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Manuel Valls : l'aile droite de la gauche entre à Matignon

Manuel Valls a été désigné par François Hollande pour succéder à Jean-Marc Ayrault. Le nouveau Premier ministre devrait rapidement prendre ses fonctions et composer son gouvernement. Itinéraire de l'ascension politique, de la faculté de Tolbiac à Matignon, de celui que l'on présente souvent comme le "Sarkozy de gauche".
Article rédigé par Matthieu Mondoloni
Radio France
Publié Mis à jour
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  (Maxppp)

Depuis ce lundi soir, Manuel Valls est le nouveau Premier ministre de François Hollande. Le président de la République a officialisé sa nomination ce lundi peu après 20h. Ministre de l'Intérieur du gouvernement de Jean-Marc Ayrault depuis 2012 et la victoire de la gauche à la présidentielle, il devrait former son gouvernement très rapidement, un gouvernement resserré autour d'une vingtaine de ministres, contre 39 précédemment.

Cette nomination est la suite logique de l'ascension politique de cet homme de 51 ans, né le 13 août 1962 à Barcelone d'une mère italienne et d'un père catalan qui a fui le régime franquiste. Son histoire est avant tout celle d'un immigré, et il aime à le rappeler.

Le social démocrate dans la fac d'extrême gauche

Manuel Carlos Valls est naturalisé français en 1982, à l'âge de 19 ans, par choix a-t-il toujours précisé. "Pour lui, c'est très important ", expliquait en juin 2013 sur France Info Jacques Hennen, co-auteur d'une biographie sur le ministre de l'Intérieur. "Il veut absolument sacraliser encore plus la cérémonie de naturalisation qui selon lui n'est pas encore assez formelle ", poursuivait encore Jacques Hennen.

Ses débuts politique, Manuel Valls les fait très tôt, en entrant à la faculté de Paris-Tolbiac, un bastion de l'extrême gauche. Membre du Parti socialiste, il se distingue de la plupart de ses camarades en s'affichant comme "social-démocrate ". Il soutient alors Michel Rocard, qui dit de lui qu'il n'a "jamais vu un jeune de cet âge et à cette époque avoir les neurones aussi bien organisés, et avoir une position aussi originale, aussi républicaine ".

Il occupe dès lors plusieurs fonctions au sein du PS, et est élu pour la première fois au Conseil régional d'Ile-de-France à seulement 24 ans, avant d'en devenir le premier vice-président en 1998. Mais il connaît également des échecs, notamment lors des législatives de 1997, où il s'incline dès le premier tour dans la circonscription d'Argenteuil.

Un "Sarkozy de gauche"

Mais loin de se décourager, Manuel Valls poursuit sa carrière politique. Il devient jospiniste et part à la conquête d'Evry lors des municipales de 2001. Il remporte la mairie, puis un an plus tard la circonscription de l'Essonne en devenant député. Il sera réélu député en 2007 et maire d'Evry en 2008. "Manuel Valls est un homme ambitieux qui saisit les opportunités ", explique Laurent Borredon, journaliste et auteur de Valls à l'Intérieur. C'est "un animal à sang froid ", doté d'une "ambition immense ", renchérit Jacques Hennen.

En cela, il ressemble beaucoup à Nicolas Sarkozy. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à les comparer. Il faut dire que le parcours des deux hommes comportent bon nombre de similitudes, et ils partagent certains proches, dont Alain Bauer, proche conseiller de Nicolas Sarkozy et parrain d'un des enfants de Manuel Valls.

Quand Valls refusait de rejoindre le gouvernement Fillon

Beaucoup le dépeigne, à l'image de l'ancien président de la République, comme un homme prêt à tout pour arriver à ses objectifs. Mais c'est aussi un pragmatique qui sait faire des choix, comme en 2007, quand il décline la proposition de Nicolas Sarkozy, justement, de rejoindre le gouvernement de François Fillon au titre de "l'ouverture".

Fidèle à ses convictions, il explique alors que son "destin est de rénover la gauche " et "qu'on verra dans cinq ans " si "Nicolas Sarkozy [lui] fait une nouvelle proposition ". Entre temps, il s'emploie effectivement à pousser son camp politique vers "plus de pragmatisme et plus de réalisme ", poursuit Laurent Borredon. Il s'oppose fortement au courant de François Hollande, présentant sa candidature à la primaire socialiste (il obtiendra 6% des voix), avant de le rejoindre.

Il est aussi de ceux à gauche qui critiquent ouvertement les 35h. En 2011 toujours, il expliquera vouloir les "déverrouiller ", s'attirant les foudres d'une large partie de la gauche.

C'est cette figure de "blairiste " du PS (allusion à Tony Blair, ndlr), d'homme de droite au sein de la gauche, ou de "Sarkozy de gauche " que traîne Manuel Valls. Celui d'un homme dont les discours sont parfois en rupture avec son propre camp politique. C'est le cas notamment en 2009, lorsque se promenant dans les rues de sa ville d'Evry, il semble regretter une "belle image de la ville d'Evry " où il faudrait "mettre quelques blancs, quelques 'whites', quelques blancos ".

En septembre 2013, un an après sa nomination en tant que ministre de l'Intérieur du gouvernement Ayrault, il crée à nouveau la polémique, cette fois en déclarant que seule une minorité de Roms souhaitent s'intégrer en France. "Il y a évidemment des solutions d'intégration mais elles ne concernent que quelques familles, c'est illusoire de penser qu'on règle le problème des populations roms à travers uniquement l'insertion ", indique-t-il encore.

Cet épisode l'oppose violemment à la ministre du Logement, Cécile Dufflot qui déclare alors qu'"on ne peut pas dire que il y a des catégories de population ou leur origine justifierait qu'elle ne puisse pas s'intégrer ". François Hollande n'intervient pas pour résoudre le conflit entre deux de ses ministres. Conflit qui trouve ses derniers encore aujourd'hui avec l'annonce de la ministre écologiste de ne pas participer à un gouvernement dirigé par Manuel Valls.

En tant que Premier ministre, "il va devoir mettre la pédale douce sur les polémiques auxquelles il est habitué ", prévient le journaliste Laurent Borredon. Car Manuel Valls ne rêve pas que de Matignon. Ses ambitions le portent plus loin : "Il rêve de l'Elysée, et ne s'en cache pas ", conclut Jacques Hennen.

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