Manuel Valls veut-il mettre la France au smic ?
Le Premier ministre a promis de supprimer les charges des entreprises pour chaque salarié payé au salaire minimum.
"Voilà le changement", a annoncé le Premier ministre. Manuel Valls a promis la suppression des charges pour l'employeur d'un salarié payé au smic, à partir du 1er janvier 2015. C'est l'une des principales mesures du pacte de responsabilité, détaillé lors de la déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, mardi 8 avril.
Cette mesure destinée à favoriser la création d'emplois au salaire minimum pourrait avoir un effet pervers, en décourageant les employeurs d'embaucher à des salaires supérieurs au smic. C'est ce qu'on appelle "l'effet de seuil". Alors, Manuel Valls va-t-il mettre la France au smic ?
Non, la mesure ne concerne que 13% des salariés…
Le Premier ministre a choisi de cibler d'abord les bas salaires et donc les emplois peu qualifiés. Au 1er janvier 2013, 1,89 million de salariés, sur les 15,2 millions recensés dans le privé (hors intérimaires et apprentis), touchaient le salaire minimum, selon le ministère du Travail. C'est environ 13% des salariés.
Tous les secteurs d'activités ne sont pas également concernés. Les salariés touchant le smic sont environ 38% dans l'hôtellerie, la restauration et le tourisme et jusqu'à 61% dans la restauration rapide. En revanche, seuls 2% sont concernés dans le secteur bancaire, dans la finance ou les assurances et 3% dans la métallurgie, où les minima sont plus élévés que la moyenne.
Mais oui, le nombre de smicards augmente
"Plus vous ciblez les bas salaires, plus vous créez d’emplois." C'est un choix "logique" pour Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) interrogé par francetv info. C'est mathématique. Les charges patronales sur un smic s’élèvent à 13% du salaire brut (1 445 euros mensuels). Avec la baisse des cotisations, un employeur va donc économiser environ 188 euros par mois, pour chaque salarié payé au smic.
Manuel Valls n'a pas donné d'estimation, mais "on peut peut-être tabler sur la création de 200 000 emplois peu qualifiés", estime Henri Sterdyniak, économiste lui aussi à l'OFCE. Une estimation haute, car "les effets de ces mesures sur les bas salaires peuvent être dégressifs : très incitatives au début, elles le sont de moins en moins au fil du temps", précise-t-il à francetv info.
En outre, "les entreprises n'augmentent plus les salaires". "Les salariés embauchés pour un salaire un peu au dessus du smic ne sont pas augmentés. Par conséquent, ils se retrouvent progressivement au niveau du smic, qui lui est revalorisé automatiquement", détaille l'économiste.
Car rien ne compense cet effet de seuil
Aucune mesure à destination des salaires supérieurs au smic ne permet de lisser cet effet de seuil. "L'abaissement des cotisations famille [sur les salaires allant jusqu'à 3,5 fois le smic] n'a pas pour effet la création d'emploi à des salaires plus élevés, mais l'augmentation des marges des entreprises", explique Henri Sterdyniak à francetv info.
"Il aurait mieux valu mettre en place des charges progressives, en imitant le système de l'impôt sur le revenu. Cela évite (...) les effets de seuil", explique l'économiste Philippe Crevel sur le site du Nouvel Obs. "Tout franchissement du seuil devient insurmontable pour les employeurs : ils auront forcément plus intérêt à payer un salarié au smic, vu qu'ils ne paieront pas de charges sur son salaire", conclut-il.
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