Ce que la loi sur le renseignement va finalement changer
En pleine affaire d'espionnage américain, le projet de loi sur le renseignement, plusieurs fois amendé, est soumis, mercredi 24 juin, au vote définitif de l'Assemblée nationale. En voici les principaux points.
Le gouvernement voit la sortie du tunnel. Le texte final du projet de loi sur le renseignement est soumis au vote définitif de l'Assemblée nationale, mercredi 24 juin, après avoir été adopté la veille par le Sénat. Ultime rebondissement pour ce projet de loi très contesté : un dernier amendement a été déposé par le gouvernement au Sénat, le 23 juin, pour supprimer la disposition qui devait permettre de surveiller les étrangers de passage en France sans saisir l'instance de contrôle.
Malgré les révélations des écoutes américaines et l'opposition de nombreuses associations de défense des droits et d'une partie de la classe politique, le texte du projet de loi sur le renseignement, devrait être définitivement adopté. Voici ce que va finalement changer la loi.
Des logiciels espions pour surveiller le web
Le projet de loi prévoit d'installer, chez les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs de données, des "boîtes noires" contenant des algorithmes destinés à filtrer les communications, pour surveiller l’ensemble du web français. L'objectif est de détecter et de signaler aux services de renseignement des "comportements suspects" en analysant les recherches des citoyens sur la toile.
C'est l'une des dispositions les plus contestées de ce projet de loi. Les opposants dénoncent le caractère systématique et indistinct de la surveillance à travers l'installation de ces logiciels espions. Ils estiment que ce dispositif introduit dans la loi française la surveillance de masse, qu'ils jugent dangereuse pour les libertés individuelles.
Des écoutes plus intrusives
Les services de renseignement seront désormais autorisés, sans l'accord préalable d'un juge, à poser des micros chez des particuliers, des mouchards sur des objets, tels que les ordinateurs, ou encore à installer des balises GPS sur des véhicules. Le texte légalise aussi l'utilisation des très controversés "Imsi-catchers", qui interceptent dans un périmètre donné toutes les communications, sans distinctions, en imitant le fonctionnement d'un relais de téléphonie mobile.
Sur la question de la durée de conservation des renseignements collectés, un compromis a été trouvé entre députés et sénateurs : 30 jours pour les correspondances interceptées, 120 jours pour la captation d'images ou de données informatiques et quatre ans pour les données de connexion.
Une instance de contrôle purement consultative
Pensé comme un garde-fou, le contrôle de la surveillance des citoyens sera confié à une nouvelle autorité administrative indépendante : la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). L'instance de contrôle, qui remplacera l'actuelle Commission de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), sera composée de magistrats, de députés de la majorité et de l'opposition, et d'un expert technique, rapporte Le Monde.
Concrètement, toute demande de renseignement devra être adressée au Premier ministre par les services puis relayée auprès de la Commission, qui donnera un avis a priori. Les opposants dénoncent le caractère purement consultatif de l'instance de contrôle, que le Premier ministre peut tout simplement décider d'ignorer. Autre point de crispation : en cas d'urgence décrétée par le gouvernement, aucun avis n’est requis, et aucun contrôle n’est possible pendant les 48 premières heures de la surveillance.
Un fichier national des auteurs d'infractions terroristes
Un fichier des auteurs d'infractions terroristes (Fijait) devrait être créé. Dès sa mise en examen, et avant même sa condamnation, un individu pourra y figurer. Les personnes inscrites dans ce fichier seront contraintes de pointer tous les trois mois au commissariat et auront l'obligation de déclarer tout déplacement à l’étranger sous peine d’amende et de prison, relate La Croix.
Les informations collectées pourront être conservées pendant vingt ans, dix ans pour les mineurs. En cas de non-lieu, relaxe et acquittement, les informations seront, en revanche, effacées du fichier.
Un statut de lanceur d'alerte
Pour rassurer ceux qui s’inquiétaient des abus des services de renseignement, un statut de lanceur d'alerte a été créé. Il s'agit d'apporter une protection juridique à tout agent qui souhaiterait révéler des illégalités commises, y compris celles protégées par le secret défense. Pour se faire, il devra contacter la Commission de contrôle, rapporte L'Obs.
Une disposition insuffisante, selon les opposants, qui souhaitent que ce statut soit étendu à tous ceux qui révéleront des illégalités, à la manière d'Edward Snowden sur la NSA.
Certaines professions mieux protégées
Face à la fronde, le gouvernement a introduit un amendement qui protège certaines professions. Les techniques de renseignement à l'égard des magistrats, des avocats, des journalistes et des parlementaires seront ainsi soumises à des conditions plus strictes, explique Europe 1. Ils ne pourront pas faire l’objet d’une procédure d’urgence ni de surveillance de leur domicile et il faudra une autorisation spécifique du Premier ministre, après avis de la Commission, pour les mettre sous surveillance.
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