateurs, avec prudence : "Je le fais, mais au coup par coup, avec la prudence d’un chef d’entreprise qui observe le baromètre tous les jours. (...) Je dois en changer la moitié, je n'en ai remplacé que le tiers pour l'instant."

Depuis plusieurs années, il envisage d'acquérir un véhicule utilitaire, mais "attend que le marché se stabilise". Alain Gargani reconnaît qu'il se penchera peut-être plus en détail sur la question avec le coup de pouce fiscal annoncé par le Premier ministre. Mais il craint que son entreprise et beaucoup d'autres ne soient pas concernées par cette mesure, qui vise les "investissements industriels". "Dans les Bouches-du-Rhône, 70% des PME et des TPE sont dans le secteur des services", rappelle-t-il.

"Le gouvernement est trop loin des PME"

A ces critiques s'ajoute le calendrier fixé par le Premier ministre : la mesure ne s'appliquera qu'aux investissements effectués dans une période d'un an à compter du 15 avril. Pour Gabrielle Deloncle, "le gouvernement et les hauts fonctionnaires sont trop loin des TPE et des PME. Ils ne réalisent pas qu’on ne peut pas réagir d’un coup de baguette magique" : tout investissement représente un risque, et demande de la réflexion.

"L'investissement n'est pas la priorité" pour les patrons de petites entreprises, appuie Alain Gargani. "Les PME et TPE veulent embaucher, mais elles ont peur. Si on veut débloquer l'emploi, une des priorités doit être de créer un contrat approprié", réclame-t-il. Gabrielle Deloncle acquiesce : "Aujourd'hui, pour bien embaucher, il faut pouvoir être sûr de garder la personne, et c'est impossible quand on n'a jamais de visibilité à plus de six mois sur nos carnets de commandes."

Dans une interview au magazine Challenges, le 1er avril, le Premier ministre assurait vouloir "ouvrir le chantier de l'emploi dans les PME", mais le gouvernement semble pencher en défaveur d'un nouveau type de contrat. Selon Libération, qui résume ces "flottements du gouvernement", la question devrait être tranchée en juin, lors d'une conférence sociale.

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